Created by Richard Schumannfrom the Noun Projecteclair_rocky
Design, Article & Cream
superstylo

Club VHS : Hercules

Hercules (Les Aventures d’Hercule – 1983 - Lewis Coates, alias Luigi Cozzi) Par Julien Dupuy
Club VHS : Hercules

Il y a les bricoleurs de génie, ceux qui vous confectionnent une magnifique commode à l’aide d’un vieux cageot et de trois vis rouillées. Et il y a les maladroits patentés qui vous livrent péniblement des objets brinquebalants, les doigts constellés d’ecchymoses. Hercule est l’œuvre d’un de ces artisans gauches et ce film est à Ray Harryhausen ce que le mulet est à la coupe de cheveux : un objet parfaitement éloquent de la décadence des années 1980.


Et quand on parle de décadence eighties, l’Italie, qui fut pourtant l’un des royaumes du péplum (et pour cause !) se pose là. Produit n’importe comment par ces escrocs légendaires que furent Menahem Golan et Yoram Globus et porté par un Lou Ferrigno engoncé dans un corps bouffi de stéroïdes, cette relecture disco-SF de l’une des plus grandes figures de la mythologie gréco-latine est un objet filmique improbable. On le doit au sympathique Luigi Cozzi, un ancien assistant de Dario Argento qui sévit de la fin des années 70 jusqu’au milieu des années 80 sous le pseudonyme anglo-saxon de Lewis Coates, et relégué aujourd’hui au rang de tenancier de la boutique romaine poussiéreuse Profondo Rosso Store. 


Avant de se recycler dans le commerce, Cozzi livrait avec Hercule un film à la fois putassier et porté par une passion d’une indéfectible candeur. Dans cette mise à jour du mythe millénaire, Hercule met en pièces quelques robots ridicules (des marionnettes en stop motion arthritique), croise des déesses vulgaires, boudinées dans maillots de bain fluos, explore des contrées merveilleuses se réduisant à deux caves à champignons et une forêt pelée, et affronte des despotes grimaçants et cabotins. Avec pour seul vêtement une jupette coupée ras-les-couilles, le brave Ferrigno démontre tout au long du film son incapacité clinique à simuler la moindre émotion, affichant le même regard bovin qu’il arrache un tronc d’arbre en polystyrène, qu’il découvre la trahison d’un proche, ou qu’il se fasse caresser langoureusement les abdos par la sculpturale Sybil Danning. 


Bref, à n’en pas douter, Hercule s’est hissé sur l’épaule de géants, mais c’était pour mieux se viander dans les grandes largeurs. Il se dégage pourtant de ce qui reste, indubitablement, une grosse série Z, quelque chose d’éminemment sympathique. Car si l’on ne se risquera pas à qualifier Cozzi d’artisan talentueux, on se doit de lui reconnaître un vrai sens de l’humour (il présente son héros en le transformant en bête de trait !) et une étonnante prédisposition au surréalisme. L’espace interstellaire de Cozzi ressemble ainsi à une boîte de nuit, avec des météorites éclairées en rouge flashy et des étoiles scintillant de toutes les couleurs. Et l’un des exploits de son demi-dieu consiste à relier par une corde un char à une grosse pierre : en lançant la pierre de toutes ses forces, Hercule parvient à propulser le véhicule vers les étoiles. Isaac Newton aurait apprécié. Tout ça pour dire que, malgré sa laideur et un indéniable opportunisme, Hercule a quelque chose de l’œuvre poétique bis.


Hercule (Les Aventures d’Hercule – 1983 - Lewis Coates, alias Luigi Cozzi)


Par Julien Dupuy