Created by Richard Schumannfrom the Noun Projecteclair_rocky
Design, Article & Cream
superstylo

Club VHS : Street Trash

La vie est ainsi faite : nous devons toutes et tous, pour la sécurité de chacun, rester à la maison. Rockyrama, chaque jour, vous conseille un film.
Club VHS : Street Trash

Street Trash (1987 -  Jim Muro)


Alors qu'à cette époque dévergondée fleurissent quantités de buddy movies et autres blockbusters pétés de thunes, quelques films bien plus modestes, mais non dénués d'intérêt émergent difficilement de l'ombre. Dans cette catégorie de vilains petits canards filmiques, Street Trash est très certainement le plus culte d'entre eux, et ce malgré un rythme en dents de scie où de multiples personnages – des SDF pour la plupart – se croisent et se recroisent au gré d'une intrigue prétexte. Jim Muro, steadycamer de talent ayant œuvré sur bon nombre de productions quatre étoiles (de T2 à Miami vice) s'attaque donc à son premier film des idées plein la tête et le jeune Bryan Singer à ses côtés. Mais voyez plutôt : dans le Brooklyn profond, les clodos sont rois. Enfin l'un d'entre eux surtout ; le violent et psychotique Bronson, un vétéran du Viêt Nam qui a laissé une bonne partie de sa santé mentale dans cette foutue guerre. Armé de son poignard taillé dans un fémur humain, il règne en maître sur la casse automobile du coin. Parallèlement, Fred, le « héros » vivote de menus larcins tout en négligeant son petit frère, Kevin, qui lui, flirte avec Wendy, la jeune et jolie employée de la casse auto, elle-même harcelée par son obèse patron (vu en maire dans Toxic Avenger). Ajoutez à cela quelques clochards malfaisants qui persécutent les plus faibles, un jeune portier glandeur que ça tue de bosser dans un restaurant tenu par le mafieux local et enfin, un épicier peu scrupuleux qui n'hésite pas à fourguer des flasques d'un alcool inconnu découverts dans une vieille caisse poussiéreuse, et on tient là un scénario des plus gratinés.

Vous ne suivez plus ? Pas grave, car la crème, le caviar suprême de ce film foutraque, c'est la nature même de la fameuse gnôle, la bien nommée « Tenafly Viper » qui liquéfie instantanément quiconque aura cédé à son goulot. Fatalement, tous ces pauvres bougres victimes de leur condition en prennent pour un dollar chez le revendeur avant de fondre en une bouillie multicolore des plus repoussantes. Multicolore, car le réalisateur, pour pouvoir mettre en boîte de tels excès gores sans aucune retenue, esquive adroitement la censure en remplaçant l'hémoglobine rougeâtre par un arc-en-ciel de fluides corporels. Couleurs primaires et secondaires se succèdent pour transformer progressivement les victimes en des magmas de chairs grotesques. Mais le plus génial dans ce concept de boisson hautement frelatée, c'est qu'il n'influe en rien sur l'histoire. La Viper est un serial killer fantôme, une punition divine qui frappe ça et là. On se surprend alors à suivre les évènements de cette aventure bancale d'un œil torve, en attendant tout simplement que le poison fasse son office, alors que le film regorge de sous-intrigues policières censées nous tenir éveillés. Nonsensique, irrévérencieux et dégénéré, Street Trash est une curiosité qui laissa une grosse trace visqueuse sur le festival d'Avoriaz de 1987 et reste à ce jour l'unique réalisation de Jim Muro qui l'a depuis renié pour des raisons soi-disant religieuses.


Cela vous empêchera-t-il de jouir de ce plaisir coupable un samedi soir ?


Bien sûr que non.


Julien Mazzoni 


Article initialement paru dans le HS Rockyrama Videoclub disponible ICI.

club-vhs-street-trash