Frank Miller et RoboCop 2
En 1987, Ed Neumier et Michael Miner écrivent une histoire folle sur un super-policier cyborg qui se prénomme RoboCop. La plupart des studios et des réalisateurs se moquent du scénario mais le metteur en scène néerlandais Paul Verhoeven, en pleine boEn 1987, Ed Neumier et Michael Miner écrivent une histoire folle sur un super-policier cyborg qui se prénomme RoboCop. La plupart des studios et des réalisateurs se moquent du scénario mais le metteur en scène néerlandais Paul Verhoeven, en pleine bourre après La Chair et le Sang, souhaite le réaliser (après avoir jeté le script à la poubelle, sa femme l’encourage à terminer sa lecture).
Verhoeven va ensuite concevoir un film incroyable sur la résurrection, les dangers que représentent les grandes firmes américaines, l’influence des médias et bien plus encore. Le film est un « succès surprise » et le studio détecte rapidement les possibilités d’une franchise. Mais le processus de rédaction d’un scénario pour le second film s’avère difficile, d’autant plus qu’une grève des scénaristes en 1988 va retarder le développement. Les studios reconnaissent « enfin » l’influence des comics de super-héros et décide d’engager le très populaire Frank Miller pour écrire RoboCop 2 (aux côtés de Walon Green).
Miller est devenu une légende dans l’industrie du comics en ayant transformé le personnage de seconde zone Daredevil de Marvel en un comics à succès. Mais ce qui a vraisemblablement attiré l’attention de Orion Pictures est le triomphal The Dark Knight Returns. Un best-seller qui a reçu une couverture médiatique sans précédent et attirant les pontes des studios. Frank Miller avait dans l’espoir de diriger RoboCop 2, mais ses talents de scénariste ont vite repris le dessus pour ses débuts cinématographique. Le scénariste américain va, dans un premier temps, analyser la première ébauche du script qui est « irréalisable » selon Orion Pictures. Miller rédige ensuite un premier jet du script, qui sera finalement utilisé dans l’épisode pilote de la série télévisée RoboCop en 1994.
Le scénario est jugé complexe et coûteux. Il est par la suite considérablement remanié, ce qui attriste l’auteur. Il décidera plus tard de sortir son script original en comics. La pré-production quant à elle est chaotique. Le poste est proposé à Tim Hunter, qui quitte finalement le projet pour des différends artistiques. Le projet est alors proposé à Nils Gaup, qui le refuse. Irvin Kershner (L’Empire contre-attaque) accepte finalement de réaliser RoboCop 2. Les vedettes du film, Peter Weller et Nancy Allen, sont mitigés à propos du film. Weller lui-même a exprimé une préférence pour le script original de Miller… Résultat : 46 M$ au box-office US pour un investissement à hauteur de 35M$ !
Heureusement, l’éditeur Avatar Press a été en mesure de retrouver le premier script de RoboCop 2 estampillé Frank Miller. Steven Grant, une connaissance de Frank Miller, aux côtés du talentueux artiste juan Jose Ryp et de Frank Miller, ont élaborés la vision originale de RoboCop 2 au format comics sous le nom de « Frank Miller’s RoboCop ».
A la lecture, la vision de Frank Miller pour RoboCop 2 s’avère aussi polarisante que la plupart de ses travaux après 1986. Miller peut alterner entre authenticité (Batman : Année Un, Daredevil : Born Again, Cet enfant de salaud) et lyrisme (300, The Dark Knight Returns, Martha Washington), mais il plonge parfois dans la satire (Elektra : Assassin, L’Enfer en retour, Le Grand carnage, All-Star Batman et Robin the Boy Wonder). RoboCop de Frank Miller est une diatribe acerbe et brutale sur la période dans laquelle Miller vivait.
Faisant suite au film original, l’histoire est encore plus en colère contre les corporations américaines et toute forme d’autorité. Dans le souvent négligé « Elektra : Assassin », Miller avait déjà moqué toute forme de domination avec une quantité sans précédent de violence gratuite et de personnages clichés. Le SHIELD a été utilisé comme synonyme de la CIA et leurs relations obscures pendant la Guerre Froide; l’antagoniste principal était un « ultime-libéral » fou qui a servi Satan; tandis que le président sortant était une parodie de Reagan à peine voilée qui menaçait constamment de pousser « le bouton ». Cette satire sociale grandiloquente et volontairement exagérée a été joyeusement appliquée par Miller sur sa version originale de RoboCop 2. Il y a une pléthore d’explosions, des parties du corps qui explosent en morceaux, et beaucoup de fan service, tout en étant une satire sociale des années 80.
Le monde de RoboCop a cerné toutes les peurs des années 80, la prise de pouvoir des entreprises, la montée de la criminalité, la Guerre Froide, et plus encore. Aux yeux de Miller, la plus grande menace pour notre culture est peut-être la justesse politique. Miller considérait l’exactitude politique comme une tentative intentionnelle de désinfecter notre société et masquer le fascisme avec tolérance. Avec la façade de l’idéologie sociale progressive vient un nouveau fascisme qui exige la conformité des standards que les riches imposent à 99%. Dans le comics, leur ambassadeur est la belle psychiatre Dr. Amanda Love. Ce seul nom absurde est un cadeau sur sa nature à être fourbe. Bien qu’elle souhaite prétendument freiner la violence, elle révèle, en privée, un grand désir d’imposer la conformité. Tout d’abord, elle déclare que le candidat idéal pour le projet « RoboCop 2 » de l’OCP n’est pas un flic indépendant, mais un sociopathe qui sera en mesure d’obéir aux ordres fournis par l’Omni cartel des produits. Cette notion de conformité et de contrôle est appliquée non seulement au cyborg « RoboCop », au sens propre, mais aussi à la police de remplacement, les anciens assassins qui sont de véritables « robots » et qui font tout simplement ce qu’on leur demande.
Miller commence son histoire en plaçant RoboCop comme étant le plus grand défenseur de Détroit contre les méchants. Murphy est identifié comme étant un être spécial seulement parce qu’il a réussi à se « transformer en cyborg » (toutes les autres tentatives ont mené les cyborgs au suicide). Le lien de Murphy à son humanité et son action à protéger la population commencent à devenir gênante pour l’OCP. Murphy refusant d’imposer des lois injustes aux habitants de la Motor City. La torture sur Murphy effectuée par le Dr. Love est peut-être la représentation la plus viscérale d’une tentative de déshumanisation. Malgré le supplice, Murphy refuse toujours d’accepter la tentative de l’OCP de le contrôler. Le Dr. Love se moque incroyablement de cet attachement à l’humanité : « Enlevez le plastique et les fils et vous êtes juste quelques gros morceaux sur la table du médecin légiste. Vous n’êtes même pas un cadavre. » Les séquences de torture rappellent celles du roman « 1984 » de George Orwell, qui a représenté le principal protagoniste Winston Smith, en une victime incrédule et innocente d'une machination politique. Ces scènes contribuent à démontrer les craintes croissantes de Miller à propos des grandes entreprises américaines, essayant de dépouiller les individus de leur humanité, pour que nous devenions des outils des établissements corrompus.
Cependant, l’histoire de Miller n’est pas complétement pessimiste. En effet, le livre est parfois très drôle, avec son lot de gags, il évoque avec mordant la pollution, les médias d’informations ou encore la publicité. L’action est très excitante et bien qu’il y ait quelques éléments du scénario quelque peu confus au milieu de l’intrigue, Miller ajoute suffisamment de sérieux dans le final pour que cette vision de RoboCop nous satisfasse. Comme avec The Dark Knight Returns, et une grande partie du travail de Miller, ce dernier suggère que le pouvoir réside dans le peuple et que le changement contre une société corrompue peut effectivement se produire. A la fin, RoboCop et Détroit ont ruiné l’OCP. Bien que cette dernière ne soit pas morte, la population a triomphé et RoboCop a prouvé qu’il lui restait une once d’humanité tandis que ses ennemis restaient eux, les « vrais robots ».
Pierre Sauveton