Club VHS : Road House
Road House (Rowdy Herrington , 1989) Par Aubry SalmonPhilo, blues et coups de boule…
Road House, aussi connu sous le nom de Bar Routier sur la TNT ou au Canada, est probablement ce que l'on appelle un classique. Plus que Dirty Dancing ou Ghost, c'est la principale raison pour laquelle les hommes de bon goût – sont bien sûr exclus de ce groupe les surfeurs – vénèrent le beau et fort Patrick Swayze, Dieu ait son âme. Joel Silver oblige, l'intrigue est plutôt simple : Dalton (Swayze) est le numéro uno des videurs de boîte de nuit. Maître de lui-même et plutôt beau gosse, il est du genre à ne pas se laisser marcher sur les santiags ! Un beau jour, un patron de nightclub dans le besoin (Kevin Tighe, le père du philosophe chauve amateur de couteaux dans Lost) vient le trouver pour le débaucher à prix d'or.
Ni une ni deux, Dalton débarque illico à Jasper, Missouri, pour faire le ménage au Double Deuce, boîte mal famée du coin. Là, avec sagesse et fermeté, il va prodiguer au personnel de l'établissement un enseignement que Socrate lui-même – le philosophe, pas le footballeur – n'aurait pas renié. Car vous l'aurez compris, comme tout héros bourrin des 80's, notre ami a un background, un trauma qui à lui tout seul explique son être et justifie sa présence dans ce lieu précis, à ce moment donné. Souvent, dans les productions Silver mais aussi chez ses collègues, cet évènement n'est autre que la guerre du Viêt Nam : John Matrix, Martin Riggs et Dutch y ont tous survécu et en sont revenus plus forts ou plus fous. Pour Dalton, le trauma est tout autre : il a étudié la PHILOSOPHIE. Tout s'explique, voilà pourquoi ce mec est peu loquace, méfiant face aux turpitudes du monde qui l'entoure. Il pense, bordel ! Armé de son savoir et de sa grande maîtrise des arts martiaux – ça peut aider aussi ! – Dalton va donc corriger les gros bouseux du village et apporter un peu de savoir-vivre au Double Deuce. Pour cela, il pourra compter sur l'aide de son mentor, interprété par Sam Elliott (célèbre moustachu vu dans Blue jean cop ou Big Lebowski), et de la belle médecin du patelin, jouée par Kelly Lynch (vue plus récemment en mère du héros dans le dingo Kaboom), dont il ravira le cœur – ce qui donnera lieu à une scène d'amour d'anthologie. Aide qui sera d'autant plus bienvenue que le méchant de l'histoire n'est pas campé ici par un inconnu, mais par feu Ben Gazzara, acteur fétiche de Cassavetes mondialement connu pour son interprétation du producteur Jackie Treehorn dans... Big Lebowski – je doute que ce soit un hasard. Gazzara joue ici un notable tout puissant, fin amateur de taxidermie, qui contrôle la ville d'une main de fer et n'hésite jamais longtemps à envoyer ses hommes de main semer la panique au Double Deuce ou ailleurs, au volant de leur rutilant monster truck.
Sans compter qu'un autre contentieux nourrit la colère qu'il éprouve à l'égard de Dalton : il fut jadis l'amant de la belle médecin ! Amour, violence et trahison, tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce western contemporain une tragédie moderne sur fond de blues – la musique de la souffrance – porté par un Patrick Swayze iconique lorsqu'il revêt sa soyeuse chemise-kimono ou pratique le tai-chi à la manière d'un Van Damme à la même époque. Les répliques cultes fusent, les coups de pied dans la gueule aussi. Les femmes sont généreuses et leur poitrine opulente. Pourtant à la fin, sous les muscles tendus et le visage en sueur du héros, on devine une blessure tenace que naguère la lecture des philosophes ne sut guérir, mais qu'aujourd'hui peut-être l'amour retrouvé saura apaiser...
Road House (Rowdy Herrington , 1989)
Par Aubry Salmon