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The Lost City of Z, sublime ode au cinéma classique par James Gray

The Lost City of Z, adaptation éponyme du roman non-fictionnel de David Grann sorti en 2009, se révèle être le film le plus provocateur du cinéaste américain James Gray.
The Lost City of Z, sublime ode au cinéma classique par James Gray

The Lost City of Z, adaptation éponyme du roman non-fictionnel de David Grann sorti en 2009, se révèle être le film le plus provocateur du cinéaste américain James Gray. Ce dernier conte la chasse obsessionnelle d’un officier de l’armée britannique, Percy Fawcett (joué par Charlie Hunnam), pour une ville mythique située dans la dangereuse et dense jungle de Bolivie au début du XXe siècle.


Moins fasciné par le concept de fortune et de gloire, ou des disgressions détaillants des scènes d’action à couper le souffle, Gray se concentre intensément sur l’ambition implacable mais désagréable d’un homme inspiré et fasciné par les origines et l’inconnu, même si cela vient à confirmer la supériorité de la race blanche civilisée comme une simple légende urbaine non fondée.


En deux heures et demi, Gray a sélectionné quelques moments d’une aventure qui dura plus de deux décennies, suscitant finalement plus de questions qu’ils ne donnent de réponses, et transmettant une tradition de cinéma épique qui a disparu du paysage américain à la fin des années 80. Grandiloquente, méthodique et fascinante, la nouvelle direction de Gray évoque magistralement une mystérieuse période d’anticipation, lorsque le monde était inexploré et portait en son sein des secrets inimaginables.

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L’officier de l’armée britannique Percy Fawcett est expédié par la Société Géographique Royale en Bolivie en 1906 pour cartographier cette région encore inexplorée. Non décoré par l’armée et devant assumer un lourd passé familial, Fawcett voit cette mission comme une chance d’assurer l’avenir de sa famille, quelque chose que sa femme Nina (Sienna Miller) comprend. Pour ce voyage, Fawcett est rejoint par l’aide de camp Henry Costin (Robert Pattinson), dont les rumeurs d’une ville ancienne et perdue dans la jungle, un endroit où aucun homme blanc n’a eu la chance d’accéder, aiguise sa curiosité pour cette première expédition. Les dires de plusieurs esclaves qui conduisent les deux hommes le long de la rivière semblent soutenir cette théorie de la « cité perdue ». 


Quand il rentre en Grande-Bretagne, la Société Géographique Royale conservatrice n’est pas trop heureuse d’entendre parler d’un tas de « sauvages » prétendument plus intelligents et sophistiqués qu’ils ne voudraient l’entendre. Evoquant sa théorie d’une ville perdue, qu’il a nommé Z, Fawcett obtient des fonds pour une seconde expédition grâce au soutien de James Murray (Angus Macfadyen), qui insiste pour faire partie de la seconde mission de Fawcett. Puis la Première Guerre Mondiale éclate et le cartographe est forcé de retrouver l’armée britannique et les champs de bataille, où une blessure le rend temporairement aveugle. Bien des années plus tard, ce n’est que par l’insistance de son fils aîné (Tom Holland) que Fawcett se retrouve en Bolivie, essayant une nouvelle fois de mettre la main sur cette ville perdue.

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Gray semble souvent fasciné par des moments, lieux et périodes particuliers, se concentrant souvent sur un triptyque de protagonistes dont la vie devient inextricablement entrelacée. Un protagoniste au sommet d’un triangle dont les deux autres points s’affrontent. Cette fois-ci, les personnages de Gray sont éclipsés par la portée du récit, l’accent est mis sur les tentatives de Fawcett à être maître et commandant de son destin. Nous le découvrons en tant qu’officier non décoré en pleine chasse à courre, glorieux le temps d’une soirée, d’avoir tué la bête pour le repas des aristos. Ce qui n’est guère suffisant pour surmonter la honte que son père, un joueur endetté et alcoolique, a apporté au nom de famille Fawcett. L’offre inattendue de la Royal Geographical Society l’entraîne de façon inopinée dans le but de sa vie, ce dessein est même confirmé par un medium russe sur le champ de bataille de la Première Guerre Mondiale. 



De manière remarquable, Gray n’utilise pas le film comme une opportunité pour écraser le colonialisme, se concentrant plutôt sur la passion sincère de Fawcett, qui souhaite prouver à ses collègues d’anglais ignorants et faux, que les indigènes sont aussi capables d’inventivités, autant que n’importe lequel de leurs homologues sur le continent européen. Egoïste, il sait que sa découverte l’immortalisera, lui et son nom de famille, et que le sacrifice ultime est sa vie de famille, bien qu’il ait épousé une femme compréhensive qui veut également repousser ces fausses idées culturelles (y compris le rôle de la femme dans la société) autant que son mari. Cependant, l’effet de se concentrer uniquement sur Hunnam et des séquences avec ses intimes comme Sienna Miller et Robert Pattinson, semblent artificielles – bien que cela soit partiellement liés aux mœurs sociales imposées à un homme comme Fawcett. Ce dernier étant plus vivant lorsqu’il se plonge avec passion dans son périple sud-américain.

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The Lost City of Z est aussi un témoignage sur les capacités de Gray à diriger ses acteurs et comment il parvient à transformer des interprètes en général crispés et superflus en comédien(ne)s dynamiques. Sienna Miller, si souvent reléguée au second plan délivre une performance chaleureuse. De même que Charlie Hunnam (Pacific Rim, Sons of Anarchy) se métamorphose en un homme idéaliste étonnamment engageant aux attitudes progressistes envers les autres races. Sans faille, Pattinson incarne le sidekick Henry Costin, compagnon de l’armée et prêt à tout (sauf peut-être abandonner sa nouvelle famille…) dans les premières expéditions.


Les horreurs de la jungle sont toujours présentes, qu’il s’agisse de têtes réduites, de cadavres cannibalisés ou d’un groupe de piranhas terrifiants (qui se révèlent être les prédateurs les plus dangereux alors que l’équipage est assailli par des flèches d’indiens sur son radeau). Christopher Spelman réalise une bande originale peu exigeante, assisté par des éléments de compositions classiques remarquables (Stravinsky, Strauss, Ravel, Verdi…). Le directeur de la photographie Darius Khondji (qui retrouve Gray après The Immigrant et ayant travaillé avec Fincher, Allen, Jeunet ou encore Haneke) propose une palette de couleurs impressionnantes, des séquences luxuriantes de la forêt tropicale aux champs de bataille et ce jusqu’aux intérieurs anglais chargés d’anxiété.

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The Lost City of Z n’est pas Apocalypse Now (1979) ou Aguirre, la colère de Dieu (1972). Le ton se rapproche plus des scénarios de Robert Bolt, qui a écrit sur des hommes dans des contextes naturels convaincants (Lawrence d’Arabie, Le Bounty, Mission) et du documentaire Heart of Darkness sur la production du film de Francis Ford Coppola. Même avec un budget relativement modeste, les portraits intimes de James Gray ont une portée plus large que la plupart des blockbusters. Et cette Cité perdue de Z est une déclaration riche sur l’émerveillement, la beauté et la perte. Un chef-d’œuvre !


PIERRE SAUVETON

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