Club VHS : The Hills Have Eyes
The Hills Have Eyes ( 2006 – Alexandre Aja) Par Cle?ment ArbrunUne caravane, symbole de liberté. En plein désert américain, paumé, aride, de ces territoires autrefois foulés du pied par quelques garçons vachers. La nuit est tombée... Et l'horreur avec. Viols, pater familias transformé en martyr carbonisé, persécuteurs monstrueux, chaos et dégueulasserie. En une scène d'une dizaine de minutes tout au plus, on retrouve l'envers de la pellicule, sa poisse, sa sueur, son odeur aigre qui donne envie de gerber. « Retrouver » est le bon terme : cette atmosphère suffocante, on l'a déjà ressentie. À ce titre, le cinéma d'Alexandre Aja n'est pas bêtement référentiel : il prend la forme d'un souvenir ému de cinéphile, souhaitant modestement perpétuer ses cauchemars inconscients de spectateur devenu cinéaste.
Tout au long de ce long métrage, on ne pense ainsi pas tant au film originel de Wes Craven, qu'à l'époque qu'il symbolise : les années Orange mécanique. Ce binoclard ensanglanté s'accomplissant au-delà de nos espérances, c'est le Dustin Hoffman des Chiens de paille. Cette communauté, unie dans l'immondice et reflet déformé d'un american way of life (avec toutou et compagnie) parasité, c'est celle de Massacre à la tronçonneuse. Cette soif de radicalité questionnant notre plaisir spectatoriel face au traitement de la violence, elle était déjà bien là, dans cette Dernière maison sur la gauche. De Haute Tension au remake de Maniac qu'il a co-scénarisé et produit, le cinéma d'Aja est proche du fantasme. Les désirs mis en images, ce ne sont pas seulement ces chocs réguliers entre sexualité et barbarie (cristallisés par cette scène de Haute Tension, où Cécile de France se masturbe avant le carnage), telles ces nymphes époumonées déchiquetées dans Piranhas 3D... Mais ce sont également les ambitions passionnées d'un artisan du genre. Celui-là même qui, dans la peau d'un double de cinéma, achève un rejeton du nucléaire en lui plantant un drapeau américain en pleine tronche. Par cette seule image, Aja rend hommage aux déviances d'un cinéma de l'Amérique défigurée (voir l'ironique générique d'ouverture), tout en imposant sa gestuelle, son style implacable à l'Oncle Sam. Aja qui modernise Craven, c'est le frenchie qui se paie un survival au sein de contrées lointaines, si éloignées du pays du père Arcady (pas étonnant que le film traite également de l'affranchissement du fils), bataillant dans ce Hollywood hostile. De la même façon dont Willis, acteur sublimé par McTiernan, a repéré Florent-Emilio Siri suite à Nid de Guêpes, il était naturel que le jeune érudit (se décrivant comme « un enfant de Freddy ») et l'un des grands noms du shocker finissent par se rencontrer, d'une manière ou d'une autre. Pas question, cela étant dit, de refaire le même film : Aja a vécu personnellement l'american dream, et le film tel quel... C'est-à-dire en captant un Ouest de carte postale au ciel bleu infini, masquant difficilement une terre de l'hécatombe où chaque étranger est broyé. Il vaut mieux s'y rendre flingue au poing. Et le spectacle, furieux, asséné à coups de hache, n'en est que plus beau. Le voyage se termine, là, sur un générique rouge sang... couleur du california dreamin'.