Double Team, Tsui Hark, 1997 : série B kamikaze
À l'instar de Chasse à l'homme et de Risque maximum, Double Team fait partie de ces van dammeries ultra-régressives dirigées par des génies de la mise en scène
Des moines pirates informatiques menés par une star mondiale du basketball, JCVD affublé d'une moumoute afro, une île secrète pour gros bras tout droit sortie de la série télé Le Prisonnier, une course-poursuite en Fiat 500, un distributeur de coca-cola employé comme bouclier face aux flammes, une leçon d'arts martiaux entreprise en compagnie de quelques tigres féroces lâchés dans les arènes du Colisée... On pourrait lister les incongruités de Double Team comme on le ferait des strophes d'un poème surréaliste.
Par Clément Arbrun.
À l'instar de Chasse à l'homme (John Woo, 1993) et de Risque maximum (Ringo Lam, 1996), Double team fait partie de ces van dammeries ultra-régressives dirigées par des génies de la mise en scène, esprits libres volontiers écrasés par l'omniprésence du prodige belge durant le processus créatif. Pour sa première excursion outre-Atlantique, Tsui Hark doit non seulement se fader cette personnalité flamboyante, mais également le « bulls » excentrique Dennis Rodman (plus convaincant sur le terrain) et l'inénarrable has been Mickey Rourke, bien loin de son Année du dragon oscarisable. Surprise, cette grosse fatigue professionnelle s'éprouve à même la pellicule. En deux mots, le réalisateur d'Il était une fois en Chine délivre une mise en images expérimentale – prodigieuse diraient certains, illisible diraient d'autres – qui donne l'impression de mater une série B dans une machine à laver.
Trente millions de dollars ont été investis dans cette folie. Finalement, peu de louanges récoltées, mais une poignée de nominations aux Razzie Awards dont celle (la plus drôle) de « pire couple à l'écran » décernée au duo de choc JCVD/Dennis Rodman. Si ces Oscars du nanar ont rarement le nez creux, dézinguant volontiers Paul Verhoeven et Brian De Palma, difficile de leur donner tort dans le cas présent. On pourrait longtemps s’appesantir sur les absurdités de Double Team, or c'est là la plus grande prouesse de ce projet artistique quasiment kamikaze : délivrer une œuvre si ridicule qu'elle exclut d'office toute tentative de parodie. Ce dont témoigne cet instant de bravoure opposant Jean-Claude à un assaillant... dont les pieds sont armés de couteaux. Comme au cirque, on ne sait plus s'il faut rire ou applaudir.
Si les VHS usées de Full Contact, Universal Soldier et autres Street Fighter encombrent amoureusement les étagères de notre vidéoclub, peu de concurrents parviennent à égaler ce niveau de non-sens. Seulement voilà, entre la fascination ressentie face à l'exploitation jusqu'au point de non-retour d'un sous-genre – la van damme-ploitation – et la douloureuse sensation d'affront qu'éprouvent légitimement les fans de Zu, les guerriers de la montagne magique et The Blade, amour et haine s'enlacent volontiers quand il s'agit d'évoquer Double impact. Tant d'émotions contradictoires, alors que ne devrait subsister qu'une seule question, celle qui importe vraiment : Piège à Hong Kong est-il plus dingue que ce truc ? Libre aux âmes vaillantes d'aller vérifier sur place.