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« Batman : White Knight », la nouvelle croisade du Joker

En quelques années, Sean Murphy est passé du statut d’auteur indé un peu punk à la superstar du comics qu’il est actuellement. Depuis ses débuts chez Vertigo avec la série « Hellblazer » ou encore l’excellent « Joe the Barbarian » (« Joe, l’aventure
« Batman : White Knight », la nouvelle croisade du Joker

En quelques années, Sean Murphy est passé du statut d’auteur indé un peu punk à la superstar du comics qu’il est actuellement. Depuis ses débuts chez Vertigo avec la série « Hellblazer » ou encore l’excellent « Joe the Barbarian » (« Joe, l’aventure intérieure » en vf), on peut dire que l’auteur américain a roulé sa bosse. Jusqu’en 2012 on pouvait penser que Murphy n’était qu’un dessinateur génial, au trait si particulier qu’il a désormais été maintes fois copié. Mais en juillet 2012 le couperet tombe : Sean Murphy est aussi un scénariste accompli. Son « Punk Rock Jesus » dont la gestation a pris de nombreuses années, est un uppercut en plein cœur. La série est bien plus que de l’Entertainment, c’est une fable politico-punk gavée de testostérone. Le choix du noir et blanc permet non seulement d’admirer les dessins de Murphy mais aussi de souligner le côté brut du récit.


Sean Murphy n’est pas l’auteur le plus prolifique qui soit, mais chacun des ses choix est réfléchi. Jason Aaron, Mark Millar, Rick Remender, Scott Snyder et bien entendu Grant Morrison font parti de son tableau de chasse. La rencontre avec ce dernier a d’ailleurs été primordiale, Morrison jouant à fois le rôle de mentor et d’ami, laissant Murphy donner son rythme au récit. Depuis, quelque soit la collaboration qu’il va entretenir avec un auteur, il semble que Murphy réussisse à s’approprier l’histoire qu’on va lui dicter, comme c’est le cas pour « The Wake » ou « Tokyo Ghost » où les thématiques qui lui sont chères sont au cœur du récit. Son dernier projet « Batman : White Knight » en fait une œuvre d’autant plus attendu qu’il en est le dessinateur et le scénariste, mais comment faire entrer les concepts récurent de Murphy dans un mastodonte comme « Batman » ?

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Tout comme « TDKR » de Frank Miller, une des nombreuses inspirations de Murphy, « Batman : White Knight » est un récit en marge de la continuité, même s’il respecte les règles imposées par l’univers DC. Tout commence avec la sempiternelle lutte du Chevalier Noir avec son ennemi juré : le Joker. Un Batman de plus en plus violent, qui, poussé dans ses derniers retranchements, va faire ingurgiter au Joker une poignée de médicaments douteux. Les conséquences de ce traitement forcé vont avoir un effet étonnant sur le clown qui va, non seulement être guéri de sa psychose, mais aussi booster ses capacités intellectuelles longtemps muselées par sa psychopathie. Ce nouveau Joker sain d’esprit va tenter de soigner Gotham de tous les maux qui la rongent comme n’aurait jamais pu le faire la chauve souris. Sous le nom de Jack Napier, il va se lancer en politique et dénoncer la corruption du système, tout en complotant pour pouvoir arriver à ses fins.


Tout le terreau nécessaire à Murphy pour raconter son histoire est ici. D’abord l’amour sans borne qu’il porte aux films de Burton et à l’univers étendu de Batman. Si le nom de Jack Napier ne vous est pas inconnu, c’est qu’il est tout droit sorti du film de 1989. C’est d’ailleurs avec un mécanisme similaire à celui du film que Sean Murphy va procéder à la transformation ce Joker en « Chevalier Blanc ». Afin de faire du Joker l’antagoniste de Batman, Tim Burton créait une relation très étroite entre les deux personnages. Du meurtre des parents de Wayne jusqu’au au bac d’acide, le Burtonverse jouait avec ses propres règles que Murphy tente en partie de se réapproprier. Comme dans le film, c’est ici Batman qui est indirectement, responsable de la transformation/guérison de Napier, mais cette fois-ci sous forme de miroir inversé. Sean Murphy va s’amuser avec tous les jouets mis à sa disposition, que ce soit sous forme d’easter eggs (que Murphy affectionne tant) ou en les plaçant plus au centre du récit. Ainsi la plupart des Batmobiles sont présentes et jouent un rôle primordial dans l’histoire (y compris bien entendu celles de Burton et de Nolan), mais aussi la galerie de vilains qui vont être contrôlés par une Harley Queen dont Sean Murphy va redéfinir les origines. La force de ce « Batman : White Knight » vient principalement de la qualité d’écriture de ses personnages et de l’absence totale de manichéisme dans le récit. Bien entendu les marottes de l’auteur sont présentes, comme l’omniprésence des médias dont se sert Napier pour manipuler l’opinion, ou encore l’impossibilité de mener une action politique, même avec un but noble, sans se corrompre à son contact. De fait, le récit est un marqueur de son époque, mettant en avant des personnages féminins forts et tout en nuances, montrant les inégalités qu’engendrent les dérives capitalisme et le cynisme avec lequel réagissent les puissants.

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Mais « Batman : White Knight » n’est pas qu’une fable politique, c’est aussi un récit fort et touchant, montrant un Bruce Wayne à la dérive après avoir perdu sa boussole morale. Les scènes que va proposer Murphy sont d’une grande richesse, aussi bien dans les moments d’actions que quand elles touchent à l’intime.


Le trait de Murphy est caméléon, réussissant à se fondre pour donner le meilleur dans toutes les situations, que se soit dans une poursuite en bagnoles ou sur une larme fondant sur un visage. Son trait faussement grossier arrive à viser juste à tous les coups, si bien qu’un seul coloriste pouvait parvenir à les sublimer. Matt Hollingsworth, fidèle collaborateur de Murphy depuis plusieurs années s’occupe ici de la couleur pour l’édition « classique » du comics, pour autant, l’éditeur français Urban Comics nous laisse ici le choix en nous proposant une édition noir et blanc du plus bel effet, permettant de mettre en avant le dessin de Murphy.


« Batman : White Knight » n’est pas une « commande » de la part d’un éditeur, c’est un récit porté par un auteur, réussissant à être à la fois un pur produit DC ET un comics de Sean Murphy. On prend un réel plaisir à le voir jouer avec la mythologie du Dark Knight, sans pour autant la pervertir. Tout l’univers de Murphy est présent qui apporte une intensité dramatique et une force telle, qu’elle dépasse l’œuvre de fiction pour arriver à faire écho à notre culture, notre civilisation est les maux qui la rongent. 


« Batman : White Knight » est un récit entier qui n’a pas besoin d’artifices ou d’une connaissance absolue de l’univers DC. Bien que présenté comme un one-shot, Murphy a d'ores et déjà annoncé qu’il comptait continuer à explorer cet univers en faisant resurgir du passé un personnage de 1992 crée par Joe Quesada : Azrael, dans son prochain titre « Batman : Curse of the White Knight ».


Christophe BALME


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