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Retour en 2004 à la découverte de Memories of Murder de Bong Joon-Ho

Le festival de Cannes est passé depuis quelques semaines et avec lui son lot de "polémiques". Cette année c'était la présence de Netflix avec deux longs-métrages en compétition officielle. The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach et Okja de Bong Joon-
Retour en 2004 à la découverte de Memories of Murder de Bong Joon-Ho

Le festival de Cannes est passé depuis quelques semaines et avec lui son lot de "polémiques". Cette année c'était la présence de Netflix avec deux longs-métrages en compétition officielle. The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach et Okja de Bong Joon-Ho. Et c'est ce dernier qui nous intéresse, pas le film pas la polémique mais le réalisateur.


Bong Joon-Ho suit un rythme tranquille et régulier avec l’arrivée de son 6e film, Okja, le 28 juin sur Netflix. C’est l’occasion de (re)découvrir sa deuxième réalisation MEMORIES OF MURDER (2004), dont la version restaurée 4K sera proposée en salles le 5 juillet. 


Nous sommes en 1986 dans une province sud-coréenne, la police locale emmenée par le détective Park Doo-Man (Song Kang-ho) doit faire face au meurtre d’une jeune femme retrouvée ligoté avec ses propres vêtements après avoir été violée. Malheureusement les semaines suivantes les crimes vont se succéder annonçant l’avènement du premier tueur en série du pays et la débâcle des forces de l’ordre. C’est dans ce contexte qu’arrive de Séoul le détective Seo Tae-Yoon (Kim Sang-Kyung) afin de prêter main forte à ses collègues provinciaux. Mais la cohabitation ne va pas se faire sans mal, la fierté et les méthodes de chacun vont multiplier les pistes dans une course de fond pour stopper ces massacres. 

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Aujourd’hui l’histoire pourrait sembler manquer d’originalité car le traitement cinématographique des tueurs en série n’est pas nouveau : de jack l’éventreur dans le Londres du 19e siècle au tueur du Zodiaque dans les années 60/70 en Californie. Mais ce qui continue à susciter notre intérêt c’est la véracité des faits divers traités. 


Au-delà de l’histoire qui est fascinante, l’intelligence de Bong Joon-Ho réside dans le point de vue qu’il adopte. A travers cette affaire il va brosser un portrait d’un pays qui n’était pas prêt à faire face à ce genre d’évènements et qui ne souhaitait pas lui apporter autant d’importance. Car si les moyens techniques à disposition sont inexistants, les moyens humains sont en nombre mais pas aptes à gérer la situation. D’autant que les enjeux politiques de l’époque mobilisent les autorités sur d’autres terrains. Bong Joon-Ho se sert de ce contexte et l’enveloppe d’une brillante mise en scène qui peut (agréablement) perturber les repères du film policier de cette époque (début des années 2000).


Le film s’ouvre sur l’arrivée en tracteur du détective Park sur les lieux du crime. Le soleil cogne, des enfants jouent aux alentours et alors que Park leur crie de s’éloigner un petit garçon répète toutes ses paroles et mime sa gestuelle. Ce garçon est accroupi sur une dalle de béton et dans le fossé en-dessous git la première victime. La campagne sud-coréenne ne respire pas vraiment le calme et la tranquillité. Plus maintenant. Cette scène exprime clairement les intentions du réalisateur. Il mêle le comique voire le burlesque parfois, au drame et à la noirceur de l’histoire qu’il raconte sans tomber dans la bouffonnerie. Ces ressorts seront utilisés pour marquer les différences entre notre duo de policiers. C’est un code bien connu du polar. On a d’un côté Park et la police rurale : incompétente, maladroite et aux méthodes souvent limites. Face à lui, Seo représente la police de Séoul : il est sérieux, appliqué et solitaire. Cette cohabitation forcée est l’occasion pour Bong Joon-Ho de réaliser des plans d’ensemble/plans séquence assez incroyables où les acteurs peuvent laisser place à leur talent.

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Il porte d’ailleurs une attention particulière aux personnages secondaires : les journalistes, les différents membres des forces de police et tout le petit monde qui gravite autour de cette affaire. Lors des scènes d’interrogatoire, les suspects se comportent de telle manière que la tension atteint son apogée. En parallèle les personnages féminins cantonnés à des rôles mineurs, amènent à chaque fois un élément clé qui permet aux recherches de sortir de l’impasse. Le soin donné jusque dans les petits détails montre à quel point l’écriture et la mise en scène sont maitrisées.


Depuis plusieurs années le cinéma sud-coréen s’invite dans nos salles. Des réalisateurs comme Park Chan-Wook (Old Boy, 2003 / Mademoiselle, 2016) Na Hong-Jin (The Chaser, 2008 / The Strangers, 2016) ou Yeon Sang-Ho (Dernier train pour Busan, 2016) transposent ces genres (policier, action, horreur…) dans leurs univers en y apposant leur style, leur culture et une certaine fraicheur bienvenue dans le paysage cinématographique occidental. Bong Joon-Ho réalise en 2003 un film remarquable à tous les niveaux qui a sans doute participé à l’émergence de cette nouvelle vague.


Memories of murder, le 5 juillet en salles en version restaurée.


Thibaut Emmonet

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