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Club VHS : Jason Lives

Jason Lives (Jason le mort-vivant – 1986 – Tom McLoughlin) Par Clément Arbrun
Club VHS : Jason Lives

C.J. Graham, ex-GI et interprète de Jason dans ce sixième opus, l’a déclaré : « jouer Jason, c’est un peu comme enfiler une tenue de base-ball et devenir batteur lors de la finale de la coupe du monde ». En plein milieu des années 80, la bête est adulée par les teenagers, ceux-là même dont on ne souhaite que la mort brutale. Jason Lives est LA consécration. Dès les premières minutes, un zoom progressif nous plonge dans le regard du monstre, note d’intention explicite : vous serez aux premières loges, aux côtés de celui qui tranche les trognes. 


Père Fouettard, Voorhes arrache un bras, fracasse une tronche sur un arbre où demeure comme trace du méfait un smiley ensanglanté, plie avec une aisance déconcertante le corps d’un homme en deux, quand il ne s’amuse pas à retapisser les murs d’une baraque des lambeaux de chair d’une pauvre donzelle qui n’a rien demandé… Il infiltre le slasher des 80’s lors, par exemple, de cette scène où un couple fornique furieusement au rythme d’un morceau galvanisant qui aurait sa place dans Flashdance. Bien avant le néo-slasher post-moderne, il parasite la culture populaire pour mieux s’y inviter. 

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Le générique d’ouverture est ainsi un pastiche de James Bond, où le tueur du vendredi s’empare des connaissances du public pour pénétrer dans la conscience de ce dernier. Il fait désormais partie de notre imaginaire, du bestiaire quasi-mythologique des croque-mitaines contemporains. Une séquence significative met en scène un couple en voiture, faisant face à Jason, et déblatérant sur les clichés du genre afin de trouver une solution pour fuir le revenant. À travers cette blague s’esquisse un but réel : l’assassin de films d’horreur n’a ici d’autre choix que de perdurer. Son aura parle pour lui. 


Dès les premières minutes, en se jouant de nos souvenirs passés (de la parodie d’un cinéma ultra-connu à la reprise d’éléments issus des précédents Vendredi 13), Jason est en vie. Et le slasher movie n’a jamais été aussi primitif. C’est là la qualité première d’un Vendredi 13 : l’intensité de la catharsis, la joie du ciné pop-corn, la VHS du samedi soir, la succession de trépas tenant parfois du cartoon, où l’érection du cinéphile provient du spectacle primaire des sens, entre jeunes filles en fleur dévêtues et coups de lame assénés avec une gratuité totale. Jason n’emballe pas la jolie poupée aux beaux nénés : il la tue sauvagement. Voilà ce que veut le public : de la nudité et des orgies de violence, comme au bon vieux temps des gladiateurs. Pour reprendre les termes d’une des victimes du film, qui pensait percevoir dans les cris de sa copine mourante un orgasme (on ne peut pas faire plus éloquent) : « Quelle éclate ! C’est vraiment trop, de s’éclater comme ça ! ». 


Mais Jason, parangon du fun and fears, c’est aussi un damné magnifique, qui ne peut vivre et crever qu'au même endroit, car sans cet endroit il ne serait rien. On parlerait volontiers d’existentialisme, d’autant plus qu'un gamin, dans Jason Lives, lit… Jean-Paul Sartre. Condamné à la résurrection, Voorhes renvoie au titre de l’ouvrage du philosophe français : No exit (Huis clos en français). Les mythes sont éternels, à la lumière de la lune, au coin du feu, là-bas, à Crystal Lake. 


Jason Lives (Jason le mort-vivant – 1986 – Tom McLoughlin)


Par Clément Arbrun