Hommage au travail de l'immense Frank Frazetta, décédé il y a six ans
Bon nombre d’artistes ont su dépasser leurs domaines de prédilection et imprégner de leurs univers d’autres courants créatifs, comme le cinéma ou la musique.Bon nombre d’artistes ont su dépasser leurs domaines de prédilection et imprégner de leurs univers d’autres courants créatifs, comme le cinéma ou la musique.
De facto, on citera Drew Struzan, dont la carrière a été essentiellement tournée vers le 7éme art. Le bonhomme a réalisé les affiches célèbres de The Thing, des Goonies ou de la trilogie Retour vers le futur, mais il a
aussi eu l’occasion de faire des pochettes d’albums. On lui doit notamment celle de Sabbath Bloody Sabbath du groupe phare mené par Ozzy Osbourne. En France, Philippe Druillet mettra lui aussi, son activité principale (la BD donc) de côté un moment, pour aller lorgner du coté du cinéma. Jean-Jacques Annaud réclame ses services en 1981 pour le long-métrage La Guerre du Feu, qui, soyons clair, reste l’une des plus belle affiches du cinéma Français de la décennie. Le dessinateur ne s’étant jamais caché d’être un mélomane, il officiera logiquement sur quelques projets musicaux. Parmi ceux là, l’illustration de l’album Métamorphose de Sortilège est à noter dans son CV ainsi que celle de la compilation Cosmic Machine, projet revenant sur la musique électronique Française des années 70-80.
De tous ces gens, en revanche, aucun n’aura autant d’influence sur le cinéma et la musique Rock que Frank Frazetta, né le 9 février 1928 à Brooklyn et mort le 10 mai 2010, il y a six ans jour pour jour.
Le New Yorkais entame sa carrière dans les comic strips en étant notamment nègre pour le dessinateur Al Capp, ce qui lui vaudra une invitation des studios Disney à venir en Californie, qu'il refusera, avant de finalement réaliser pour Playboy et le magazine satirique Mad quelques illustrations, dont une caricature de Ringo Starr. Le succès frappe à sa porte, et s'il réalise de nombreuses affiches pour des comédies américaines des années 60-70, c’est la deuxième partie de sa carrière et principalement ses peintures à l’huile relatant du fantastique, qu’il exécutera pour des couvertures de livres, qui auront un impact culturel très fort et qui lui permettront d’accéder à une renommé mondiale.
L’illustrateur et graveur Gustave Doré était athlétique et passionné d’alpinisme, et s’en servait pour nourrir certains de ces travaux. Frazetta lui aussi, était un grand sportif. Il aurait même dit non (encore une fois) à une proposition de faire partie de l’équipe de base-ball junior des New York Giants. De bonne composition, grand, robuste et taillé, une grande partie de son oeuvre dépeindra des hommes virils à la musculature intimidante et des personnages féminins aux formes généreuses et aux positions lascives, le tout baignant évidemment dans un univers surréaliste.
Dans le très bon documentaire Toiles de Feu réalisé par Lance Laspina (inclus dans l’édition Française double DVD du film Tygra, la glaçe et le feu), un intervenant affirme de façon clair : « Chaque réalisateur possède une toile originale de Frazetta chez lui ». De George Lucas à Robert Rodriguez en passant par Guillermo Del Toro., l'artiste est une influence considérable pour beaucoup de créateurs. C’est simple: si Conan le Barbare de John Milius existe, c’est tout simplement parce qu’auparavant il y eut les toiles de Frazetta. L’objet filmique est aujourd’hui encore culte pour les thématiques qu’il aborde. Par ailleurs, c’est l’un des plus vibrants hommage au peintre qui ait été produit. Les costumes, les décors, l’esthétique globale du film doivent beaucoup au maitre et ce plus encore qu’à Robert E. Howard, l’auteur des récits originaux du personnage Cimmérien, dont le film ne s’inspire au final qu’assez peu.
L’épreuve De Force avec Clint Eastwood fut l’un des premiers gros films à bénéficier du travail de Frazetta. Eastwood en personne contacta le peintre afin qu’il assure la promotion de son film. Il déboursa 20 000 dollars pour la peinture. Ralph Bakshi, au début des années 80 proposa à Frazetta de faire un film d’animation : Tygra, la Glaçe et le feu. Complètement planté au box office, le résultat est pourtant, avec le recul, assez convainquant ! L’animation effectuée grâce à la technique de la rotoscopie permet une grande fluidité et les décors et l’histoire du film seront supervisé par le maître. Cela va de soit, il en réalise l’affiche et le résultat casse la baraque.
Moins connu, il réalisa une esquisse pour le film Une Nuit en Enfer en 1996, sans doute à la demande de Rodriguez. Celle-ci ne sera pas retenu et à l’arrivée, la production gardera une affiche assez lambda.
Qui dit Heroic Fantasy et SF, dit également musique vénère à grosses guitares. On ne compte plus le nombre de groupes dont l’imagerie renvoie à ces univers. Hawkwind, Manowar, Voivod jusqu'aux formations plus récentes comme The Sword ou Mastodon en passant par la scène rock progressif ou encore le Black Metal (inévitable) dont les références à la littérature fantastique sont récurrentes chez pas mal de formations. Frazetta ne réalisa jamais d’illustration exclusivement pour un groupe. Cela n’empêchera pas plusieurs d’entre eux de reprendre ses toiles pour illustrer la jaquette de leurs albums: Dust, Nazareth, le guitariste virtuose (quoiqu’un peu chiant) Yngwie Malmsteen, Wolfmother et surtout le groupe sudiste Molly Hatchet, qui, à trois reprises, se réapproprieront des toiles du maître dont le fameux Death Dealer.
Kirk Hammet de Metallica ira lui, jusqu'à dépenser la somme d’un million de dollars pour acquérir la toile Conan the Conqueror.
Le 10 Mai 2010, des suites d’une attaque cardiaque, Frazetta s’éteint. Son oeuvre, aujourd'hui, résiste à l’épreuve du temps et continue de fasciner encore et encore nombres d’amateurs de fantasy. Image Comics crée des bandes dessinées inspirées de ses tableaux, les grands cinéastes se ressourcent dans son art et les musiciens lui rendent encore hommage.
Si l'homme n'est pas éternel, ses dessins le sont.
Charles Cochard