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Perfect Blue, éblouissement mental

Le cinéma d’animation japonais n’est pas seulement composé d’Hayao Miazaki, génie incontesté du genre et mondialement reconnu depuis les années 90. Si un foutu cancer du pancréas n’avait pas pris sa vie en 2010 a tout juste 46 ans, Satoshi Kon serait
Perfect Blue, éblouissement mental

Le cinéma d’animation japonais n’est pas seulement composé d’Hayao Miazaki, génie incontesté du genre et mondialement reconnu depuis les années 90. Si un foutu cancer du pancréas n’avait pas pris sa vie en 2010 a tout juste 46 ans, Satoshi Kon serait également sur le devant de la scène. Et aurait peut-être même dépassé le maitre des studios Ghibli. Auteur de quatre films, Kon nous laisse un héritage de films à explorer.


Inspiré par Mobile Suit Gundam (1979), Space Battleship Yamato (1974) ou encore par le manga Domu de Katsuhiro Otomo, c’est à l’orée des années 90 que le jeune homme originaire de l’île de Hokkaid? fait ses premiers pas dans l’animation. Formé par le grand ?tomo, avec notamment l’OAV (vidéo d’animation originale) Roujin Z en 1991 où il occupe le poste de concepteur des décors, il se perfectionne également avec Patlabor 2 (1993) de Mamoru Oshii. Avant de devenir réalisateur, Kon écrit des mangas : Seraphim (1995-1996) avec Oshii et Opus, malheureusement inachevé suite à la faillite du magazine dans lequel il est pré-publié.


Perfect Blue (1997) initiera ses débuts en tant que réalisateur de film d’animation, et quel départ ! Bien accueilli par les critiques, tant au Japon qu’aux Etats-Unis, cette première collaboration avec le studio Madhouse a aussi remporté quelques prix : Festival Fantasia de Montréal en 1997 ou encore le Festival du Film Fantasporto au Portugal. Terry Gilliam a même inclus Perfect Blue dans sa liste des 50 meilleurs films d’animation (Time Out, 2009). Disponible depuis quelques semaines en France au format Blu-Ray grâce à Kazé, faisons éloge de cette pépite aux thèmes graves et aux images perturbatrices.

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La dernière fois qu’un film d’animation nous a donné cette impression de « WOW, cet ovni ! » c’était Summer Wars (2009) de Mamoru Hosoda. Stimulant la pensée, intriguant et merveilleux, Perfect Blue laisse une impression similaire. L’histoire est tirée du roman de Yoshikazu Takeuchi avec Sadayuki Murai (seul film dont Kon ne signera pas le scénario) au script. Perfect Blue met en scène Mima, une jeune idole pop qui décide de réorienter sa carrière vers le cinéma et la télévision. Mais une poignée de fans sont indignés par cette décision et commencent à lui poser de sérieux problèmes. Par chance, elle n’est pas seule. Deux agents l’entourent, Tadokoro et Rumi, une ancienne chanteuse. Tous ces personnages sont intéressants et humains. Sans doute trop humain ! Alors qu’elle explore sa nouvelle réalité, et ressentant ses craintes et ses doutes, il ne faut pas longtemps au spectateur pour s’attacher à l’héroïne.


La tension du film se construit progressivement à mesure que nous prenons connaissance de la routine quotidienne de Mima et des défis auxquels elle fait face pour passer de chanteuse J-pop à actrice. C’est simple certes, mais exécuté à merveille. Le sang, le gore, la peur et les frissons s’accroissent et à la fin, le film est presque incompréhensible. L’une des forces de Satoshi Kon est de déconcerter le spectateur. Comme le stress de Mima devient ingérable, il devient difficile de distinguer ses rêves à ses propres hallucinations et il en va de même pour ses films et la réalité qui l’entoure. Dans les derniers moments du film, nous sommes frappés : « est-ce déjà la fin ? ». Vous pensez-bien, une enquête a dû être menée sur plusieurs forums en ligne pour déchiffrer la fin. A cet égard l’étrangeté et le détachement du scénario peuvent être considérés à la fois comme un défaut et une qualité.


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L’animation est propre, vous ne verrez pas de personnages aux grands yeux comme dans certains animes. Le style graphique de Satoshi Kon est proche de la vie réelle, très réaliste. Il intègre des personnages maigres, gros, jeunes et âgés, avec une grande gamme de structures corporelles et de traits pour le visage. Le charme de ce film d’animation est unique. Les couleurs sont un peu ternes, nous rappelant parfois que c’est une production de 1997, mais l’animation elle-même est extraordinaire. Les costumes, les vêtements et les backgrounds sont joliment détaillés. Les mouvements sont fluides et réalistes. Les scènes de poursuites et de violences mettent encore plus en avant le travail 2D des animateurs. La nudité qui est montré de manière frontale dans ce film est l’une des représentations les plus réalistes du corps féminin. Bref, c’est du travail d’orfèvre.


Perfect Blue est un film d’animation brillant, effrayant, drôle, poignant et donne matière à réfléchir. Il se classe au même niveau que certains thrillers signés Brian de Palma et Dario Argento. Immanquable !


Perfect Blue (1997) disponible en Blu-Ray et DVD chez Kazé.


Pierre Sauveton