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The Nice Guys, ou comment Shane Black empêche Hollywood de sombrer dans le ridicule

Entre le gamin passionné et surdoué qui refourgua pour une somme plus que rondelette son scénario de L’Arme Fatale à Joel Silver, et le scénariste/réalisateur bankable post Iron Man 3 qu’il est devenu, il s’est écoulé plusieurs vies, un destin comme
The Nice Guys, ou comment Shane Black empêche Hollywood de sombrer dans le ridicule

Entre le gamin passionné et surdoué qui refourgua pour une somme plus que rondelette son scénario de L’Arme Fatale à Joel Silver, et le scénariste/réalisateur bankable post Iron Man 3 qu’il est devenu, il s’est écoulé plusieurs vies, un destin comme seul Hollywood peut en proposer.


Shane Black est depuis ses débuts l’un des plus grands trésors de la pop culture, une star de l’ombre, vénéré par une poignée de cinéphiles qui ne cessent de rappeler que c’est lui, avant un certain Quentin Tarantino, qui a réveillé le cinéma de genre. The Nice Guys, son dernier classique, devrait lui permettre de voir enfin son nom briller sous forme d’étoile, sur Hollywood Boulevard. Pour un auteur qui passe son temps à explorer Los Angeles et ses mythes, cela relèverait d’une certaine forme de justice.


Marvel/Disney ne le reconnaitra jamais, mais Iron Man 3 reste, à ce jour (avec Guardians Of The Galaxy, mais pas pour les mêmes raisons), le seul film de son catalogue intelligent, raffiné, drôle et surtout réussi sur toute la ligne. Un projet en substance suicidaire en comparaison des horreurs que nous balancent à vitesse supersonique Kevin Feige et ses sbires. Ce film, c’est un peu comme si Paul Bocuse inventait un menu pour KFC. Un truc improbable, beaucoup trop ambitieux et tortueux pour faire l’unanimité. Ne nous y trompons pas, malgré le milliard et quelques que le film a engrangé, les fans, toujours au top de l’analyse critique et de l’ouverture d’esprit, ont crié au scandale. La présence d’un auteur aussi puissant dans la maîtrise des univers pop derrière une production Marvel ne risque pas de se reproduire avant un bail. Et tant mieux, laissons ces franchises débiles mourir à petit feu. Le phénomène Super Héros au cinéma était inévitable. Il périra lorsque la mode sera passée, et que plus personne ne trouvera d’intérêt à ces cabrioles synthétiques. D’ici là, Iron Man 3 ne risque pas de perdre son titre.

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Black vient de se payer sa liberté et une forme de rédemption avec les billets verts de Feige. Le premier à s’en féliciter reste son compagnon de toujours, le seul qui ne lui avoir jamais « vraiment » tourner le dos (ça reste une histoire Hollywoodienne, rien ne peut vraiment être clair), Joel Silver. Silver a fait une partie de sa fortune sur le sens du rythme et les punchlines de Black. Voilà pourquoi Joel lui dégote un petit budget, Robert Downey Jr et Val Kilmer pour ses débuts (enfin), derrière une caméra. Kiss Kiss Bang Bang réjouira les fidèles, heureux de voir leur chouchou revenir après une trop longue errance dans les méandres de la décadences et des excès post 90’s. Kiss Kiss Bang Bang brassera toutes les influences de Black : le pulp, les polars, l’actioner, la figure du héros et évidemment Hollywood et son sempiternel envers du décors. Black vénère sa machine à rêve autant qu’il la remet en question. C’est là une des différences majeures entre lui et QT. Le portrait humain, tout romancé soit-il, prime chez le créateur de Martin Riggs, là ou Tarantino reste dans l’éloge de la figure.


Après ce retour en fanfare, présenté à Cannes et évidemment foireux au Box Office, Black retourne faire la fête en voyant ses projets tomber à l’eau les uns après les autres (dont ce chimérique Arme Fatale 5…). Hollywood ne se rend alors pas compte à quel point elle a besoin de Black. Robert Downey Jr, son John Travolta, qui doit en grande partie son come-back post fiesta à Black, saura s’en souvenir et l’installe aux commandes de sa franchise métallique. C’est Tony Stark qui, de manière détournée, permettra à The Nice Guys de prendre forme.

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Dans cet Hollywood rincé, qui ne propose plus grand-chose d’intéressant (nous vivons certainement l’une des périodes les plus artistiquement faibles de son histoire), et dont les seules attentes reposent sur les épaules de Fincher, Mann, QT, Del Toro, Miller, Spielberg, Nichols et parfois Nolan, Black arrive à point nommé pour, une fois de plus, revigorer le game. The Nice Guys propose une nouvelle déclinaison de son univers pop foisonnant, entre polar et comédie, et ramène le Buddy Movie au premier plan. Crowe et Gosling se régalent dans ce Los Angeles 70’s sobrement reconstitué. La force de ce script dont tous les ressorts nous sont connus à l’avance, réside dans ce surhumain sens du rythme, d’un découpage de l’action hors norme et de la formule. La galerie de personnages étale tout le talent de Black pour réinventer les figures imposées.


Proposer, en 2016, un film au carcan si commun, pour en faire un concentré de plaisir pop brillant et foisonnant de références, mais jamais écrasé par le poids de clins d’œil lourdingues, confine au génie. Black travaille son style depuis trente ans, l’aiguise pour en faire une arme de distraction massive, sans jamais perdre de vue que le spectateur mérite ce qu’il y a de mieux. Pour toutes ces raisons, The Nice Guys va trôner tout en haut de son œuvre. Et pour toutes ces raisons, le savoir maître de The Predator, son prochain film, nous rassure sur un point essentiel : il reste à Hollywood des personnes qui savent chérir un héritage, le transcender et inventer le futur.


Shane Black est un génie. Un vrai, pas de ceux dont on saluera quelques travaux sous le coup de l’excitation, pour ensuite les classer au rayon cool mais pas intemporels. Rendons lui l’hommage qu’il mérite et faisons tous de The Nice Guys le méga succès qu’il doit être. Notre futur en dépend.


Guillaume Baron


The Nice Guys - Dans les salles