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Batman Année 100 : une vision unique au service d'un comics culte

Adapter, c’est avant tout comprendre. Presque dix ans après sa première publication, la réédition de « Batman : Année 100 » par Paul Pope vient de sortir chez Urban Comics.
Batman Année 100 : une vision unique au service d'un comics culte

Adapter, c’est avant tout comprendre.


Presque dix ans après sa première publication, la réédition de « Batman : Année 100 » par Paul Pope vient de sortir chez Urban Comics.

 
Je me souviens parfaitement de la première fois où j’ai eu ce comics en main. C’était à la bibliothèque, j’avais épuisé tous les comics mainstream qu’on me proposait, mais je n’avais pas osé toucher à ce Batman. Il faut dire qu’après avoir ouvert les premières pages, on se rendait tout de suite compte que ce n’était pas un artiste classique qui était aux commandes. Je me rappelle avoir trouvé la patte graphique très « étrange » et à mille lieues de ce qu’on je pouvait lire à l’époque. C’était ma première rencontre avec Paul Pope, le plus européen des dessinateurs underground américain. Pope, c’est la rencontre improbable entre « Metal Hurlant » et l’animation japonaise à la Peter Chung (le génial animateur des séries « Aéon Flux » et « Alexander »). Il est indéniable que les influences de l’artiste sont multiples, il ne s’est d’ailleurs jamais caché sur le fait que le manga était l’une de ses références majeures.


Dès les premières pages, nous sommes plongés en 2039 dans un monde futuriste, très cyberpunk pour une course poursuite haletante sur les toits de Gotham. Si le parti pris graphique peut rebuter au premier abord, il faut bien admettre que les cadrages et la séquentialité complètement folle, nous immergent immédiatement dans cet univers de SF un peu crasse. L’action et les cut très rapides pourraient aussi bien être utilisés pour le story-board  d’un film que dans un manga.

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« Batman 100 », est donc une vision d’artiste, mais c’est surtout un ressenti, une expérience. Dans ce genre de cas, l’histoire pourrait presque paraitre secondaire, pourtant Paul Pope, dont ce Batman est l’incartade la plus « mainstream », connait parfaitement l’univers de la chauve souris. De Bob Kane à Frank Miller, Pope et son coloriste José Villarrubia nous livrent une version qui leur est propre. Comme pour « TDKR », l’action se situe dans une dystopie, un bac à sable ou l’artiste peut exprimer tout son talent sans avoir à suivre toutes les lourdeurs et le passif éditorial du personnage.


Le monde qu’on nous dépeint est contrôlé par la police et des milices privées. Au milieu de ça, le Batman veille telle une sentinelle, traquée par les sbires du gouvernement. Une arme bactériologique, un complot étatique, des télékinestistes et une relecture d’un mythe, vous aurez tout ça dans ce « Batman 100 ». Comme Miller l’avait fait à son époque, Pope maltraite son héros, joue sur l’ambiguïté, ajoute un soupçon de politique au récit pour en faire une oeuvre à part entière. On retrouve ainsi le descendant du commissaire Gordon, un Robin plutôt badass et des compagnons de lutte face à l’oppression.


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« Back to basic » : Pope enlève le gras pour ne garder que la substance du Batman. Il fait de lui un enquêteur, un chevalier masqué et une figure cauchemardesque. Le digne héritier de Sherock Holmes, Zorro et Dracula dont la figure vampirique s’impose comme une évidence et classique immédiat. A noter que ce volume propose plusieurs récits complets. Outre ce « Batman 100 » qui se taille la part du lion, Urban publie aussi les autres incartades de Pope dans la relecture du Batman avec « Batman Berlin », une autre dystopie dans l’Allemagne nazie de 39, « l’ado acolyte » qui fait la part belle à Robin et enfin le sublime « Nez cassé » déjà paru dans le 2ème volume de « Batman Black & White ».


Si « Batman : Année 100 » ne devait avoir qu’une seule qualité, ça serait d’avoir fait connaitre Paul Pope aux yeux du grand publique. Un artiste rare et atypique qui a produit des petites pépites comme « 100% », « Solo », « Battling Boy »  ou encore « Heavy Liquid ». Batman est un héros intemporel qui est parfois sublimé par un artiste; c’est le cas ici pour ce « Batman 100 », Eisner de la meilleure mini série en 2007, bref un indispensable.


Christophe Balme