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War Machine : patriotisme à la grimace

Disponible depuis le 26 mai, le long métrage signé Netflix et David Michôd (pas nécessairement dans cet ordre) remplit toutes ses promesses. On tient là une brillante comédie loufoque, une satire morale, en même temps que la plus belle brique d'un éd
War Machine : patriotisme à la grimace

Disponible depuis le 26 mai, le long métrage signé Netflix et David Michôd (pas nécessairement dans cet ordre) remplit toutes ses promesses. On tient là une brillante comédie loufoque, une satire morale, en même temps que la plus belle brique d'un édifice érigé sur les ruines de l'ancien monde. Critique, et explications.


"On va vous pacifier la gueule". Il y a, d'abord, cette punchline collée sur tous les murs de tous les métros, qui résume à la perfection l'esprit de War Machine : une comédie, certes, au service d'un sujet évidemment politique (l'histoire de Glen McMahon, Général respecté chargé de nettoyer le merdier de la guerre en Afghanistan et fortement inspiré du vrai Général Stanley McChrystal), et un traitement à la fois rose (une certaine légèreté émane du traitement des faits), jaune (on se marre, oui mais...), et gris (les méchants sont les gentils sont les méchants, et toute la bonne volonté du monde n'y changera rien).

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War Machine est une petite bulle de jouissance. Libre de faire absolument ce qu'il veut d'un matériau brut hautement explosif (le livre The Operators: The Wild and Terrifying Inside Story of America's War in Afghanistan, écrit par le journaliste américain Michael Hastings published et paru en janvier 2012), David Michôd opte pour une mise en scène sobre, laissant le champs libre à son acteur star pour en faire des caisses. Ressort comique du film (au-delà de la situation elle-même, qui amuse quand elle devrait effrayer), Brad Pitt s'en donne à coeur joie, rictus et accent prononcé en prime. A ses côtés, ne reste à son équipe (le geek, l'attaché de presse, le communiquant, le fidèle lieutenant...) que les miettes, réduits qu'ils sont à jouer, ici le soutien moral, là le poil à gratter, en prenant bien soin de rester à l'écart du haut de l'affiche, qui appartient tout entier à La Star.

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Farce, War Machine en est une. Mais loin de se contenter de cet état de fait, le film va également sur le terrain des affrontements, délaissant momentanément la vanne pour la guerre, la vraie, celle qui rend les choses sales. Glen McMahon, lui, ne s'y rend pas. Ou plutôt, la caméra ne nous le montre pas. Dédié à son sujet, Michôd ne rend jamais le conflit glamour, drôle, ou flou. La mort est concrète, le fiasco aussi, et le dosage des conflits internes et de la panique sur le terrain est admirablement bon. Chaque chose est à sa place : le caméo rigolo en toute fin, Tilda Swinton sans prolongation, le rituel du jogging, la vie amoureuse, le cynisme et l'égotisme... Le résultat est brillant.

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David Michôd est le réalisateur de The Rover et Animal Kingdom. Ben Kingsley fut Ghandi, Itzhak Stern, le presque Mandarin pour Marvel, et Georges Méliès chez Scorsese. Tilda Swinton a deux Bafta Awards et fut nommée trois fois aux Golden Globes. Et Brad Pitt est... Brad Pitt, ici acteur mais également producteur avec sa compagnie Plan B. Le casting de War Machine est en soi un évènement. Et hier soir, tranquillement avachi dans notre canapé, un verre de vin à la main et cigarette aux lèvres, on s'interroge : alors que vient de s'achever le 70ème Festival de Cannes et avec lui, momentanément du moins, la polémique Netflix, pourquoi tant de bruit ?


Après l'annonce de la présence de Okja et The Meyerowitz Stories en compétition sur la Croisette, La Fédération nationale des cinémas français a publié un communiqué. Et c’est peu dire qu’il semble écrit à une autre époque. Petit Extrait : « Qu’en sera-t-il demain, si des films du Festival de Cannes ne sortaient pas en salles, remettant ainsi en cause leur nature d’œuvre cinématographique ? ». Pour eux, une oeuvre cinématographique est donc nécessairement une oeuvre sortant au cinéma, et non une oeuvre DE cinéma. Une nuance qui, à l’ère du streaming, de la dématérialisation, d’Amazon, de Hulu, de Netflix et de War Machine, bref, en 2017, semble tout particulièrement en décalage avec la la réalité, et disons-le, complètement ringarde.

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Ici et là, ils sont nombreux à se perdre dans leur esprit étroit et à tenter vainement de préserver leur modeste pré carré, certes durement acquis, mais aux murs fissurés (parmi lesquels, encore et toujours, notre chouchou ringard Xavier Beauvois, dont nous vous conseillons fortement l'intégralité du compte Twitter). Netflix, avec War Machine aujourd'hui, et d'autres demain, prouve sa valeur et assoit sa légitimité. Autre signe de bonne santé pour Netflix, les chiffres communiqués : le service de vidéo en ligne a gagné 3,5 millions d'abonnés en dehors des Etats-Unis au premier trimestre de l’année 2017, et a vu son nombre d'abonnés augmenter de 1,4 million. Son chiffre d'affaires a augmenté de 34,7%. Bref, Netflix, va bien, et va continuer de bien se porter. L'accepter, c'est survivre. La machine est en marche, le futur aussi.


Une chose est certaine, les habitudes des consommateurs changent, et cela, Netflix l’a compris depuis longtemps, et bien mieux que beaucoup d’autres.

Le Cinéma, lui, reste le Cinéma. 


Nico Prat