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Club VHS : Bubba Ho-Tep

Bubba Ho-Tep (2002 – Don Coscarelli) Par Aurélien Noyer
Club VHS : Bubba Ho-Tep

De nos jours, dans un hospice miteux, un Elvis Presley grabataire qui a survécu aux 70’s en se faisant remplacer par un sosie et un vieux pensionnaire noir prétendant être JFK affrontent une momie égyptienne qui tue les autres pensionnaires en aspirant leur âme par le fondement.


Sur la base de ce pitch, adapté d'une nouvelle de Joe Lansdale, les spectateurs les plus cyniques auraient pu s'attendre à une grosse série Z qui tâche, ou pire – à un de ces abominables nanars volontaires pas drôles à la Sharknado. S'ils s'attendaient à passer une heure et demie à se gausser du film, ils en ont été pour leurs frais.


Bubba Ho-Tep est une vraie, une bonne, une grande série B, dans ce que ce terme peut désigner de meilleur. Dès le début, Don Coscarelli s'empare de son sujet sans la moindre once de condescendance ou d'ironie. Par la grâce d'un flash-back à la coolitude incontestable, Coscarelli pose son Elvis : un Elvis vieux, aigri, impotent, obsédé par une grosseur gênante sur la bite, mais un Elvis qui reste toujours le King. Interprété par un Bruce Campbell en état de grâce (jamais le comédien fétiche de Sam Raimi n'aura joué aussi finement), Elvis donne le ton du film, entre grandeur et déchéance, glorieux et pathétique, humour et émotion.

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Tout repose sur cette ambivalence. Des principaux protagonistes jusqu'aux décors, chaque élément renvoie à la décrépitude tragique d'un passé révolu. L’hospice où Elvis et JFK affrontent la momie se trouve dans le même état de délabrement que ces trois personnages. C'est à cela qu'on se rend compte que si l'idée de base du film peut paraître farfelue, elle s'avère parfaitement cohérente. En mettant en scène une momie en état de décomposition avancée, dont la démarche cahotante fait directement écho à celle d'un Elvis qui peine à se déplacer sans déambulateur, il oppose les deux figures comme des reflets. 


En confrontant Elvis – roi du rock'n'roll, adepte des tenues kitsch et des spectacles pharaoniques, premier ressuscité du rock grâce à son célèbre 68 Comeback Special télévisé – à une momie, Coscarelli interroge l'état actuel de la mythologie pop.


Pourquoi les figures mythiques d'Elvis et de JFK, morts depuis longtemps, reviennent-elles hanter notre imaginaire ? Y compris sous la forme d’un Elvis impotent, même sous les traits d'un JFK paralysé. On en viendrait à croire que les années 50 et 60 avaient trouvé, à l'instar des embaumeurs égyptiens, le secret qui permet encore à Elvis et à JFK de revenir encore et toujours à la vie.

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Qu'on ne s'y trompe pas, cependant ! Si le film offre bel et bien ces pistes de réflexion, ce n'est jamais au détriment d'un plaisir immédiat. Coscarelli ne se sert pas de son sujet pour livrer une réflexion théorique sur la pop culture. À l'instar des grands artisans de la série B, il n'oublie pas de proposer une œuvre éminemment fun, véritable déclaration d'amour à ses personnages et, à travers eux, à un pan immense de la culture populaire.


Alors si vous êtes, comme nous chez Rockyrama, du genre à aimer pérorer en fin de soirée sur la mort du rock, sur les icônes de la pop, sur la symbolique des films de monstres, prévoyez un autre pack de bières pour après le film. La nuit va être longue !


Bubba Ho-Tep (2002 – Don Coscarelli)


Par Aurélien Noyer