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15 jours à la maison, 15 films : Kingpin

La vie est ainsi faite : nous devons toutes et tous, pour la sécurité de chacun, rester à la maison pendant quinze jours, au moins. Quinze jours, quinze films, à voir ou à revoir.
 15 jours à la maison, 15 films : Kingpin

Kingpin (Bobby &  Peter Farrelly, 1996)


Vous êtes-vous déjà retrouvé à digresser entre potes sur le sens de la vie, après avoir flingué quelques bières et balancé moult vannes potaches ? Eh bien, justement, le cinéma des frères Farrelly adopte cette logique existentielle par le biais de comédies trash dont l'étendue scabreuse masque mal l'intensité des émotions contenues. Si Kingpin est un étendard de la dumb comedy, cocktail improbable entre foutre de taureau, travelo et communauté amish, c'est son humanisme candide qui, entre deux éclats de rire, vous rappelle l'importance de la gaudriole. À savoir, dépeindre par le grotesque notre fichue condition humaine. Car oui, jamais le cinoche des créateurs de Dumb and Dumber n'a autant démontré sa capacité à capter l'essence même de la vie sous couvert d'un argument trivial. L'argument, le voici : l'impossible résurrection d'une ex-légende du bowling.

À travers ce road movie semi-comédie romantique (les deux genres phares de nos frérots, à même de décortiquer au mieux le perdant et sa sensibilité) où l'on suit trois bons losers dans une quête de revanche contre la vie, la bouffonnerie vire volontiers au tragicomique. Roy Munson, incarné par Woody Harrelson, devient un freak suite à un atroce « accident » faisant office de séquence d'ouverture, et, monstre de foire (lunettes ringardes, crochet à la place de la main, calvitie), il se voit même obligé de vendre son corps pour payer le loyer de son appart miteux. À lui tout seul, il cristallise les caractéristiques de l'imaginaire farrellien, ce carnaval foireux de l'Amérique : ridicule, crétin, physiquement déshonoré,  il renvoie pourtant à notre plus belle innocence, notre croyance capra-esque en l'homme.


Virée rythmée au fil de mélodies entraînantes et sentimentales, l'escale que nous propose Peter et Bobby est une histoire d'amitié (comme dans Dumb and Dumber, Deux en un, Les Trois Corniauds), d'amour (L'Amour extra-large, Mary à tout prix), de recherche identitaire (Fous d'Irène), d'acceptation de soi et d'autrui, une manière de nous prendre par la main pour nous faire comprendre à nous, spectateurs du samedi soir, que chaque jour n'est autre sur le « morning of our lives » chantonné par Jonathan  Richman. ?Souvenez-vous de cette route qu'empruntent, à la toute dernière scène, Harry et LLoyd, dans le film le plus reconnu des cinéastes, choisissant malgré eux de poursuivre leur train-train tranquille plutôt que de s'éclater dans les bras de nymphettes. Et si cette route, calée en plein désert, n'était autre que la voie à suivre pour s'accomplir ? Et si, note d'intention du Clerks II de Kevin Smith, accepter à bras ouverts le message de Kingpin (refuser de rester sur le banc de touche) c'était se dire « today is the first day of the rest of our lives » ? La comédie, genre populaire, vaste et fondamental, n'est jamais plus fracassante que quand elle nous encourage, par l'hilarité, à nous affirmer, et à faire un doigt d'honneur aux vrais médiocres qui s'ignorent. Et quand on vous le dit avec Bill Murray, c'est encore mieux qu'un trop long discours...


Clément Arbrun 


Article initialement paru dans le HS Rockyrama Videoclub disponible ICI.


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