Created by Richard Schumannfrom the Noun Projecteclair_rocky
Design, Article & Cream
superstylo

Tokyo Ghost : Akira, Mad Max et The Running Man dans un seul comics

Comme si notre amour pour Remender et Murphy avait encore besoin d’être déclamé, voici que l’auteur de « Fear Agent », « Low » et « Black Science » décide de proposer un scénario post-apocalyptique au génial dessinateur de « Joe the Barbarian »...
Tokyo Ghost : Akira, Mad Max et The Running Man dans un seul comics

Comme si notre amour pour Remender et Murphy avait encore besoin d’être déclamé, voici que l’auteur de « Fear Agent », « Low » et « Black Science » décide de proposer un scénario post-apocalyptique au génial dessinateur de « Joe the Barbarian » et  de « Punk Rock Jesus ».


« Tokyo Ghost » est un mélange d’influences multiples, allant d’ « Akira » à « Mad Max » en passant par « The Running Man », le tout agrémenté d’un soupçon de chanbara. Arriver à la cheville de Georges Miller et d’Otomo donnerai le tournis à de nombreux artistes, pourtant l’équipe réunie pour ce premier volume tient de la « Dream Team ». Rick Remender nous a montré qu’il était capable de faire ressortir le meilleur de Marvel avec notamment la série « X-Force », mais c’est chez Image qu’il a assouvi son appétit insatiable pour les univers fantastiquement barrés. Sean Gordon Murphy quand a lui, naît véritablement pour le grand publique avec la série « Hellblazer » de Vertigo, puis avec le spin-off d’ « American Vampire » qu’il réalise avec son pote Scott Snyder.

tokyo-ghost-akira-mad-max-et-the-running-man-dans-un-seul-comics

« Tokyo Ghost » est sorti chez « Image Comics » et vient de paraitre en France chez « Urban » sous deux formats : une version noir et blanc et une version classique, colorisée par Matt Hollingsworth (déjà coloriste de Murphy sur « The Wake » et « Chrononauts »).


Dans un Los Angeles futuriste où tout le monde est connecté, Debbie Decay et Led Dent sont deux « gros bras » à la solde d’un groupe de l’Entertainment. Le monde tel qu’il est présenté est composé d’une majorité de gens totalement lobotomisés par les médias de masse, devenus LE pouvoir en place. L’industrie du divertissement nous dit ce qu’il faut voir, penser, acheter à coup de shows télévisés disponibles 24/24.


A l’heure où Fox News, Donald Trump et la téléréalité envahissent nos réseaux ; la distopie d’ « Idiocracy » n’est pas bien loin. « Tokyo Ghost » utilise ce postulat en l’accentuant, afin de créer le socle de base de sa série. Remender rend une critique acerbe de notre société où les gens sont des veaux dirigés par une élite toute puissante qui se vautre dans le stupre et la luxure. Un pouvoir corrompu, un peuple aveuglé et au milieu de ce fatras, un amoncellement de violence, le tout saupoudré d’une histoire d’amour moderne. « Tokyo Ghost » est un récit assez nihiliste qui montre que l’humanité court à sa perte. Les fameux 1% sont toujours en quête de pouvoir et prêts à tout pour en obtenir encore un peu plus, quitte à détruire et écraser ce qui les entoure.


Debbie fait partie de la minorité encore « vierge » de toute technologie. Elle traque les hackers pour une société qu’elle déteste dans l’unique espoir de pouvoir un jour s’enfuir avec Led, son tendre amour, camé jusqu’à la moelle par la techno. Led est l’incarnation de la puissance à l’état brut, un chien de chasse qui attaque sa cible sans réfléchir pourvu qu’on continue de lui donner sa drogue et d’être abreuvé continuellement par son network. Il a choisi la pilule bleue de Morphéus  (ou d’Alice). Son monde est virtuel, sans saveur ni odeur, mais il semble heureux dans son aveuglement perpétuel. Deb’ est clairement consciente du monde qui l’entoure, ce qui fait d’elle une complice de ce système nauséeux. Elle n’a pas l’aspiration de changer le monde, mais simplement de vivre heureuse. Pourtant elle va devoir prendre conscience que fuir ne suffit pas et qu’il faut se battre pour obtenir un monde meilleur. Pour leur dernière mission, le duo va devoir aller au Japon, devenu un havre de paix, un nouvel Eden où l’homme vie en communion avec la nature.

Remender propose un récit qui fonctionne malgré de grosses facilités et un certain manichéisme. On reconnait clairement les codes qu’il utilise et ce qu’il pointe du doigt, pourtant l’histoire d’amour qu’il nous propose est assez touchante, sans doute plus que le contexte socio politique trop vite expédié. La structure de ce premier volume pourrait se découper en trois phases : l’exposition, la rédemption et la chute, Remender inversant volontairement les deux derniers axiomes. Le monde idyllique et salvateur qu’est le Japon et qui sera servi aux héros sans qu’ils aient à lutter est une utopie bien fragile, qui laisse place à une troisième partie montrant l’importance de se battre pour ses convictions afin d’obtenir un monde meilleur.

tokyo-ghost-akira-mad-max-et-the-running-man-dans-un-seul-comics

Sean Murphy sort une nouvelle fois des planches magnifiques, que se soit dans la dynamique de la violence ou dans la sérénité néo-médiéval d’un Japon fantasmé. Si certaines cases peuvent paraitre un peu « fouillis », surtout dans la première partie, Murphy s’en sort une nouvelle fois avec les félicitations du jury. Le découpage est nerveux et certaines doubles-pages donnent carrément le vertige tant elles sont riches (peut-être même « trop »).


« Tokyo Ghost » est une oeuvre qui se voudrait « punk », mais qui reste pourtant assez simple et classique. Remender et Murphy nous livrent une histoire néoromantique dans un mode post-apocalyptique, alternant ainsi un rythme d’abord nerveux et viscéral, puis zen et poétique. Cette première partie, même imparfaite, n’en est pas moins un blockbuster qui, sans être l’oeuvre « totale » qu’on aurait pu attendre de ce duo de choc, n’en reste pas moins un excellent divertissement.


Christophe Balme 


Tokyo Ghost - Disponible chez Urban Comics