Stranger Things : Amblin, Spielberg et mélancolie
Alors que la dernière création Netflix n'en finit plus de séduire et d'intriguer, il est intéressant de noter qu'ici (les réseaux sociaux) et là (les sites spécialisés) ne peuvent s'empêcher d'en parler comme d'un hommage.Alors que la dernière création Netflix n'en finit plus de séduire et d'intriguer, il est intéressant de noter qu'ici (les réseaux sociaux) et là (les sites spécialisés) ne peuvent s'empêcher d'en parler comme d'un hommage. Réussi, ou non, permettons-nous de rappeler que l'hommage, justement, dans la pop culture, est nécessaire.
Les années 80, la guerre froide, une petite banlieue, des gamins plus forts en bande, des mystérieux mystères, une mère paumée, une musique "à la" John Carpenter (pardon pour la facilité)... Aucun doute, Stranger Things plonge la tête la première dans la vénération totale d'une époque, celle qu'on pourrait grossièrement mais très justement résumer comme "la décennie Amblin".
Amblin est la société de cinéma fondée en 1981 par par Steven Spielberg, Kathleen Kennedy (aujourd’hui aux commandes de Lucasfilms) et Frank Marshall (producteur donc, et réalisateur d'Arachnophobia, mais également de Congo, sorti en 1985, dans lequel Laura Linney affronte un gros gorille). Le logo, vous le connaissez, représente Elliot s’envolant avec E.T sur son vélo. Cette célèbre image apparaît donc avant la plupart des films de Steven Spielberg, mais également (accrochez vous bien, le CV ne manque pas de classe): Gremlins, l'Aventure intérieure, la trilogie Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, Fievel et le Nouveau Monde, Le Petit Dinosaure et la Vallée des merveilles, Men In Black, Hook… Des films qui ont donc façonné l’imaginaire des années 80 (et 90, aussi, un peu), mais plus important encore, des films reliés par un seul et même concept, celui de La Famille. Qu’elle en soit le sujet ou la cible, les films Amblin ont tous dans le viseur cette notion d’appartenance à une cellule qui fait office de cocon. Quand JJ Abrams apose le logo Amblin avant son Super 8 (2011), au-delà de l’hommage aux classiques de son enfance, il y a une logique: plus que tout autre chose, son film raconte l’histoire d’un père et de son fils. Rien d’autre.
Le site IGN, au sujet de Stranger Things, écrit très justement ceci: "The ‘80s was an uplifting time to be a child - at least from a pop cultural perspective. It was a time when storytellers told kids the world we lived in was fantastical and dastardly, filling our young minds with wistful longing and equally, laying fertile ground for nightmares. A time where we were told we could do anything if we set our minds to it, and we believed it". Rien ne saurait être plus vrai, plus juste.
Pourtant, ici ou là, on reproche justement ceci à la série: de trop citer, sans que cela n'ait nécessairement d'effet sur l'intrigue. Tout cela ne serait qu'un gimmick, rien de plus. Matt Duffer et Ross Duffer, les deux créateurs, ont beau montrer patte blanche, rien n'y fait, l'hommage semble louche, ou sale, ou inutile. Bref, l'hommage ne saurait avoir la moindre valeur artistique. On est, ici, chez Rockyrama, d'accord quand il ne s'agit qu'une banale parodie ridicule et puante comme Kung Fury, gag bancale qui ne va jamais nulle part et se contente surtout de singer tout ce qui était cool dans un immense et trop long gloubi-boulga visuel et sonore. Dans le cas de Stranger Things, c'est différent.
Jamais, ici, l'hommage ("Don qui exprime le respect, l'admiration, la reconnaissance de quelqu'un ; marque de respect", après quelques minutes à trouver la bonne page dans cet énorme Larousse) n'est vain. Nous plonger dans ces années 80, dans cet univers ultra-référencé, c'est nous faire ressentir de la nostalgie, ou en tout cas une certaine mélancolie. Amblin, c'est aussi le cinéma de l'enfance, et donc de la fin de celle-ci. Les héros des Goonies ne le savent pas encore, mais ils vivent la fin de l'innocence. Il en va de même pour les héros de Stranger Things. La filiation est évidente, et ce moment unique, important, triste, dans une vie, n'aurait pas le même impact sur notre écran s'il ne s'accompagnait pas de nos propres souvenirs de notre propre enfance.
L'hommage, c'est également dire Merci. Merci à ceux qui ont ouvert la voie, à ceux qui ont inspiré, créé des vocations. Et on ne dira jamais assez merci à Steven Spielberg.
Nico Prat