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Café Zombo : une nouvelle aventure de Mickey

Il est bon de rappeler que nous sommes aussi bien les enfants de Frank Miller que de Walt Disney. 
Café Zombo : une nouvelle aventure de Mickey

La Pop-culuture est tentaculaire, elle ne se limite bien entendu pas qu’aux comics et au cinéma de McTiernan. Il est important de ne pas oublier qu’avant de lire les « Watchmen » nous n’étions que des gosses avec un « Super Picsou Géant » dans la main.  Si nous sommes habitués à l’extrême violence présente actuellement dans le 9ème art, il est bon de rappeler que nous sommes aussi bien les enfants de Frank Miller que de Walt Disney.


En 2015, Jacques Glénat arrive, avec beaucoup d’audace, à convaincre Disney de laisser l’éditeur français utiliser le personnage de Mickey dans de nouvelles aventures conçues par des artistes européens. En 2016, sortaient les trois premiers tomes d’une nouvelle collection : « Mickey Craziest Adventures » (Keramidias & Trondhiem), « Une mystérieuse mélodie » (Cosey) et « La jeunesse de Mickey » (Tebo). Si « Café Zombo », s’avère être la quatrième sortie de cette nouvelle odyssée, il n’aurait pas dû en être ainsi. Prévu initialement comme fer de lance de cette nouvelle collection, cet épisode dessiné par Régis Loisel aurait dû sortir avant les autres. C’était sans compter sur l’implication du dessinateur français, fan absolu de Mickey, à tel point que son perfectionnisme lui fit prendre plusieurs mois de retard.

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Si le nom de Loisel vous dit quelque choses, c’est sans doute parce qu’il est un de nos trésors nationaux. Il marque la BD francophone en dessinant dans les années 80, « La Quête de l’oiseau du temps », un conte fantastique indispensable; puis en proposant dans les années 90, une relecture géniale de l’oeuvre de James Matthew Barrie « Peter Pan ». Il aura fallu l’appel de Disney pour que Loisel retourne à ses crayons. « Café Zombo » nous fait revivre les conséquences de la crise de 29. Dans un petit village des Etats-Unis, Mickey et son ami Horace cherchent du travail, mais le sort semble s’acharner, malgré leurs efforts ils ne trouvent rien. Les deux compères décident donc d’aller passer des vacances avec Mini et Clarabelle chez leur ami Donald. 


A leur retour, leur ville a bien changée. Rock Fulleur, un promoteur véreux exproprie à tour de bras pour construire un Golf. Afin de s’assurer de la coopération totale des habitants, il leur propose un nouveau café les transformant en de véritables zombies.  En acceptant de travailler pour Disney, les auteurs français savaient qu’ils auraient à suivre toute une série de codes pour rester dans les clous. Si « Café Zombo » propose une ribambelle de gags « tarte à la crème », il n’en demeure pas moins que le sous-texte n’a rien d’enfantin. A la manière d’un Chaplin dans « Les temps modernes », Loisel se sert de l’humour pour dénoncer les dérives du capitalisme.

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A travers les effets de ce fameux « café », il est assez simple de déchiffrer une aliénation des « masses laborieuses » qui ne travaillent que pour engraisser un grand patron. Avec la « Grande dépression » comme toile de fond, c’est bel et bien une critique des marchés financiers et de ses dérives qui nous est servie. C’est en créant un tel sous-texte économique et social que cette nouvelle aventure prend de l’épaisseur. Formellement, il ne s’agit que d’une enquête mettant en scène des héros de « âge d’or », mais ici le public visé est résolument plus adulte. Celui-là même qui a grandi avec les anciennes aventures de la souris. On retrouve ainsi les personnages des débuts de la série avec un design presque à l’identique, mais sublimés par le dessin de Loisel. C’est cette fausse légèreté qui soulève des thèmes graves qui plaira, autant qu’elle éloignera.


Ce mariage franco-américain a tout pour séduire. « Café Zombo » est un récit rythmé et plein d’amour pour les strips de l’époque. Un respect qui se retrouve jusque dans le format « à l’italienne » utilisé ici. Loisel nous fait revivre les plus belles heures de Mickey quand il était entre les mains de Carl Barks et Floyd Gottfredson. Un bel hommage et une madeleine à savourer en toute quiétude.


Christophe BALME