Les étés pourris de la pop culture : le tournage de The Abyss
Vous n’avez pas pu partir en vacances ? Vos collègues vous narguent depuis les Seychelles pendant que vous trimez ? Puisqu’il est malheureusement humain de se réjouir du malheur des autres, consolez vous en vous disant que même les personnes plus célVous n’avez pas pu partir en vacances ? Vos collègues vous narguent depuis les Seychelles pendant que vous trimez ? Puisqu’il est malheureusement humain de se réjouir du malheur des autres, consolez vous en vous disant que même les personnes plus célèbres que vous ont passé des étés bien plus pourris. Aujourd’hui, James Cameron qui pendant l’été 1988, a vécu l’enfer d’un tournage avec The Abyss.
Pour donner une idée, une partie de la production rebaptisa le film « The Abuse » et imprima des t-shirts à cette effigie. Beaucoup de problèmes de ce development hell sont directement attribuables à James Cameron et à son obsession de rendre son métrage le plus crédible possible, affirmant sa volonté de réaliser « le film sous-marin le plus ambitieux de l’histoire ».
Cela commença dès la recherche de lieux de tournage : ne trouvant pas de plateau immergé assez profond – il devait tourner 40% de ses plans sous l’eau -, il décida d’utiliser une centrale nucléaire désaffectée en Caroline du Sud. Quatre mois furent nécessaires à l’équipe de production pour construire le décor de la station DeepCore, puis 5 jours pour remplir le réacteur inachevé de 28 millions de litres d’eau et ainsi avoir 13 mètres de profondeur dans ce bassin artificiel particulier. Puis, pour simuler la noirceur des grands fonds, recouvrir le sommet du réservoir d’une immense bâche noire pour priver le plateau de la lumière du jour et recouvrir la surface de l’eau par 7 milliards de billes noires en polypropylène.
Ce dispositif inédit provoqua plusieurs incidents majeurs, à commencer par la rupture du réservoir principal qui rendit incertain pendant plusieurs jours la bonne poursuite du tournage, puis celle de la bâche à cause de l’orage, obligeant l’équipe à tourner de nuit. Ou encore la panne d’un générateur qui plongea de fait le plateau immergé dans le noir total en plein travail, sans possibilité de se repérer ou de pouvoir communiquer correctement.
Les comédiens comme les techniciens, pour se préparer à ce tournage éprouvant - à savoir 10h de plongée, trois fois par semaine - ont suivi des stages intensifs de plongée sous-marine. Le record de durée étant pour ce maniaque de James Cameron, qui utilisait le temps de décompression pour visionner les rushes via un écran sous-marin ou ajuster son scénario avec un script plastifié.
Les comédiens ont pu raconter plusieurs anecdotes qui vont de l’amusant à l’inquiétant. Kimberly Scott, eut le temps de tricoter 5 pulls durant le tournage : en effet, elle attendait régulièrement plusieurs heures dans un sous-marin que ses scènes, très complexes techniquement, soient mises en place par les techniciens. Moins enjouée : Mary Elizabeth Mastrandinio, lors de la séquence de la réanimation où son personnage revient à la vie, dut subir, allongée sur le sol glacé, des massages cardiaques tout en simulant des chocs électriques. Mais lors de la prise qui semblait parfaite, le cadreur annonça être à court de bobine, provoquant son ire. Enfin, Ed Harris, ne voulut jamais plus travailler avec le réalisateur : ce dernier, ne trouvant pas sa scène où son personnage manquait d’oxygène assez convaincante, diminua ses réserves sans le prévenir lors du reshoot.
Malgré tous ces efforts, le film se ne fut pas un énorme au box-office comme James Cameron sait les faire – Titanic, Avatar, ou même Terminator 2 – avec 90 millions de dollars de recettes pour un budget de 69,5 millions.
Cependant, le résultat fut à la hauteur : malgré une réception publique mitigée, le film reste l’un des plus gros succès critique du réalisateur de Terminator, tout en étant peut-être son œuvre la plus personnelle : en plein divorce, James Cameron met la thématique du couple et de l’amour plus fort que tout –nous vous épargnons les douteux jeux de mots comme insubmersible ou contre vents et marée - en avant. Au-delà de son tournage éprouvant mais innovant, la post production est également en avance sur son temps pour la création des extraterrestres au centre de l’intrigue. Novateur, Abyss rafla l’Oscar 1989 des effets visuels. On y voit les premiers effets numériques aquatiques. Ce travail numérique sera la base pour créer le T-1000 de Terminator 2, peut-être le meilleur film du réalisateur canadien à ce jour.
Boris Biron