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Les Posters du Simpson Horror Show

Teasers qui claquent, les affiches promotionnelles des épisodes d’Halloween des Simpson sont des œuvres d’art à part entière et de véritables odes au cinéma d’horreur.
Les Posters du Simpson Horror Show

Chaque année, c’est une tradition, quasiment une messe : au mois d’octobre surviennent sur les sites de pop culture états-uniens les premières images du tant attendu nouvel épisode d’Halloween des Simpson. « Treehouse of Horror », pour les puristes, « Simpson Horror Show » pour les francophones – oui oui, « Simpson Horror Show » est bel et bien un titre français. De quoi exciter bien des fans. Il faut dire que le « Simpson Horror Show » est, depuis son premier épisode diffusé le 25 octobre 1990, une vaste cour de récréation où sont permises toutes les transgressions ; aubaine bienvenue dans une série qui, depuis quelques saisons, confond trop volontiers audaces et incohérences scénaristiques. Et pour teaser, la série décoche évidemment quelques spots télévisuels, bandes-annonces limpides le plus souvent accompagnées d’un jingle aux faux airs du Thriller de Michael Jackson (c’est troublant). Mais elle fait également la part belle à de splendides posters moins conventionnels. Des visuels promotionnels dignes des meilleures affiches de cinéma : tout en promettant un spectacle épique – parfois bien plus que l’épisode concerné –, elles synthétisent par leur composition détaillée les motifs centraux des petites histoires qui nous seront racontées. Rappelons-le, chaque « Simpson Horror Show » compile plusieurs segments, à l’image des films à sketchs horrifiques qui ont marqué le cinéma de genre, du classique Creepshow de George A. Romero au plus contemporain Trick ‘r Treat en passant par le somptueux Les Trois Visages de la peur de Mario Bava. Le but de ces affiches macabres est de nous présenter le nouveau « Simpson Horror Show », programme-rituel annuel, mais aussi de se jouer d’une connivence évidente avec le public, en lui laissant deviner la nature des diverses œuvres parodiées.

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Contemplez donc celle, flamboyante, du trente-deuxième épisode d’Halloween pour vous convaincre de l’efficacité de cette recette. Autour du visage stupéfait de Lisa, éclairé à grands coups de bougies et sidéré par on ne sait quoi, gravite une myriade d’éléments morbides : montagnes de cadavres, têtes décapitées aux langues pendantes, ectoplasme perturbateur, aberrations carnassières et autres esprits furibards tout droit sortis d’un yurei eiga – les films de fantômes japonais. La référence culturelle explicite (au film Ring notamment), l’atmosphère surnaturelle désuète à la Edgar Allan Poe, le gore démesuré hérité des spectacles sanguinolents du Grand-Guignol... Toute la sève savoureuse des « cabanes de l’horreur » est là, entre le pastiche et l’ambiance gothico-cartoon. Belle mise en bouche pour ce trente-deuxième épisode foisonnant, où cohabitent pêle-mêle La Petite Boutique des horreurs et Les Griffes de la nuit, le Parasite de Bong Joon-ho et... l’application TikTok.

Depuis le premier « Simpson Horror Show », scénarisé par certains des plus grands noms de la série (John Swartzwelder, Sam Simon), ces specials ont invoqué les meilleures influences : la littérature de Poe (Le Corbeau), Mary Shelley, H.G. Wells, Lovecraft et Stephen King, les films de science-fiction et d’insectes géants des années cinquante, les monstres d’Universal, le cinéma d’Alfred Hitchcock, Stanley Kubrick, Wes Craven, David Cronenberg, les kaiju eiga[1], les slashers... Les affiches, par l’abondance de leurs détails, rendent compte de la richesse de ce bestiaire. Cela s’observe sur l’affiche du « Treehouse of Horror XXVI » diffusé le 25 octobre 2015 (le fameux épisode où Tahiti Bob parvient enfin à se débarrasser de Bart Simpson), où dans un joyeux éclatement de perspectives se côtoient magie, planètes, comètes de films catastrophes, table d’opération à la Re-Animator, Godzilla vintage, déchet radioactif visqueux comme un blob… De leurs éclats morbides à leurs clins d’œil cinéphiles, ces épisodes sont too much, et leurs affiches en témoignent.

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Si l’état d’esprit est celui de la série animée, l’identité graphique si singulière de ces affiches renvoie plus ouvertement aux comic books Treehouse of Horror, édités depuis 1995 par la maison d’édition Bongo Comics – Bongo étant le nom de l’un des lapins facétieux de Life in Hell, la bande dessinée et première œuvre à succès de Matt Groening. Les couvertures grandiloquentes de ces comics, notamment celles qui bénéficient du talent du dessinateur Bill Morrison, semblent elles-mêmes poursuivre la tradition des fascicules horrifiques comme The Vault of Horror et Tales From the Crypt, éditées par EC Comics dans les années cinquante. Revenants, meurtres et hurlements de terreur y étaient légion. Les comics Treehouse of Horror, dont certains ont été édités en France sous le nom de Cabane de l’horreur (chez Panini Comics), détournent quant à eux sur leurs couvertures spectaculaires des classiques comme Zombie, Frankenstein, L’Attaque de la femme de 50 pieds, Mars Attacks! ou encore SOS Fantômes (avec Homer en Bibendum Chamallow), au fil de numéros regroupant d’excellents auteurs (Sergio Aragones, Paul Dini, Garth Ennis, Ty Templeton).

Bref, les cabanes sont généreuses pour qui raffole des hommages aux plus sinistres œuvres de notre imaginaire collectif. Il n’est pas simplement question d’invoquer mille et un pastiches, comme sur les visuels marketing de la défunte saga Scary Movie, non, mais de rappeler à quel point cette culture fédère par sa richesse graphique, ses images aussi repoussantes que fascinantes. Cela, Guillermo Del Toro l’avait bien compris en réunissant dans son introduction du vingt-quatrième « Simpson Horror Show » les effets spéciaux de Ray Harryhausen, des zombies, Phantom of the Paradise, Alien et Alfred Hitchcock. La philosophie de ces specials et de leurs affiches repose précisément sur cette idée de vaste foire aux monstres. Une festivité joyeuse et lugubre où l’on s’invite avec entrain, que l’on vénère les romans Chair de Poule, le body horror ou les films King Kong.


Par Clément Arbrun