Retour sur Akira, une oeuvre totale
A l’heure du lancement du nouveau magazine « OTOMO » et de la réédition d’Akira chez Glénat, l’occasion était trop belle pour se rappeler que la fin du monde a bel et bien eu lieu. C’est arrivé le 16 Juillet 88, date de sortie du film « Akira » sur lA l’heure du lancement du nouveau magazine OTOMO et de la réédition d’Akira chez Glénat, l’occasion était trop belle pour se rappeler que la fin du monde a bel et bien eu lieu. C’est arrivé le 16 Juillet 88, date de sortie du film Akira sur les écrans nippons. Il faudra cependant attendre 1991 pour voir arriver le chef d’oeuvre de Katsuhiro Otomo en France et faire disparaitre le « malaise » de l’animation japonaise.
Si le succès des dessins animés japonais dans l’Hexagone a été un succès populaire dans les années 80, l’image qu’ils ont longtemps véhiculée auprès des médias et du grand public a souvent été désastreuse. « Récrée A2 » puis « le Club Dorothée » ont été les premiers à diffuser des animés nippons, connus sous le sobriquet de « japonaiseries ». A l’époque où Ségolène Royal menait une croisade contre ces séries qui « abrutissaient » notre jeunesse, le geek n’était pas chic et les VHS de Dragon Ball s’échangeaient sous le manteau. La sortie ciné d’ Akira en France a été un tournant dans le changement des mentalités. L’animation tant décriée pouvait-elle être une forme d’art ? Cela ne fait aucun doute qu’ Akira fut un élément nécessaire à l’apaisement des consciences et à cette haine vouée à la japanim’. Des magazines (les bons) étaient dithyrambiques sur l’oeuvre d’Otomo et se faisant, devenaient les portes étendards d’une nouvelle ère.
A une époque où internet n’existait pas, les spectateurs ayant eu la chance de vivre cette expérience en salle à sa sortie, voulaient en savoir plus sur le film, s’ouvrant ainsi les portes d’un nouveau monde.
Le succès critique d’Akira aussi bien au Japon qu’en occident vient d’abord de cette claque esthétique, mélangeant le classique de Shonen Jump et d’une touche très européenne. A plusieurs reprises, Otomo a affirmé l’influence majeure de Moebius dans son œuvre aussi bien que du cinéma occidental, de « Blade Runner » en passant par « Easy Rider » ou « Butch Cassidy et le Kid ». L’autre secret d’Akira, c’est d’aborder des thèmes graves, à travers l’histoire d’une amitié gâchée entre les deux héros, Tetsuo et Kaneda. Akira se définit clairement comme une oeuvre post-apocayptique où les bombes lâchées sur Nagasaki et Hiroshima, personnifiées ici par le personnage d’Akira, montrent que l’homme est voué à détruire tout ce qu’il touche. Mélangez ça avec du Philip K. Dick et du Arthur C. Clarke et vous obtiendrez une oeuvre exceptionnelle.
Bien entendu, tout le mode sait maintenant que le long métrage est tiré du manga éponyme d’Otomo et que, même si le film est une réussite incontestable, il n’en reste pas moins tronqué. Vouloir faire rentrer une oeuvre tellement dense en un métrage de seulement 2 heures était un pari impossible, si bien que le final dû être retravaillé pour répondre à des impératifs de productions. Pour poursuivre l’expérience cyberpunk d’Otomo, il était impératif de se tourner vers la version papier. Paru fin 82 dans « Young Magazine », quelques mois après la sortie de Blade Runner, Akira a d’abord été disponible en France sous le format kiosque. Le succès du film aidant, Glénat sortit rapidement une version cartonnée et colorisée en 14 volumes. Si aujourd’hui cette version peut paraitre bien pauvre au vu du manque de nuances proposées, il faut bien comprendre que ce travail sur la couleur était exceptionnel pour l’époque et a marquée une génération toute entière. S’en suivi la sortie de la version noire et blanc que nous connaissons tous, mais toujours avec un sens de lecture occidental.
La venue en France d’Otomo au 43ème festival d’Angoulême fut l’occasion de rendre hommage au maitre, mais aussi l’occasion rêvée pour proposer enfin une édition digne de ce nom à Akira. La nouvelle mouture propose une nouvelle traduction et un sens de lecture original qui lui faisait tant défaut. Mais plus important encore, Otomo, plutôt discret en confidences, a avoué lors d’une Master Class au Louvre, qu’il travaillait sur une série d’animation tirée de son manga. Un véritable pied de nez à Hollywood, toujours désireux d’adapter son oeuvre en live.
Ce premier tome débute par une vision de l’apocalypse. Les premières pages (en couleur) montrent une explosion gigantesque anéantissant une bonne partie de l’archipel Nippon. Bien des années plus tard, Neo-Tokyo s’élève sur les cendres de l’ancienne capitale telle une mégalopole cyclopéenne. L’action se situe en 2019, Kaneda est le leader d’un gang de motards, essentiellement des ado à la dérive, sans repère, avec la violence comme seul exutoire. Lors d’un ride contre les « Clowns », Tetsuo, le plus jeune membre du groupe va avoir un accident. Hospitalisé, il va s’apercevoir qu’il possède d’étranges capacités et qu’un nom semble le hanter, celui d’Akira.
L’oeuvre d’Otomo est un récit d’anticipation n’ayant ni perdu de sa superbe, ni de son mordant. Chaque planche est magistrale, proposant une multitude de détails tout en offrant une dynamique que seul un storyboard pourrait retranscrire. Bien entendu, le manga prend plus son temps que le long métrage, mettant en avant les relations entre les personnages tout en détaillant les implications politiques, philosophiques et religieuses qui gravitent autour du récit. Ce premier tome pose beaucoup de questions qui sont restées en suspend, même au vue du film, mais dont les réponses vous seront apportées à la fin des six tomes que comporte la série.
Akira fait partie de ces monuments de la culture pop qui se voient, se lisent et s’écoutent (la soundtrack de Tsutomu ?hashi mériterait à elle seule un dossier). Le film de 88 est indissociable du manga ; et on peut tout aussi bien commencer par l’un ou l’autre sans commettre d’impair. En revanche passer à côté relève indubitablement de la gageure.
Christophe Balme