« Klaus » : quand le Père noël rencontre Conan le barbare
Grand Morrison arrive souvent là où on ne l’attend pas. Après avoir fait beaucoup de bien chez DC, notamment avec son compère Frank Quitely sur la série « All-Star Superman » qui lui a valu les honneurs des Eisner, il est passé par la case télé pourGrand Morrison arrive souvent là où on ne l’attend pas. Après avoir fait beaucoup de bien chez DC, notamment avec son compère Frank Quitely sur la série « All-Star Superman » qui lui a valu les honneurs des Eisner, il est passé par la case télé pour s’occuper de l’adaptation de la série « Happy! » dont il est l’auteur.
En 2015, Morrison fait un détour par le case Boom! Studios pour explorer un héros connu de tous mais dont les origines n’ont pas encore été approfondies : Santa Claus, aka le Père Noël. Avec son compère Dan Mora, Morrison s’affaire depuis plusieurs années (des spin-off sont toujours en cours aux US) a développer la genèse du personnage de fiction le plus connu des enfants.
« Klaus » est le « Batman Year One » du Père Noël, un récit qui nous plonge dans un monde médiéval-fantastique rude et froid. Magnus opprime la ville de Grimsvig avec ses hommes de main, obligeant les villageois à travailler dans une mine de charbon et essayant de supprimer la joie de vivre du cœur des hommes. Klaus n’est qu’un trappeur qui vit en marge de la société, ne se rendant en ville que pour quelques trocs. N’aspirant qu’à la tranquillité, il évite le plus souvent les problèmes, mais la soif de justice qui l’anime le pousse à la révolte. Klaus n’est pas un héros, mais il va le devenir par la force des choses, affrontant la noirceur d’un dirigeant prêt à toutes les exactions pour obtenir encore plus de pouvoir. L’aigreur et la perversité de Magnus vont libérer un être démoniaque, véritable antagoniste à Klaus. Ce croque-mitaine qui se nourri de la peur des enfants n’est qu’une version détournée du Père Fouettard issue de la légende de Saint-Nicolas, que Morrison remodèle selon ses envies.
C’est d’ailleurs en puisant allègrement dans la culture populaire, les contes de fées et les traditions celtes que Grant Morrison arrive à donner vie au comics. En soit, « Klaus » a plus en commun avec « Slaine » de Pat Mills et Simon Bisley, qu’avec le Père Noël « Coca Cola ». La revue phare de 2000AD revisitait déjà tout un pan de la culture celtique en proposant un Dieu Cornu ne faisant qu’un avec la nature et dont la tradition du Père Noël tel que nous le connaissons est en partie inspiré. Sans pousser le curseur de la violence aussi loin que « Slaine », avec « Klaus » Morrison, lui aussi figure de proue de la revue britannique 2000AD, emprunte des chemins détournés et brasse de multiples influences issues du folklore et de l’imaginaire collectif pour créer sa structure narrative.
La principale force de Morrison tient d’ailleurs au fait qu’il arrive à faire tenir un ensemble de concepts assez casse-gueules et d’arriver à leur donner du sens. C’était déjà le cas sur « Multiplicity » chez DC où il jouait avec la notion complexe de multivers ou encore avec « Flex Mentallo » autobiographie à peine déguisée, retraçant l’épopée d’un héros de pulps qui interagissait avec son créateur. Si l’histoire de « Klaus » n’est pas aussi tarabiscotée ; on retrouve quand même le schéma d’un auteur qui cherche à donner une signification a un concept qui en manque. En retraçant les origines de Santa Claus, Morrison revient aux fondamentaux comme c’était le cas dans son magnifique « All-Star Superman ». Certes l’univers y est un peu plus brutal, mais l’essence du personnage est bel et bien là. Tout ce qui relève de la fantaisie entourant le personnage du Père Noël y est contourné afin de lui trouver du sens. Ainsi, les symboles issus du mythe, que ce soit le costume, le véhicule ou les pouvoirs qui sont l’apparat du (super) héros sont amenés dans le récit et transfigurés de façon à leur donner une interprétation.
Pour toutes ces raisons, « Klaus » est une adaptation libre plutôt réussie, mettant en avant les qualités de conteur de Morrison ainsi que les talents de Dan Mora, dessinateur de la série « Hexed » et nominé aux Eisner 2017 pour son dessin sur « Klaus ». Sans être la meilleure série du scénariste écossais, cette traduction du mythe du Père Noël en comics est très rafraîchissante, d’autant plus à l’approche des fêtes de fin d’année. Glénat vient de sortir en un seul volume, les sept parties qui composent l’histoire principale. A noter que si la série est un succès nous aurons peut-être droit aux spin-off « Witch of Winter » et « Crisis on X-Masville ». Bref « Oh Oh Oh », le Père Noël arrive et il va botter des culs.
Christophe BALME