Oserez-vous aller Dans L'antre Avec les Monstres ?

Guillermo del Toro est sûrement l’un des conteurs les plus imaginatifs de notre époque. En termes de visualisation de l’impossible, que ce soit pour donner vie à un fantôme troublant dans L’Echine du diable (2001) ou à un mécha géant dans Pacifc Rim (2013), l’esprit du mexicain ne connait pas de limite.  Sa capacité, non seulement à inventer des mondes et de fascinantes créatures et à les porter à l’écran, est phénoménale. Ce qui rend le personnage encore plus captivant. Mais que peut-il se passer dans sa tête ? Qu’est-ce qui le pousse à réaliser de tels films ? Pourquoi est-il fasciné par les monstres ? Pourquoi sommes-nous, en tant que public, si réceptif à son travail ?

Les réponses abondent dans le fantastique ouvrage « Dans l’antre avec les monstres » (paru aux éditions Huginn & Muninn et sorti cet été aux Etats-Unis et ce au même moment que l’exposition éponyme qui se déroule au Los Angeles County Museum). Pour les chanceux se rendant à la Cité des Anges dans les prochaines semaines, foncez découvrir cette fabuleuse exposition, pour les autres, ce livre vous donnera un merveilleux aperçu de l’esprit du metteur en scène mexicain et de ses influences.

« Dans l’antre avec les monstres » est rempli d’objets sélectionnés par Del Toro lui-même, composé de pages de son propre journal, d’une interview approfondie sur le personnage et de plusieurs commentaires de personnalités du monde artistique tels que Britt Salvesen, Jim Shedden, Paul Koudounaris, Keith McDonald, Roger Clark et Guy Davis. Cet ouvrage est une chronique anthropologique fascinante sur les monstres de l’Art dans l’histoire de l’humanité.

Dans l’avant-propos du livre, Del Toro explique sa fascination pour les monstres comme quelque chose de beaucoup plus significatif qu’un passe-temps : « A ce jour, les monstres demeurent ma vraie famille. Ce ne sont pas des effigies collectionnées pour le profit ou par manie de la complétion. A Bleak House (ou La Maison d’âpre-vent), je leur ai érigé un temple, dédié des autels de piété. En eux, je sers un pouvoir qui m’est supérieur – avec amour et abandon, un dévouement infaillible. »

L’amour de Del Toro pour le fantastique date de son plus jeune âge, stimulé par cette frustration de voir les adultes le regarder avec mépris en pensant que cet attachement au fantastique est stupide et enfantin, il utilisera celle-ci comme un découché vers la créativité dans le monde réel. Au fil des pages de « Dans l’antre avec les monstres », le dévouement du mexicain pour le fantastique et les monstres est bien transcrit. En effet, le livre commence par exposer une partie de la collection massive de Del Toro, accessoires, figurines, objets cinématographiques etc. en explorant la dichotomie entre une approche muséographique de ladite collection et l’accumulation personnelle de bizarreries. Del Toro préserve à la fois les beaux-arts tout en accumulant des totems bizarres ou étranges dont il attache une grande importance. Comme beaucoup, il se sent à l’aise lorsqu’il est entouré par ces « parias » de la société. Il y a, chez ces derniers, une dimension pathétique qui trouve écho en lui : « C’est comme s’ils me disaient : « Nous autres, monstres et bêtes de foire, nous t’accueillons parmi nous. » ». Il y a de la beauté dans les monstres, c’est évident, et ce livre nous renvoie à ces questions philosophiques nous conduisant vers une grande partie du travail de Guillermo del Toro.

out au long de cet ouvrage, une ribambelle de photographies de la propre collection de Del Toro nous est offert et offrent une vue rapprochée de ces objets singuliers acquis par le mexicain au fil des ans. Si vous avez déjà entendu parler de la « Bleak House » et êtes désireux d’arpenter ses sombres couloirs, parcourir ce livre est la meilleure chose à faire, car il donne un aperçu impressionnant de la Maison Hantée de Del Toro, des statues de H.P. Lovecraft et Ray Harryhausen, et beaucoup, beaucoup plus.

Cependant, la pièce maîtresse du livre est une entrevue passionnante avec Del Toro menée par Keith McDonald et Roger Clark. Le cinéaste touche à tout évoque comment la montée du numérique et des CGI a affecté son travail, la couleur dans ses films et même les campagnes de marketing des studios autour de ses films – comme il le souligne ici : « La commercialisation de Crimson Peak (2015) fut pure aberration : pour un film d’horreur, la campagne promotionnelle était très bonne – sauf qu’il ne s’agissait nullement d’horreur mais d’une aventure gothique mêlant romantisme et épouvante ! » Del Toro explique également que « la couleur est le composant symphonique et rythmique d’un long-métrage. […] Je doute avoir tourné d’autres films à codage couleur aussi scrupuleux que Pacific Rim et Crimson Peak. Voilà les exercices de contrôle les plus probants quant au spectre chromatique ». Et on apprend même qu’il « pourrait réaliser [sa version de] Pinocchio très prochainement » !

Del Toro est heureux de citer un vaste panel d’influences sur son travail, et plusieurs pages de « Dans l’antre avec les monstres » sont consacrées à l’innocence et l’enfance, à l’époque victorienne, à la magie et l’occultisme, le cinéma et la pop-culture, et bien sûr à Frankenstein et à l’horreur. En effet, de nombreuses pages évoquent le Frankenstein de Mary Shelley, qui est l’une des plus grandes inspirations de Guillermo del Toro, à la fois en tant que personne et en tant qu’artiste. Le récit de l’ennemi le plus formidable de l’Homme étant une création de l’Homme lui-même, est directement lié à une grande partie de l’œuvre du réalisateur mexicain.

Fondamentalement, si vous êtes un grand fan (comme nous) de Guillermo del Toro, et que vous voulez savoir ce qui le passionne, « Dans l’antre avec les monstres » est un must have. Même pour ceux qui ne sont pas très familiers avec son œuvre cinématographique, mais sont captivés par l’horreur et les monstres, la lecture de cet ouvrage est fascinante et un régal pour les yeux. Le paradis pour les geeks !

Dans l’antre avec les monstres est disponible aux éditions Huginn & Muninn.