John Buscema, l’un des plus grands artistes de l’industrie du comics

Si pour les plus jeunes le nom de John Buscema n’évoque rien, ses dessins quant à eux parlent pour lui. Rares sont les artistes qui peuvent se targuer d’avoir participé à tous les âges des comics.

Entre le « King » Kirby et Stan « the Man », « Big John » est l’un des artistes les plus révérés dans le monde de l’édition. La vivacité de son trait, la finesse de ses dessins et surtout cette époustouflante rapidité d’exécution ont fait de John Buscema, l’un des plus grands artistes de l’industrie du comics.

Sorti il y a quelques semaines chez Urban Comics, ce formidable pavé de plus de 300 pages publié aux USA chez IDW, retrace la vie et l’œuvre d’un grand de la bande dessinée qui a marqué son époque à coup d’encre, de gomme et d’énormément de sueur. Florentino Florez, l’auteur de ce bouquin, s’est beaucoup documenté pour pouvoir sortir ce recueil sur Big John. A coup d’anecdotes d’auteurs et entretiens avec les proches du maestro, Florez nous propose un livre a mi-chemin entre la biographie et l’Artbook où les témoignages et les dessins se mêlent.

« Big John Buscema » retrace le parcours de l’artiste de façon chronologique. John est né à Brooklyn en 1927 d’un père italien et d’une mère américaine. Si la famille Buscema a connu la pauvreté, le petit Johnny a compris très rapidement, grâce à son père, la valeur du travail. On apprend que chez l’enfant, la passion du dessin a pris dès le plus jeune âge et que très tôt, John a commencé à exercer son trait en recopiant les chefs-d’œuvre de Rubens et de Michel-Ange. En bon autodidacte, il commença par faire quelques strips à droite à gauche pour finalement entrer chez « Timely Comics » qui deviendra plus tard « Marvel Comics ». Florez nous parle de sa rencontre avec un certain Stan Lee, qu’il a d’abord pris pour un génie avant de s’apercevoir que dans le duo, Kirby était le matre. C’est aussi à travers le parcours d’un John Buscema cherchant sa place dans cette nouvelle industrie, qu’on découvre que le monde du comics, qui était en pleine évolution à l’époque, n’était pas si rose.

« Big John Buscema » nous faire revivre malgré tout un âge d’or où tout était à créer. Les auteurs de l’époque étaient véritablement des créateurs d’univers, mais les conditions de travail ont poussé de formidables artistes comme John Buscema à quitter le monde du comics. Le bouquin nous raconte comment, dans les 50’s, il se lance dans la pub, pour ensuite revenir chez Marvel sous la supplique du jeune Stan Lee, venu le chercher ainsi que ses amis Gene Colan et John Romita (Senior), pour devenir des artistes de premier plan qui réinventèrent le comics. Sous la tutelle de Jack Kirby, qui fut un mentor pour nombre de dessinateurs, cette poignée de pionniers ont mis en place les bases de tout un pan super-héroïque, devenu un socle sur lequel les artistes actuels se reposent encore aujourd’hui.

Dessinateur imparable des années 60 et 70, John Buscema a participé, peu ou prou, à tout ce que l’industrie lui proposait. Du polar au western en passant par des adaptations de films d’aventure comme « le 7ème voyage de Sinbad », il est toutefois connu et reconnu pour son run sur « Avengers » dans les 70’s. John Buscema avoue malgré tout ne pas forcément adorer le monde des super héros, exception faite de la « Vision » à qui il offrit ses meilleurs moments et de la mythologie Asgardienne qui l’aimait particulièrement. C’est cette attirance pour ce genre d’histoires qui le poussa à prendre part à une aventure qui allait marquer le monde du comics, celle du plus connu des barbares, le fils chéri de Crom : « Conan ».

La création du guerrier cimmérien est presque une affaire de famille, puisque c’est avec son ami Roy Thomas au scénario et son frère Sal Buscema, qui encrait les planches, qu’ils firent revivre l’œuvre Robert E. Howard chez Marvel pendant de nombreuses années. Le bouquin d’Urban Comics nous montre, au travers des archives et de nombreuses planches, le processus créatif utilisé pour faire émerger l’œuvre finale.

Si l’essentiel de la vie de John Buscema tourne autour du comics, c’est surtout parce qu’il ne s’est jamais considéré comme un artiste, mais plus comme un artisan. Avant de mourir, John Buscema avouait lui-même que, contrairement à Kirby qui respirait et vivait comics, lui ne s’intéressait pas tant aux histoires qu’à la quantité de pages qu’il pouvait produire pour obtenir son salaire. Malgré tout, le dessin fait partie intégrante de l’ADN du personnage. Quand ce stakhanoviste de la planche s’est un peu éloigné de ses pinceaux, c’était pour enseigner son art à des étudiants. Difficile de penser que ce grand monsieur n’ait été qu’un faiseur, en tout cas ce n’est certainement pas l’avis de ses élèves ni des nombreux artistes qui l’ont côtoyé. Quoi qu’on en pense, John Buscema demeure l’un des plus grands dans le milieu du comics et ce livre nous offre un témoignage non seulement sur l’histoire ces héros de papier, bien avant leur renaissance sur grand écran, que sur l’industrie du comics. Ce bouquin retrace une odyssée, riche en planches, prélim’ et esquisses en tout genre. Un « must-have » non seulement pour les fans de l’artiste, mais pour tous ceux qui voudraient en savoir plus sur ce qu’est cette industrie, car si Kirby était le cœur du comics, nul doute que John ait été son âme.

Christophe BALME

« Big John Buscema » est disponible aux éditions Urban Comics