Created by Richard Schumannfrom the Noun Projecteclair_rocky
Design, Article & Cream
superstylo

Breakfast Club : retour sur le plus beau des teen movies

« Les gens oublient que lorsque vous avez 16 ans vous êtes probablement plus sérieux que vous ne le serez à nouveau. Vous vous questionnez sérieusement sur les grandes questions. » - John Hughes
Breakfast Club : retour sur le plus beau des teen movies

« Les gens oublient que lorsque vous avez seize ans, vous êtes probablement plus sérieux que vous ne le serez à nouveau. Vous vous questionnez sérieusement sur les grandes questions. » - John Hughes.  


Revoir certains films de John Hughes, c'est forcément faire la comparaison avec son cousin germain, celui qui est apparu à la fin des années 90 avec ses gros sabots, le bien-nommé American Pie. Vingt ans plus tard il est temps de l'admettre, American Pie a beau être un vrai teen movie, tout autant qu'une comédie réussie, il est aussi un léger foutage de gueule à l'égard de l'âge adolescent, de part son opportunisme mais aussi ses ambitions bien éloignées de la prise de position souhaitée par Hughes des années auparavant. Dans la comédie des frangins Weitz l'adolescent est même un parfait ressort comique à de nombreuses occasions (Pause Caca, Stiffler, …), à peine capable de s'intéresser à autre chose que la branlette et les webcams dénudées, le tout mixé à un humour proche du succès triomphant de Mary à Tout Prix un an plus tôt. C'est drôle, fun, mais le propos adolescent, du moins celui désiré et développé par John Hughes, prend un sacré coup dans l'aile.

breakfast-club-retour-sur-le-plus-beau-des-teen-movies

En revoyant Breakfast Club, d'emblée, on se rend compte que la deuxième réalisation de John Hughes, un an après Seize bougies pour Sam, ne s’embarrasse pas du superflu pour filer droit à l'essentiel. Le générique terminé et l’instrumental de Simple Minds qui continue de tourner, les personnages apparaissent un à un avant de s'installer en salle de colle, lieu quasi-unique du film mais aussi anti-chambre où la comédie apparente va peu à peu dévoiler les maux adolescents. Purement théâtral, Breakfast Club façonne son récit de manière surprenante, voir atypique, et la comédie d'abord suggérée à travers ses personnages pré-définis dans sa première partie (le bad boy, l'intello, la fille populaire, …) va rapidement imploser au profit d'un drame adolescent à la sauce 80's qui outrepasse ces éléments de surface pour en déceler le sens et les contingences, qu'il s'agisse des styles vestimentaires, des comportements ou des statuts sociaux.


Et pourtant, subtilement, les premières phrases du film, énoncées en voix off par Brian « Le Cerveau » Johnson , annoncent déjà la tournure que va connaître le film : « Vous nous voyez comme vous voulez bien nous voir, parce que c'est plus simple et parce que ça vous arrange. Vous nous définissez comme un surdoué, un athlète, une détraquée, une fille à papa, et un délinquant. Et c'est ainsi que chacun de nous voyait les quatre autres ce matin à 7h ».  On le perçoit, ces préjugés énervent John Hughes, qui n'hésite pas à appuyer fortement sur ces quelques détails en début de film pour mieux démontrer par la suite leur totale ineptie. Car outre la perpétuelle dualité entre les univers adultes et adolescents, l'auteur et réalisateur cherche surtout à crédibiliser l’adolescence, la dégrossir peu à peu de ses visions édulcorées pour en dévoiler une part de vérité.

Il a beau s'agir tout de même d'une comédie, John Hughes évoque dans Breakfast Club des thèmes souvent absents des teen movies (le suicide) ou généralement bons à assurer le quotas de vannes (la virginité, la drogue, …).  L'humour n'est plus uniquement lié à l’insouciance ou la quête sexuelle ultime mais s'inscrit dans une logique moins codifiée, que ce soit à travers les dialogues, la gestuelle ou les expressions de visage filmées en gros plan, laissant Breakfast Club s’attacher aux relations entre les différents personnages, de la prestation aussi touchante qu'amusante d'Anthony Michael Hall au personnage de Allison dont le mutisme laisse peu à peu place aux mots. De manière  plus générale, les œuvres de John Hughes ne manquent pas de péripéties mais si celles-ci ont souvent un attrait comique plus influencé par la comédie des décennies précédentes (des situations improbables aux bruitages amplifiés) et suivent une intrigue relativement simpliste, c'est dans leur approche du dialogue, généralement instauré entre ces scénettes, qu'elles se démarquent plus amplement, tel la relation entre les personnages de Steve Martin et John Candy dans Un Ticket pour Deux ou ceux de  Seize bougies pour Sam. Dans le premier les éclats d'humour et situations démesurées sont entre-coupés par les répliques d'un John Candy dont la véritable personnalité transparaît lors de quelques mots prononcés ou quelques sentiments délivrés au détour un regard, d'un sourire. Quant à Seize Bougies pour Sam, les discussions s'attachent elles aussi à faire revenir les personnages vers un monde moins imagé et donc plus réel, dans lequel Anthony Michael Hall n'est plus uniquement un geek mythomane et chef de bande mais davantage un jeune adolescent aussi tourmenté qu'amusé.

breakfast-club-retour-sur-le-plus-beau-des-teen-movies

Mais tout ceci ne serait rien sans l'inévitable confrontation des adolescents face aux adultes. Que ce soit dans La Folle journée de Ferris Bueller et la crainte insurmontable de Cameron vis-à-vis de son père, de l'absence et l'incompréhension des adultes dans Breakfast Club, ou de l'oubli de l'anniversaire de leur fille dans Seize Bougies pour Sam, l'évocation des parents prend plus souvent place dans les tourments dialogués des ados que dans leurs réelles apparitions à l'écran. Dans Breakfast Club le constat est à la fois bien plus virulent et contrasté. Le personnage du surveillant Vernon, brillamment interprété par Paul Gleason, s'éloigne rapidement de la figure strict et blasée qu'il symbolise pour brièvement faire transparaître l'évocation d'une vie adulte devenue affaire de dilemmes et sacrifices moraux, le tout subitement dépeint et évoqué au cours d'un bref dialogue entre ce dernier et le concierge du lycée qui, face au dédain du surveillant en chef vis-à-vis des élèves, lui pose une simple question : « Vernon, si t'avais seize ans, qu'est-ce que tu penserais de quelqu'un comme toi ? ».


En quelques mots, sans artifices, John Hughes suggère que malgré l'idée qu'il ne soit pas tendre avec les adultes dans la plupart de ses films, il n'oublie pas pour autant les réalités de ce monde qu'il perçoit comme ampli de pièges auxquels il semble souvent difficile d'échapper. Oncle Buck, qu'il réalise en 1989, s'intéresse d'ailleurs à l'idée d'un adulte (à nouveau interprété par John Candy) qui semble éviter les pièges perçus par John Hugues, tout en devant faire face aux idée reçues à son encontre. Ce constat immédiat, celui de l'âge et de ses carcans, Breakfast Club l'applique aussi à ses jeunes personnages, eux qui vont se rendre compte qu'ils ont le choix entre accepter leur personnalité, et donc l'affirmer, ou au contraire accepter ce qui leur imposer, et la fermer, voir s'enfermer.

breakfast-club-retour-sur-le-plus-beau-des-teen-movies

Au-delà de vouloir faire traverser des étapes clés à ses protagonistes afin de les faire évoluer, le cinéma de John Hughes mise sur l'instant présent, celui d'une époque, d'une génération, mais avant tout d'une période communément vécue et ses inévitables événements, tel celui d'une colle un samedi matin ou d'une école buissonnière, qui peuvent devenir des expériences marquantes, car c'est souvent dans les affres du quotidien que surgissent les grandes questions, et parfois les réponses. Un an après Breakfast Club sortait Stand By Me de Rob Reiner, un long-métrage qui s'inscrit dans cette même lignée, celle des années 80, celle d'une décennie où le cinéma s'est intéressé comme rarement aux tourments de la jeunesse.


Nicolas Milin