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Vous devriez vraiment vous mettre à Tank Girl

Aujourd’hui, lorsque les gens parlent de romans graphiques, ils pensent que l’élément en question est généralement une bande dessinée avec le nombre équivalent de pages d’un roman classique. Par conséquent, le « graphique » auquel ils font référence
Vous devriez vraiment vous mettre à Tank Girl

Aujourd’hui, lorsque les gens parlent de romans graphiques, ils pensent que l’élément en question est généralement une bande dessinée avec le nombre équivalent de pages d’un roman classique. Par conséquent, le « graphique » auquel ils font référence est le média en question, et non le contenu de l’œuvre. Cependant, il y a des cas où le mot « graphique » décrit à la fois le contenu et la forme du roman graphique. L’un des meilleurs exemples est Tank Girl de Alan C. Martin et Jamie Hewlett.


Donnons une nouvelle définition aux trois « R » (stratégie de gestion des produits en fin de vie et des déchets qui en découlent) – rauque, rebelle et révoltant – à Tank Girl et ses acolytes, Booga le kangourou, Jet Girl, Sub Girl, ses amis et ennemis, qui ont vu le jour à la fin des années 80. Les péripéties de cette ado étaient alors proposées en noir et blanc, puis parfois en couleur, avant de disparaitre dans un nuage de poussière dans cette Australie post-apocalyptique où elle est apparue pour la première fois en octobre 1988. Durant son périple, elle a réussi à confronter et confondre, autorité et hypocrisie, tout en propageant sa propre version de l’anarchie au volant de son tank surchargé et lourdement armé dont elle a pris le nom. A l’occasion de la sortie de l’intégrale Tank Girl au Label 619 chez Ankama, retour sur les débuts de ce personnage anti-tatchérisme, punk, féministe et anarchiste !

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A la fin des années 80, des éditeurs indépendants de comics émergent de toute part pour nourrir les nouveaux talents et défier la popularité des maisons d’éditions déjà installées. La Grande-Bretagne a de riches créateurs notamment au sein de 2000AD, mais d’autres rejoignent le marché avec énergie, proposant des histoires non conventionnelles, et créant des personnages crus et imprévisibles.


Quand Deadline Magazine a été publié pour la première fois en octobre 88, cela a fourni un débouché créatif pour les scénaristes et dessinateurs travaillant dans le milieu de la bande dessinée, et qui n’était pas intéressés par les histoires traditionnelles de super-héros ; ceux-ci étaient souvent expérimentaux ou influencés par la musique et le cinéma. Il s’agissait d’une nouvelle vague de créateurs de la pop culture comme Brendan McCarthy, Phillip Bond, Shaky Kane et Brett Ewins, émergeant à l’époque de la montée de la house music et de la rébellion croissante contre une décennie de domination conservatrice.

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Parmi ces artistes, figurent deux étudiants : Alan C. Martin et Jamie Hewlett, qui ont auparavant travaillé pour des fanzines aux cours de leurs scolarités. Leurs passions pour les médias de masse ont donné naissance à l’un des personnages les plus mémorables de Deadline : une nouvelle race d’anti-héroïne punk, Tank Girl.


Hewlett et Martin semblent s’éclater, nourrissant leurs propres goûts et passions d’enfants des seventies, tant cinématographiques que musicaux. Le duo nous concocte un monde rempli d’ivresse, de nibards et d’explosions. En effet, dès son introduction, Martin résume leurs obsessions collectives, celles-ci sont ensuite mélangées et dispersées à travers les pages de Tank Girl.


Les tanks viennent de leur obsession pour les films de guerre, la coiffure skinhead provient de plusieurs sources dont Love and Rockets (groupe de rock anglais formé dans les années 80), l’Australie post-apo est tirée de Mad Max [voir même de Crocodile Dundee] … Tank Girl est un cocktail passionnant de pop culture, bordé de cynisme et d’un humour tumultueux, le tout mélangé avec une dose de street art.


Dans cette édition intégrale disponible aux éditions Ankama, les histoires sont présentées dans l’ordre chronologie et nous commençons avec les premières histoires en noir et blanc. Celles-ci sont d’une irrévérence anarchique, étant principalement des intrigues indépendantes qui se développent avec assurance en même temps que l’évolution des personnages.


Une fois que nous avons rencontré notre héroïne à tête rasée, divers personnages sont présentés : Booga le kangourou mutant, Camp Koala, Stevie, Sub Girl et Jet Girl, chacun ajoutant un autre niveau de chaos, arborant une frange et aimant picoler.

L’accent est mis sur la grande, audacieuse et impétueuse Tank Girl, centre de tout ce chaos explosif.  Elle charme des chasseurs de primes ou des motards, vole la robe de chambre de Dieu ou se confronte à des esprits vengeurs autochtones, Rebecca Buck n’a peur de rien ! Elle entreprend des missions, livre un sac plein d’excréments au président australien (un certain M. Hogan) et libère une bière de qualité des mains de la mafia ! Tank Girl est un objet pop d’une rare énergie, dopé à la testostérone.

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Ensuite, l’action s’éloigne de l’Australie pour atterrir en Grande-Bretagne, les voyages deviennent plus surréalistes et fantastiques. Avec la colorisation éblouissante des cases, celles-ci prennent une aura psychédélique. Dans leurs représentations, il y a un plus grand sens de l’expérimentation, brisant parfois les conventions narratives, façonnées par des pensées plus décousues qui abandonnent presque l’histoire. Cette dernière met moins l’accent sur les scènes d’explosions et les conversations entre personnages, mais semble être obstinée par le sexe, la drogue et les expériences personnelles, surtout quand nous avons passé l’arc narratif de « Summer Love Sensation ».


Le sujet est également façonné par un grand nombre de héros de la pop culture tels que Jimi Hendrix, Starsky et Hutch (parodié dans l’arc « Askey et Hunch »), le show Hair Bear Bunch [de Hanna-Barbera] et Jack Kerouac (les deux apparaissant dans le dérangé road strip « Blue Helmet »). Même les deux créateurs eux-mêmes s’installent dans le monde de Tank Girl.??L’art de Hewlett a atteint au fil des années un statut de plus en plus emblématique surtout depuis son association avec Damon Albarn, s’occupant de l’art visuel du groupe Gorillaz (c’est également le bassiste studio du groupe). Alors que Martin a trouvé refuse dans les régions sauvages d’Argyll (Ecosse). Leurs talents individuels sont toujours solidement enracinés dans Tank Girl, une histoire d’amour hédoniste qui ne peut être facilement oubliée.


Pierre Sauveton


Tank Girl, l’intégrale disponible aux éditions Ankama.