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On a discuté avec les réalisateurs et scénaristes de Captain America : Civil War

Les frangins Russo, Anthony et Joe, ont surpris leur petit monde en offrant au deuxième film en solo de Captain America, The Winter Soldier, un brillant hommage au cinéma d'espionnage des années 70, tout en livrant au passage le deuxième meilleur lon
On a discuté avec les réalisateurs et scénaristes de Captain America : Civil War

Les frangins Russo, Anthony et Joe, ont surpris leur petit monde en offrant au deuxième film en solo de Captain America, The Winter Soldier, un brillant hommage au cinéma d'espionnage des années 70, tout en livrant au passage le deuxième meilleur long-métrage de toute la saga Marvel.


Ils sont tout naturellement de retour derrière la caméra pour Civil War (et du prochain Avengers, en deux parties), de même que les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely. Entretiens croisés.


En tant que scénaristes, bosser sur des histoires qui doivent à chaque fois se répondre et établir des ponts, ce n’est pas un peu laborieux ?


Stephen McFeely : "Finalement c'est plus un avantage qu'une contrainte. C'est plus facile parce que tu peux piocher comme tu veux dans les personnages préexistants. Dans Civil War, juste pour que l'intrigue avance, on aurait été obligé d'avoir des persos qui auraient déclenché telle ou telle action ; autant prendre des superhéros ou des super méchants (rires). Ramener William Hurt que l'on n'avait pas vu depuis les films Hulk, ça rend son attitude plus logique.


Vous devez du coup vous accorder avec les autres scénaristes pour éviter les incohérences j’imagine.


SM : "C'est compliqué de se réunir tout le temps, surtout quand on est aux quatre coins du monde, mais on consulte tout le monde".


On est en plein tournage mais vous êtes tout de même présents, quel est votre rôle exactement ?


Christopher Markus : "C'est clair, en fait notre vrai boulot s’arrête quand on finit la dernière page de script. Là on en profite pour faire du tourisme et bouffer gratos (rires) Non, ça dépend. Certains acteurs aiment s'entretenir avec nous avant certaines scènes. Pareil pour les réalisateurs".


SM : "Il y a aussi le fait que l'on doit parfois s'adapter, réajuster des détails. Robert Downey Jr a joué Tony Stark six fois. Il fait corps avec le personnage. Donc quand on a écrit le scénario, c'était important de s'accorder avec lui pour qu'il se l'approprie. Il a une idée très précise de la trajectoire et du destin de Tony dans sa tête. Donc il n'arrêtait pas de nous dire « je pense que sa motivation c'est plutôt ça » et parfois on devait répondre « ok, c'est super intéressant, maintenant essayons de démêler toutes ces idées » (rires)".


Comment vous répartissez-vous les tâches niveau écriture ?


CM : "J'écris toutes les scènes en extérieur, et lui se charge des scènes en intérieur" (rires)


SM : "On est assez équilibré comme duo. La clé c'est de bosser énormément au tout début du processus. Histoire de ne surtout pas se retrouver dans la situation où tu écris pour un personnage que ton collègue scénariste a déjà tué dans le premier acte (rires). Une fois que ce boulot est fait, pour des scènes individuelles on peut se permettre de partir en freestyle. Mais seulement une fois que le squelette est établi".


Pour une histoire comme Civil War, le fait de ne pas pouvoir tuer tel ou tel personnage comme bon vous semble, c’est une difficulté ?

SM : "Tuer des héros dans ce genre de films, c'est presque un cliché, et les gens ont tellement le réflexe de se dire « ok c'est bon, X ne peut pas vraiment mourir de toute façon » qu'au final ce n'est pas forcément un truc que tu veux utiliser. Donc tu dois vraiment bien choisir ton moment".


CM : "Et ce n'est pas notre décision à nous. Ça dépend de la prod, et des acteurs : est-ce qu'ils veulent continuer ?"

A l’inverse, vu que vous bossez sur des films de superhéros à gros budget, vous pouvez tout vous permettre niveau imagination, vu l’avancée des effets spéciaux de nos jours : de la destruction de villes entières, etc.


SM : "C'est clair que si on compare à une autre époque où même imaginer un personnage volant engendrait de grosses difficultés, là c'est le paradis : tu veux un personnage volant avec des tentacules monstrueuses et une tête de robot, allez hop, pas de problème".

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Dans un film de cette ampleur, ça aide de bosser entre frères ?


Anthony Russo : "Oui, ça aide énormément. Au niveau du travail on adore collaborer ensemble, et sur un tournage eh bien c’est une extension de ça. Un pote nous a carrément dit que quand il parlait avec nous, il avait parfois l’impression qu’on était une seule et même personne. Mais cela ne nous est pas arrivé tant que ça ! Pour les séries, on ne tournait jamais tous les deux ensemble, c’était l’un après l’autre".


Joe Russo: "L’un d’entre nous va penser au tableau d’ensemble, et c’est là que l’autre va se concentrer sur les détails, c’est ce genre de complémentarité, tu vois ? Et c'est ce mélange à deux qui donne une sorte de… crumble qui ressemble à un film".


Vous jouez au bon flic/méchant flic avec vos équipes ?


J : "C’est déjà suffisamment fatigant d’être sur un tournage tous les jours de 6h à 22h, autant que l’ambiance soit bonne ! On veut tous les 2 être le frère le plus sympa, forcément. Mais il ne peut y avoir qu’un seul gagnant à ce jeu".

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J’imagine que vous avez abordé ce nouvel opus différemment du précédent, vu l’histoire ?


A : "Il y a une évolution en terme de séquences d’action dans ce film. Dans Winter Soldier, tous nos personnages étaient assez réalistes finalement, tandis que là, leurs superpouvoirs sont beaucoup plus divers et variés, plus SF ou surnaturels. Les possibilités sont bien plus riches.

Quelles sont vos influences ?"


J : "On est des geeks du cinéma ! On a grandi juste à côté d’une cinémathèque… Notre réal préféré est sans doute Truffaut. Tirez sur le pianiste, c’était génial. On aime l’absurde mais le drame et le réalisme sont essentiels. A la maison, on regardait Le Parrain, chaque Noël. On adorait French Connection aussi, c'était une grosse influence. On appréciait le côté trouble : tout le monde ou presque est du mauvais côté, mais tu peux quand même t’identifier. Et Gene Hackman est au top".


A : "Scorsese, il nous a bien traumatisés aussi. Ce ne sont pas forcément des influences conscientes… Croiser le film de superhéros avec le thriller politique, c’était notre idée pour Winter Soldier. C’est ce qui a fait la réussite du film, ça a un peu surpris. Pour Civil War, c’était plutôt un thriller psychologique, basé sur les personnages. C’était notre façon de justifier l’affrontement entre ces superhéros, qui sont les préférés de tout le monde, nous comme le public. Cela demandait beaucoup plus de complexité, il fallait faire ressurgir le passé de certains personnages, explorer leur psychologie un peu plus qu'avant".


J : "Nos modèles étaient plus du côté de De Palma cette fois. Fincher aussi".


Maintenant que tu le dis, c'est vrai que le "plan" du méchant a un petit côté John Doe...


A : "Absolument. Seven a été une grosse influence pour Civil War. Tu vois très bien pourquoi, mais j'espère que tu ne gâcheras pas la surprise à tes lecteurs (sourire). Le côté psychologique des héros qu'on approfondit, il fallait qu'il soit également présent chez leur ennemi".


J : "Il fallait trouver un moyen d'avoir un méchant qui pousse les héros à bout, qui appuie là où ça fait mal. Maintenant, on ne fait pas de comparaison directe entre ces chefs d’œuvre qu'on te cite et notre travail : simplement, quand tu commences à te lancer dans un film, tu te rappelles de tes bases et avec le recul tu réalises pourquoi certains films t'ont marqué, ce qui fonctionne à ce point dans leur récit, dans sa construction, et ça t'aide à avancer. Le Parrain, c'est ça : différents arcs narratifs qui finissent tous par se rejoindre dans le 3e acte... On a pris la même structure dans Civil War. Ce n'est plus intéressant de s'inspirer des autres films de superhéros, tout a été fait ; il faut au contraire aller vers autre chose pour surprendre. Emprunter la structure d'un thriller permet d'aller plus loin dans les relations entre personnages : ce n'est pas juste un film où c'est en cognant que tu résoudras tous les problèmes. Évidemment, il y a quand même beaucoup d'action mais on a voulu mettre de l'enjeu, et de l'émotion".

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Comment travaillez-vous avec Kevin Feige, le boss de Marvel Studios ?


SM : "On lui parle dès qu'il a un moment de libre, vu qu'il est très occupé. Il est très impliqué dans l'histoire".


CM : "On lui pitche plein d'idées, et il fait son choix. Puis il nous donne les siennes et nous indique la direction à prendre. Donc c'est clairement lui qui a le dernier mot. C'est d'ailleurs parce qu'il existe une personne derrière le processus créatif qu'il existe aussi une tonalité Marvel Studios qui se tient de film en film".


SM : "Et parfois, il va t'appeler et simplement te lâcher une idée dingue qui ne cadre pas du tout avec le reste, genre « utilise tel perso », « fais en sorte que le S.H.I.E.L.D soit détruit dans Winter Soldier ». Ok, merci des pistes (rires). Dans le même temps, il faut que chaque film marche pour lui-même, déconnecté des autres. Sinon le spectateur s'en va en pensant « ok, c'est pas du tout la fin, mais peut-être qu'un jour je verrai le dénouement de cette longue histoire » et là tu risques vraiment de lasser le public".


CM : "Le côté univers partagé ne doit pas être une excuse, ce serait une erreur".


Vous diriez que c’est le film Marvel Studios le plus sérieux ? le plus sombre ?


SM : "Il y a beaucoup de débat en ce moment aux USA, sur l'usage de la force par les autorités, et jusqu'à quel point ils doivent aller ou pas, est-ce bien justifié, etc. Donc la thématique est sérieuse. Sombre… Dans la mesure où des superhéros se retournent les uns contre les autres, oui. D'un autre côté, il n'y a rien de plus cartoonesque que 2 superhéros en train de se taper dessus : c'est le 1er truc que tu fais quand tu as tes figurines !"


CM : "On espère que ce sera surtout le Marvel le plus émouvant. Si on a réussi, les gens sortiront du ciné en ayant choisi un camp, mais pas facilement".


SM : "Quand tu as juste un méchant qui veut contrôler ou détruire le monde, ce n'est jamais justifiable. Là, c'est différent, on est loin du manichéisme.

Ce film est intitulé Captain america 3 mais c’ets surtout un Avengers 2.5, non ?"


MF : "Ca reste Captain America 3, parce que même si le côté Civil War tire le film du côté Avengers, on suit avant tout Steve Rogers qui achève une partie importante de son parcours. C'est la conclusion de sa trilogie".


CM : "C'était un challenge pour nous, de ne pas basculer totalement. Les Russo adoptent en priorité le point de vue de Cap".


Quel est votre rapport aux comics ?


CM : "On prend nos distances dans la mesure où on ne fait pas d’adaptation pure et dure, mais on n'est personne pour décider « ça, ça ne marchera pas » alors qu'il y a 70 ans de comics derrière".


SM : "Je me souviens que pour le 1er film, on pouvait se dire « attends, le héros va vraiment être habillé comme ça ? » (rires) Mais pour autant, le challenge était de trouver une explication pour le costume ; à aucun moment il n'a été question de le zapper".


CM : "C'est comme ça qu'on en est venus à la scène ridicule de spectacle musical, où Steve Rogers a juste l'air idiot et mal à l'aise".


Comment avez-vous approché Black Panther ?


CM : "Jamais par derrière"


SM : "On a surtout privilégié la dualité. C'est un superhéros lui-même, mais c'est aussi un chef d'Etat, il n'est pas censé faire n'importe quoi. Ensuite, c'est une chose de lire une planche sur T'Challa dans les comics, c'en est une autre de le voir jouer par Chadwick Boseman. Ne serait-ce que pour l'accent".

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Quand vous mettez en scène un personnage comme Tony Stark, déjà bien installé pour tout le monde, c’est un challenge supplémentaire ou une facilité ?


J : "En gros, on s'efforce d'être des spectateurs comme les autres. On va voir tous les autres films Marvel, on observe et on retient le traitement des personnages, puis on essaie de voir comment on peut ramener ça dans notre histoire à nous. La question c'était « comment Iron Man s'intègre à l'univers Captain America », parce que le piège c'était d'avoir des séquences qui rappellent le style des films Iron Man mais déconnectées du reste. Robert Downey jr s'est bien adapté. D'un côté, ce n'est pas le perso principal, ce n'est pas lui qu'on suit pendant tout le film. De l'autre, il doit montrer une partie de Tony que l'on n'a jamais vue jusqu'ici. Il est plus sombre que jamais, mais aussi très humain, sans doute plus qu'avant. Tony a une motivation très personnelle dans le film, plus que Cap".


Au niveau purement technique, vous avez quelques plans d'ensemble, mais assez peu, pourtant l'action implique souvent de nombreux personnages.


A : "C'est vrai, en fait si tu prends par exemple la scène de course-poursuite en voiture, c'est vrai qu'un certain nombre de protagonistes sont impliqués, mais de par leur nature, ça a plus de sens de faire un enchaînement de plans rapprochés, pour se concentrer sur chacun, séparément. C'était déjà le cas dans Winter Soldier : on cherchait cette approche un peu sale, des plans rapides, ultra-rapprochés. Pour celui-ci, il y a aussi une autre raison : les pouvoirs des héros sont si différents qu'on a une excuse pour zapper les plans d'ensemble ! On se concentrait sur chacun en se demandait « ok, qu'est-ce qui se passe exactement avec lui ? Niveau style, que peut-il nous donner ? »"


Quel est le processus pour créer un univers partagé, en tant que cinéaste ? C’est une configuration assez unique.


J : "On propose plein d'idées, on ne se censure pas, c'est une collaboration entre Kevin Feige, Louis D'Esposito et nous. Ensemble on définit ce que l'on veut mettre en place ici pour que ça se concrétise dans Black Panther, et même chose pour Infinity War. C'est un dialogue sans fin ! Après, les autres cinéastes et scénaristes arrivent, et tout se précise. Tout est une question de proportion : il faut donner à chaque personnage un arc narratif, pas forcément majeur, mais il en faut un. On a passé un an et demi à relire les scripts de Civil War, enfermés dans une pièce avec les scénaristes et le producteur Nate Moore. C'est un long, très long processus".


Civil War sort peu après Batman V Superman. Vous vous sentez en compétition personnellement ou pas vraiment ?


J : "Non, pas vraiment, parce que c'est un univers totalement différent, avec un ton qui n'a rien à voir, pareil pour les héros et leurs interprètes. J'étais excité à mort pour Batman V Superman, il n'y a pas d'animosité. Je pense aussi que le premier trailer de Suicide Squad était incroyable, ainsi que celui de Deadpool. Je serai là, à la première séance, comme tout le monde. Au bout du compte, on est juste contents d'avoir décroché le job, mais que ce soit eux ou nous, ce n'est pas une bonne idée de commencer à se focaliser sur le travail de son voisin. C'est le meilleur moyen de copier sans s'en rendre compte, et d'ennuyer le public".


Il n’y a même pas une petite émulation positive qui en ressort ?


J : "Ah, oui, c'est comme aller au match de l'année. Tu dois emmener ta meilleure équipe, pas le choix. D'ailleurs c'est pour ça que les films de ces dernières années ont monté le niveau. La concurrence est tellement forte ! Aujourd'hui si ton long-métrage n'a pas un certain level, avec les réseaux sociaux et tout le reste, dès le lendemain de la sortie, c'est fini. Ils vont tuer ton film. C'est très dur. La clé c'est vraiment l'amour des personnages et la qualité. Un truc comme Les Gardiens de la galaxie, on pourrait se demander comment ça a fait autant de recettes, sachant que personne ne connaissait ces héros. Mais c'est tellement bien fait, que tout le monde les a adoptés. Et je pense que ce soin apporté aux films, est une conséquence directe de la compétition".


Le processus créatif de Disney est souvent décrit comme centré sur l’amélioration perpétuelle des films, même si ça implique parfois de repartir à zéro. C’est pareil pour Marvel Studios ?


J : "Oui, sauf que je pense que c'était le cas avant le rachat, connaissant Kevin Feige. Concrètement tout le monde dans cette compagnie est dévoué à la réussite des films. Parfois cela implique énormément de réécriture, parfois des reshoots, qui inquiètent toujours le public et la presse. Mais en réalité, ça fait partie du jeu : jusqu'à la date de sortie du film, tout le monde continue de réfléchir à comment l'améliorer et vérifie encore et encore si rien ne nous a échappé. Ce n'est pas tout le monde qui est prêt à dépenser autant d'argent et d'énergie".


A : "En tant que réalisateur, tu n'es jamais satisfait de ton film, et tu ne devrais jamais l'être. C'est cette quête de perfection impossible qui continue de te faire vibrer. Avec Marvel Studios, tu as une prod qui t'accompagne dans cette démarche, avec des gros moyens".


Votre parcours est un peu étonnant, vous vous êtes faits connaître avec la comédie, et maintenant vous devenez des valeurs sûres du blockbuster d’action super-héroïques.


J : "On n'a jamais pensé qu'on irait dans la comédie !"


A : "C'est l'inverse en fait. Quand on a gagné un Emmy pour ça, c'était notre 1ère réaction : « si quelqu'un nous avait dit qu'on tournerait de la comédie il y a 5 ans, on l'aurait traité de fou »."


J : "On a tourné un film jamais sorti pour des raisons de budget réduit à la dernière minute, ça s'appelle Pieces, c'était de l'action assez violente, avec de l'humour noir uniquement. Peut-être qu'un jour on le balancera sur youtube... Puis Soderbergh nous a contactés et on s'est mis à bosser sur la comédie policière Bienvenue à Collinwood, qui était un remake. Je comprends que ce soit facile de nous voir avant tout comme des mecs étiquetés comédie qui ont ensuite pris un virage vers le blockbuster d'action, mais en réalité, c'est l'inverse ! On voulait faire de l'action dès le début et notre irruption dans la comédie était un gros concours de circonstances".

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Vous craignez un essoufflement des films de superhéros ?


CM : "On part du principe qu'à un moment, si tu continues de faire des bons films, ce n'est pas un souci. Ce sera un souci demain. On ne fait plus beaucoup de westerns aujourd'hui. Mais on en a fait des tonnes dans les années 50. Peut-être que les films de superhéros sont les westerns d'aujourd'hui, et qu'ils seront amenés à disparaître demain. Après, je trouve ça un peu dur de dire à chaque fois qu'un film de superhéros se plante « c'est peut-être la fin ». On ne dit pas ça pour les autres genres de films.


SM : "« Cette comédie est nulle, c'est peut-être la fin des comédies ». Personne ne dit jamais ça. En plus, le côté feuilleton, personnellement, ça me met dans une logique de série : j'ai besoin de savoir comment ça finit !"


CM : "Le danger c'est surtout que les studios deviennent cyniques. Mais tant qu'il y a de la passion, ça ira".


SM : "Après, il y aura un vrai problème qui va se poser, c'est au niveau des acteurs. Certains voudront forcément arrêter au bout d'un moment, d'autres seront trop vieux. Comment un univers partagé comme celui de Marvel va réussir à se réinventer ?"


CM : "La réussite de Marvel est son pire ennemi en fait (rires)"


Vous pouvez dire quelques mots sur votre script d’Infinity War, qui sera le 3e volet d’Avengers, en deux parties cette fois ?


CM : "Je pense qu'il faut que les films se finissent sur une situation qui n'est pas la même que la situation initiale. Qu'on ne puisse pas se dire « ok, c'est revenu à la normale comme si rien ne s'était passé. Je ne peux rien te dire de précis, mais Infinity War va dans ce sens".


SM : "Et on y verra bien sûr des répercussions de Civil War. Ce n'est pas « ok, c'est du passé, c'est cool maintenant »."


CM : "Ce sera différent de tout ce qu’on a fait, ne serait-ce qu’à cause du nombre de héros. Ici, Captain America et Iron Man sont évidemment au centre. Mais on a voulu étoffer Black Widow et Scarlett Witch, par exemple".


En même temps tout le monde commençait à voir que les femmes étaient un peu laissées pour compte…


CM : "C'est vrai. Mais ce n'est pas comme si on était tombé par hasard sur ces articles et qu'on s'était dit « ah ouais merde, on devrait écrire des trucs cools sur ces persos féminins ». On veut surtout que chaque protagoniste puisse être intéressant et qu'on n'ait pas l'impression d'avoir des bouche-trous".


SM : "Il faut surtout respecter tous tes personnages".


La romance culte des comics entre Vision et Scarlett Witch, vous l’envisagez à l’écran ? ça paraît compliqué.


SM : "Ils sont malgré tout connectés. Il a ce truc sur sa tête, et c'est la même source que ses pouvoirs à elle. Mais ils ne sortent pas ensemble.

Quand vous écrivez, vous vous adressez avant tout aux spectateurs qui ont suivi les films précédents ?"


CM : "A ce stade, on doit quand même partir du principe que le public connaît les grandes lignes : savoir que Cap vient des années 40, la base quoi".


SM : "Et d'un autre côté, cela peut rester divertissant de ne pas tout connaître sur le bout des doigts. La nuit dernière à l'hôtel j'ai vu un épisode de Kojak, je ne me souvenais plus d'aucun personnage, mais j'ai quand même passé un bon moment".


CM : "Et au bout du douzième film, si tu passes ton temps à rappeler tout ce qui s'est passé, tu perds la moitié de ton temps…"


SM : "Ils n'auraient jamais fait 12 films s'ils se prenaient la tête sur ces détails !"


Propos recueillis par Yérim Sar


Captain America: Civil War - Au cinéma


Et pour en apprendre encore plus sur le film: CinéFilou