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Club VHS : The Fly

The Fly (La Mouche – David Cronenberg – 1986) Par Boris Biron
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Le synopsis de La Mouche pourrait tenir sur un post-it. Et pour cause, c'est un remake de l'adaptation (La Mouche noire, film de série B assez connu de 1958) d'une nouvelle de George Langelaan. L'idée de base est ainsi conservée – un scientifique, en se téléportant avec une mouche, finit par fusionner avec elle –, mais tout le reste change pour devenir un véritable film de Cronenberg. Nous sommes face à un film qui, avec une base de science-fiction, part sur un pur cinéma fantastique. Pourtant, derrière toutes ces facettes, c'est une romance dramatique qui nous est racontée : c'est surtout un film sur le couple et sa fragilité face à l'inéluctable dépérissement de la chair. Ce message subliminal nous est amené tout au long du film.

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D'un dynamisme rare, le film, d'environ 1h30, est découpé à la manière d'une pièce de théâtre, en trois actes d'égale durée. La première partie ressemble à s'y méprendre à une comédie romantique, où un scientifique asocial rencontre une journaliste un poil moins candide que lui. Le second tiers irait presque lorgner vers l'origin story de super-héros, avec la découverte des pouvoirs du personnage Seth Brundle, de la jubilation d'être un surhomme à la peur de perdre son humanité. Enfin, le dernier acte développe chez nous une curiosité malsaine : on anticipe la créature immonde que va devenir le personnage joué par Goldblum qui se dégénère sous nos yeux horrifiés. Tout ce travail d'imagination sur les horreurs à venir, de déformation de chair qu'il subirait, que l'on développe seul, contribue grandement à nous faire redouter les événements futurs et les rend d'autant plus effrayants. Il faut dire que pour un film qui a bientôt trente ans, les SFX sont particulièrement impressionnants. Chris Walas et Stephan Dupuis seront oscarisés pour le maquillage qui nécessitait jusqu'à cinq heures quotidiennes pour Jeff Goldblum, à l'apogée de sa transformation en aberration vivante. Le film réussit à être gore sans devenir gratuit, toujours au service du récit. Des images peu ragoûtantes vous hanteront longtemps après le visionnage, un brin éprouvant.

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Des thèmes passionnants sont abordés : le transhumanisme, le rapport à la chair, le dépérissement, l'obsession, l'essence d'un être humain. Seth va ainsi se battre tout le film pour garder son humanité, après l’avoir crue dépassée. Le fait qu'il paie très cher l'une des rares fois où il cède à ses passions amène une morale amère, mais jamais cynique. Jeff Goldblum est impressionnant de justesse. Il n'a pas encore les gimmicks qu'on lui reproche aujourd'hui. Il semble incroyablement crédible dans son rôle de génie un peu déconnecté, mais toujours humain. Le passage de l'enthousiasme à la colère, de la colère à la peur, puis au désespoir face à sa propre impuissance sonne terriblement juste. Son couple avec Geena Davis également, et pour cause : ils étaient en couple dans la vie à ce moment-là. On peut même noter l'apparition de Cronenberg dans un rôle secondaire certes, mais intéressant, qui amène un thème peu abordé à l'époque : l'avortement.


Le compositeur Howard Shore signe ici son quatrième score pour Cronenberg. Et quelle composition ! Tantôt apaisante, tantôt inquiétante, elle contribue énormément à l'ambiance du film. Jamais redondante, elle sert de bout en bout le rythme diabolique du film. On comprend mieux que Shore soit le chouchou du réalisateur – à l'exception de Deadzone, il a réalisé toutes ses B.O. Shore sera ensuite oscarisé pour les thèmes inoubliables du Seigneur des anneaux de Peter Jackson.

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Une suite sortira, sans Cronenberg, ni Goldblum, ni Geena Davis, ni succès. Une adaptation en comédie musicale de Cronenberg et Shore verra le jour sans convaincre davantage. Pour poursuivre dans le même registre, votre serviteur vous recommandera plutôt la nouvelle L'Excursion de Stephen King, racontant elle aussi une téléportation qui tourne mal... À regarder un samedi soir pour se faire peur, pour voir un David Cronenberg au top. Attention cependant : il n'est pas recommandé de manger du pop-corn devant ce film...



The Fly (La Mouche – David Cronenberg – 1986)


Par Boris Biron