RoboCop : la pré-adolescence et tout ce qui va avec
Un canapé avec les plumes qui s’échappent des coutures, un écran cathodique Brandt, le magnétoscope de marque Mitsubishi du daron, une VHS d’importation américaine, des chips et du coca. Quitte à écrire un papier sur Robocop de Paul Verhoeven, autantUn canapé avec les plumes qui s’échappent des coutures, un écran cathodique Brandt, le magnétoscope de marque Mitsubishi du daron, une VHS d’importation américaine, des chips et du coca. Quitte à écrire un papier sur Robocop de Paul Verhoeven, autant se remettre dans les conditions optimales.
Play. La bande saute, puis la constellation d’Orion tournoie et prend la forme d’un O. C’est parti. Vue aérienne sur les docks, la nuit tombant sur Detroit, Rock City. Soudain, sur une montée orchestrale comme seul feu Basil Poledouris savait les mitonner, jaillit le titre du film de ce soir. Robocop. Sourire de gamin qui mate un truc sulfureux. Souvenir d’un vidéoclub de banlieue. La pré-adolescence et tout ce qui va avec.
Mais là on se dirige tout droit vers une chronique nostalgique de hipster, non ? Alors que Robocop c’est quand même autre chose, bordel ! Je ne vous ferai pas l’offense d’un vulgaire résumé de ce chef-d’œuvre. Soit tu as vu Robocop et tu sais, soit tu ne l’as pas vu. Si tel ton cas, t’as vraiment de la veine, Michel. Tu t’apprêtes à voir un film comme on n’en fait tout simplement plus, ou du moins pas à cette échelle. En revoyant la bombe de Verhoeven aujourd’hui, on se demande bien comment il a fait pour l’imposer aux studios !
Puis on repense à ses autres films mais aussi à ceux de James Cameron, à l’ère Stallone/Schwarzy, à cette époque d’un cinéma d’action et de science-fiction sans concession. Aujourd’hui, le quart de la violence graphique d’un Robocop, même pas, ça atteint les salles de cinéma ! En 1987, une dizaine de montages seront nécessaires pour que le film passe d’un classement X castrateur à un Rated R permettant une exploitation décente (aujourd’hui on observe plutôt des films timides classés Rated R qui galèrent pour obtenir un PG13 salvateur pour leur carrière).
Le Rated R est cela dit amplement justifié. Démembrements, défenestrations, exécutions à bout portant, sniffage de coke (dans des hooker’s boobs !), castration par balles, festival de plaies ouvertes en bloc opératoire comme si vous y étiez, discours acerbe sur la société capitaliste et plus généralement : présentation de l’être humain comme la pire race de connards. Robocop, au-delà d’être un putain d’actionner d’anticipation avec un superflic mi-homme mi-machine, est une charge thématiquement virulente et visuellement frénétique.
Tous ces personnages, qui se débattent comme des vers sans eau sur la terre crasse d’un vieux Detroit malade, nous donnent la nausée. Si bien qu’on envisage tout à fait la solution pourtant bien facho du boss d’OCP qui consiste à raser un quartier gangrené jusqu’à la moelle. Mais bon, c’est tout de même plus badass d’y envoyer un cyborg pour faire le ménage, non ?
Comme dans chaque film de Paul Verhoeven, le spectacle est fun et décomplexé, mais sent le souffre. Comme si un marchand de glace taré s’amusait à vider sa bile au fond du cornet avant de vous le revendre, un sourire gras au coin des lèvres. Voilà le goût que laisse un film comme Robocop : vanille, chocolat, sang, rouille et bile. I’d buy that for a dollar !!!
Joe HUME