David Chase avant les Soprano : bide et bled

“Le Festival Séries Mania a l’honneur d’accueillir l’immense showrunner David Chase, pour présider le jury de la compétition d’avant-premières mondiales et internationales, inaugurée cette année”.

C’est par ces mots que la nouvelle fut annoncée sur le site officiel du festival. Oui, le papa de Tony, rien que ça, sera de la partie. L’occasion de revenir sur son parcours… Avant la série culte d’HBO.

David Chase est né en 1945 à Mount Vernon, dans l’état de New York. Il a donc 54 ans quand débarque la première saison des Soprano, et derrière lui, déjà, un CV bien rempli, mais confidentiel. On ne s’en souvient pas, on n’en parle pas, car les Soprano écrasent tout, changent tout quand ils arrivent sur les écrans en 1999. Tony, sa femme et sa bande remettent les compteurs à zéro, la carrière de Chase semble voir le jour, tandis qu’un nouvel âge (qui sera d’or) débute pour les scénaristes et les networks. Et pourtant, Chase est à ce moment-là, déjà, un ancien. Un vieux loup.

Dans Bienvenue en Alaska (Northern Exposure), on suit un médecin new yorkais venu exercer dans un bled tout pourri au sein duquel il finira par faire des rencontres qui vont, petit à petit, le faire changer d’avis sur les ploucs. Un mec veut par exemple projeter une vache dans les airs pour créer un moment magique, alors qu’une femme ne trouve pas cela bien grave puisqu’ils ont prévu de la manger après de toute façon mais propose tout de même de donner du Valium à la bête pour qu’elle n’angoisse pas avant le grand saut.

Créée par Joshua Brand et John Falsey, Northern Exposure accueille David Chase comme producteur exécutif pour 47 épisodes, mais un seul en temps que scénariste. La gloire et le respect se font attendre. Au milieu des années 70, Chase était story editor sur la série Kolchak: The Night Stalker, qui ne dura qu’une seule saison. En fait, avant les Soprano, il fallait avoir un sacré flair pour prédire à David Chase une quelconque renommée. Almost Grown, créée avec Lawrence Konner (scénariste de deux des pires films des années 90, Mon Ami Joe et Code Mercury), n’aura le droit qu’à une saison de treize épisodes, dont trois ne seront jamais diffusés. Pourtant, cette série suivant un couple sur plusieurs époques, méritaient mieux. Tant pis. Et malgré l’écriture de 19 épisodes de The Rockford Files, malgré un Emmy Award pour Off the Minnesota Strip (un téléfilm diffusé en mai 1980 sur un adolescent fugueur qui retrouve sa famille), et malgré la réalisation de Enough Rope for Two, un épisode d’Alfred Hitchcock Presents, Chase restera jusqu’à la fin des années 90 un grand anonyme.

Puis, en 1997, HBO dit oui. Oui à la plus grande série de tous les temps selon les gens qui n’ont pas vu Lost. Oui à une série très personnelle, tant David Chase y raconte aussi sa sa relation avec sa mère à travers celle de Tony et Livia (il était en pleine psychanalyse lors de l’écriture du scénario). Mais cette bénédiction mettra du temps, de longs mois. Si la chaîne de télévision payante américaine valide, elle ne semble pas pressée de mettre le pilote à l’antenne (elle ne le fera que deux ans après validation). Ainsi, Chase rumine, et, fasciné par The Public Enemy, avec James Cagney, il envisage même d’aller demander une rallonge budgétaire afin de tourner 45 minutes supplémentaire et de transformer sa potentielle série en un authentique film de gangsters.

En décembre 1997, HBO commande douze épisodes supplémentaires, et diffuse le tout premier le 10 janvier 1999.

La suite appartient à la Grande Histoire du petit écran.

Nico Prat

La 7ème édition du festival Séries Mania aura lieu du 15 au 24 avril 2016 au Forum des images, à Paris.