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Evil Dead Rise : rencontre avec le réalisateur Lee Cronin

De passage au NIFFF (Neuchâtel International Fantastic Film Festival), Lee Cronin est revenu sur la genèse et la production de ce cinquième opus qui sort ce 19 août sur support physique…
Evil Dead Rise : rencontre avec le réalisateur Lee Cronin

Révélé en 2019 avec The Only Child : L’Enfant unique (The Hole in The Ground en V.O.), le cinéaste irlandais Lee Cronin plonge dans le grand bain hollywoodien avec Evil Dead Rise, nouvelle itération de la célèbre franchise horrifique amorcée en 1981 par Sam Raimi, Rob Tapert et Bruce Campbell. Sorti en avril dernier, Evil Dead Rise compte parmi les longs-métrages les plus rentables de 2023 (146 millions de dollars de recettes pour un budget de 19 millions) et confirme la popularité des « Deadites » auprès du public. De passage au NIFFF (Neuchâtel International Fantastic Film Festival), Lee Cronin est revenu sur la genèse et la production de ce cinquième opus qui sort ce 19 août sur support physique…


Entretien par Fabien Mauro.

Fabien Mauro : Comment passe-t-on d’un film irlandais comme The Only Child : L’Enfant unique au nouvel Evil Dead ?


Lee Cronin : En 2019, j’étais parti aux États-Unis pour trois semaines, notamment au Sundance Film Festival pour présenter The Only Child : L’Enfant unique qui passait dans la « Midnight Section ». En parallèle, les projections presse du film, distribué aux États-Unis par A24, se tenaient à Los Angeles. Romel Adam, collaborateur de Sam Raimi et futur producteur exécutif de Evil Dead Rise, a visionné le film en a parlé à Sam, qui l’a vu à son tour et l’a beaucoup apprécié. J’ai donc reçu ce mail me proposant de rencontrer Sam, ce qui est arrivé juste avant que je reprenne mon avion pour l’Irlande. Nous n’avons pas du tout parlé d’Evil Dead. Notre rencontre arrivait à son terme, nous finissions nos verres et j’ai posé la question fatidique : « Allez-vous faire d’autres films Evil Dead ? » Et il me répond : « Pourquoi ? Ça t’intéresse ? » Voilà comment tout a commencé. C’était en février 2019. Le 5 juillet, j’ai pitché l’histoire complète de Evil Dead Rise à Sam Raimi, Rob Tapert et Bruce Campbell. Quand je leur ai révélé mes idées et mon intention de proposer quelque chose de frais, nous avons lancé la machine. Ensuite, j’ai été engagé pour écrire et réaliser le film. J’ai rédigé un traitement de dix pages autour d’août 2019. Après ça, Sam m’a engagé en sa qualité de producteur pour me confier la réalisation de deux épisodes de la série 50 States of Fright (2020) pour l’éphémère plateforme de streaming Quibi (2018-2020). En février 2020, j’ai rédigé le premier draft de Evil Dead Rise que j’ai dû achever vers avril. J’ai produit deux drafts supplémentaires autour de juillet et nous avons vendu le film à New Line Cinema. Après les étapes de développement, d’écriture, de vente, nous avons patienté et je suis parti en Nouvelle-Zélande pendant huit mois commencer la production. 


F.M. : Rob Tapert est établi en Nouvelle-Zélande depuis bientôt trente ans. Quel est le fonctionnement de Ghost House Pictures ?


L.C. : C’est comparable à un cirque ! Vous arrivez et vous posez votre chapiteau. Rob est installé en Nouvelle-Zélande depuis longtemps. Il y a produit les séries Xena, la guerrière, Spartacus et Ash vs Evil Dead. Mais cela faisait un certain temps qu’il n’y avait pas produit de long-métrage. Mais au fil des années, il s’est entouré d’une équipe solide et régulière qui le respecte beaucoup. De fait, il m’a recommandé de nombreuses personnes pour que je puisse constituer mon équipe. Evil Dead Rise étant une co-production irlando-néo-zélandaise, j’ai pu réunir mes collaborateurs irlandais tels que mon premier assistant réalisateur, Daire Glynn, et mes producteurs John Keville et Macdara Kelleher. Pour le tournage en Nouvelle-Zélande, nous avons réquisitionné cet immense entrepôt. Ainsi, nous disposions de beaucoup d’espace et nous avons investi chaque mètre carré pour installer nos décors. Quant à la post-production, nous l’avons faite en Irlande. 


F.M. : Pouvez-vous aborder la création de l’appartement, du corridor et des autres éléments de l’immeuble par le production designer Nick Bassett ?


L.C. : Nick était l’une des premières personnes engagées sur le projet. On échangeait depuis Noël 2020 et il produisait de nombreuses esquisses pour structurer ses idées. Je suis arrivé en Nouvelle-Zélande en avril 2021 et j’ai entamé la préparation du film avec Nick et le chef opérateur, Dave Garbett. Nous avons commencé la conception des décors et nous partions parallèlement en repérages. Nous souhaitions trouver de vrais immeubles et, éventuellement, nous inspirer de différents types de corridors. Nous avons établi le plan de notre décor au sol, à la craie, car il fallait anticiper la façon d’y circuler avant de construire les portes et les cloisons. Il fallait être réactifs parce que nous ne disposions par de temps illimité. Mais il fallait quand même analyser et penser les fonctionnalités du décor. Mais si vous réfléchissez bien à la géographie de cet immeuble, elle n’a aucun sens. Finalement, nous avons élaboré nos décors pour les adapter à nos besoins. Je tire mon chapeau à Nick et son équipe du département artistique. J’ai d’ailleurs consacré un thread Twitter à l’élaboration de nos décors.

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F.M. : Le travail de Nick Bassett permet de sentir l’usure de cet appartement. Mais nous découvrons un monde de textures avec les accessoires et les objets appartenant à chaque personnage. 


L.C. : C’était très important. Nous voulions signifier le fait que cette famille vit dans cet appartement depuis plus de dix ans. Il s’agit d’une mère qui vit là avec ses enfants donc il fallait ajouter des détails. Lors de la première conversation en tête-à-tête entre Ellie (Alyssa Sutherland) et Beth (Lilly Sullivan), on peut voir sur la porte les frises qui illustrent la croissance et l’âge des trois enfants. Malgré tout, une fois que la caméra tourne, vous ne filmerez que 10?% du travail produit. J’ai pris de nombreuses photos de tous ces éléments et accessoires, car je savais que nous n’allions pas les voir à l’écran. Par exemple, on a un petit pot qui contient des notes écrites par les enfants. Ce sont ces petits détails qui permettent de créer une atmosphère. Les Evil Dead classiques ont été tournées à une époque bien différente, où les besoins n’étaient pas les mêmes. Quand j’ai revu le Evil Dead de 2013 de Fede Álvarez, j’ai constaté que c’était un film assez lumineux. Evil Dead Rise est sans doute le premier à avoir une esthétique horrifique assez frontale. Nous avons éteint les lumières pour créer une ambiance sinistre. Nous sommes dans l’obscurité, nous allumons les torches et les bougies. Les ténèbres vont se refermer sur nos protagonistes. 


F.M. : Avec le directeur de la photographie Dave Garbett, vous avez créé un monde où les néons et les bougies sont nos repères lumineux, où vos sources chaudes et froides s’opposent.


L.C. : Déterminer les sources lumineuses était l’un de nos plus grands défis. Il n’y a plus de courant dans l’immeuble. Par conséquent, si nous devions avoir des sources de lumière artificielle, cela signifiait que ces dernières étaient sous le contrôle des puissances démoniaques. Nous avons fait de nombreux tests avec plusieurs modèles de lampes, torches et bougies. Finalement, nous voulions conserver de la chaleur dans le film. Nous ne voulions pas d’ambiance clinique. Quand on réfléchit, dans la vraie vie, lorsque le courant se coupe, on allume les bougies et on joue aux cartes, ce genre de choses. Bien entendu, tout dépend aussi la pièce dans laquelle l’action se passe. Mais lors de l’étalonnage, j’ai demandé à ce que les couleurs chaudes deviennent plus granuleuses et « malades » à mesure que le film progresse. Mais c’était harmonieux car, par exemple, le corridor est froid et bleu. Et le parking souterrain était aussi bleuté, notamment à cause des sources fluorescentes. Mais pour finir, nous avions ce mélange intéressant entre la teinte jaune de l’aube et le rouge du sang. C’était là dès le départ mais notre étalonneur Gary Curran a travaillé pour renforcer ces atmosphères. Pour la séquence finale, l’ambiance est presque dorée. Mais c’est aussi troublant, car on sent que quelque chose n’est pas normal. Je suis très fier du travail fourni à ce niveau.


F.M. : Sur le premier Evil Dead, Sam Raimi montrait le point de vue des objets, comme la pendule. Vous revenez à cette idée dans Evil Dead Rise avec la « vision subjective » des enceintes, de la baignoire ou de la plaque de cuisson. Était-ce aussi un moyen de vous renouveler visuellement tout en exploitant, une fois de plus, votre décor ?


L.C. : Cela vient sans doute de mon passé dans l’industrie publicitaire. J'aime les gros plans, notamment sur les objets. Et je déteste les inserts. Je pense qu’il y a 4 ou 5 fois dans le film où, sous la pression, j’ai dû faire des inserts sur des objets. Mais je préfère introduire directement les objets avec le personnage. Je pense que cela vous plonge pleinement dans cet univers et ses textures. 

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F.M. : Vous utilisez aussi beaucoup la demi-bonnette.


L.C. : Dans ce film, la première demi-bonnette arrive dans la séquence où Ellie fait cuire les œufs dans la poêle. J’ai demandé à Dave Garbett un plan avec Alyssa Sutherland en premier plan, avec les autres personnages à l’arrière-plan. Mais il fallait signifier que Beth et les enfants ne pouvaient pas voir la dégradation d’Ellie, contrairement au public. Je pense que nous avons utilisé la demi-bonnette une trentaine de fois sur le film. Mais j’ai commencé à l’utiliser quand j’ai voulu créer une dynamique « personnage/objet » et non pas seulement « personnage/personnage ». Mais il ne fallait pas l’utiliser de manière trop appuyée. Par exemple, quand Beth saute dans la voiture avec son fusil à pompe en claquant la portière, c’est une demi-bonnette. Cela m’a donné la possibilité d’obtenir des gros plans presque « héroïques » de nos accessoires tout en ayant nos héros humains dans le même cadre. Je veux créer de l’énergie dans ma mise en scène, d’où mon rejet des inserts. Cela peut détruire l’énergie d’une séquence. Or, il faut maintenir cette énergie. Un personnage peut agir et vous pouvez mettre l’accent sur l’arme ou l’accessoire au même moment. 


F.M. : L’agencement de nos décors vous oblige aussi à être créatif. Je pense à la scène d’action que nous percevons à travers le judas. 


L.C. : Je suis très soucieux de l’utilisation du sound design. J’aime créer des opportunités où le son peut raconter des histoires tout en incitant le public à utiliser son imagination. La séquence du judas vient de cette réflexion. C’était similaire à la trappe de la cave du premier Evil Dead. Mais je voulais que nos personnages, bien que piégés, puissent observer ce qui se passe dans le couloir. Quand je travaillais sur le scénario, je pensais faire survivre quelques voisins plus longtemps. Finalement, j’ai pris la décision de tous les tuer au même moment. Dans The Only Child : L’Enfant unique, j’avais filmé une scène de combat où un gamin de neuf ans attaque sa mère. Je me disais qu’il était impossible de rendre ça convaincant. J’ai donc proposé ce plan-séquence où l’attaque est essentiellement dissimulée par la porte même si l’on peut entrevoir quelques morceaux d’action. Je ne dis pas que je suis passé maître en la matière mais, avec Evil Dead Rise, j’ai saisi l’opportunité de travailler sur ce concept. Vous voyez quelques portions de violence, même si la suggestion est également de mise. C’est ce que l’on appelle un « restricted view set piece ». C’est une méthodologie efficace que j’aimerais réutiliser dans le futur.  


F.M. : Sur votre compte Twitter (@curleecronin), vous partagez de nombreuses vidéos making-of sur les répétitions et les cascades. Pouvez-vous revenir sur le dispositif câblé créé pour le film ?


L.C. : Nous avons utilisé beaucoup de câbles sur ce film. Le superviseur des cascades Stuart Thorp a rassemblé une belle équipe. Nous devions organiser le dispositif câblé selon les besoins de chaque jour de tournage. Il fallait que j’explique à l’équipe des cascadeurs ma vision de la scène tout en tenant compte de l’agencement du décor. Ensuite, ils pouvaient déterminer la bonne manière de faire voler nos acteurs. Mais cette partie du processus était assez fluide, surtout quand vous avez des cascadeurs spécialisés dans l’action. Je ne voulais pas spécialement utiliser les câbles pour des moments violents ou effrayants. En fait, le moment le plus difficile était lorsque Bridget (Gabrielle Echols), recouverte de la couverture, surgit derrière Danny (Morgan Davies). La séquence était simple mais elle a demandé un agencement spécifique du dispositif pour obtenir les mouvements adéquats, notamment lorsque Bridget pousse Danny vers la cuisine. C’est drôle car j’oublie toujours le passage du « fantôme » quand je revois le film. C’est presque trop ludique et traditionnel pour un film Evil Dead. C’est bête et tordu à la fois parce qu'on a une ado morte et possédée sous cette couverture. 


F.M. : Parlez-nous de votre « marauder » et du fait que vous choisissez des plans clés pour le mettre en scène.


L.C. : C’est une idée que nous avons proposée assez tôt. Je voulais jouer avec différentes manières de montrer la manière dont les personnages pouvaient être possédés. À l’origine, le film devait comporter plus de personnages. Mais s’agissant d’un Evil Dead et non d’un film de zombies, il fallait choisir la tonalité adéquate et représenter la possession des enfants de manière intéressante. On va dire que c’est autour de cette créature que se concentrent les thématiques du film. Je n’ai pas d’enfant et le film aborde le choix, voire la peur, d’en avoir. Je suis entouré d’enfants, notamment dans mon cercle d’amis. On parle de l’éducation des enfants qui, à leur tour, devront soutenir leurs parents quand ils vieilliront. C’est ce qui se passe avec Ellie, qui porte sa famille. Mais quand elle perd un bras et une jambe, ses enfants rampent dans son corps et vont s’unir pour la relever. Et pour moi, le « marauder » serait la version chaotique et perverse d’une étreinte familiale. De son côté, Beth est effrayé à l’idée d’être absorbée par sa famille et de perdre son identité. Et le fait de devenir mère en fait partie. Je pense souvent à ces gens qui deviennent parents et qui mettent la photo de leur bébé pour illustrer leur propre profil Facebook. Où passe leur identité ?

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F.M. : Le choix de Beth (Lily Sullivan) de poursuivre ou non sa grossesse constitue le socle narratif et émotionnel du film, n’est-ce pas ? 


L.C. : Oui, en effet. Beth reconstruit une famille, mais plus petite, avec Kassie (Nell Fisher). La suite de leur parcours dépendra de l’intensité de leur stress post-traumatique. 


F.M. : Pour Beth, le fait de vivre cette épreuve, de protéger sa nièce, est aussi un test pour sa maternité en devenir.


L.C. : Oui, nous avons eu de nombreux débats sur la manière d’appréhender ce sujet. Je ne voulais pas l’aborder de manière trop pesante car Evil Dead Rise reste avant tout un film de divertissement. Je ne suis pas peureux, mais je pense qu’il faut toujours penser une scène ou un sujet de la meilleure manière possible. Nous avons tourné la scène du test de grossesse vers la fin. Et quand, nous commencions à monter le film avant le tournage de cette scène, je me disais surtout que je voulais surtout montrer le choix de Beth. Je n’avais pas forcément envie de montrer une clinique, avec des médecins. Je voulais qu’on soit seulement avec Beth quand elle réalise qu’elle est enceinte. Il fallait conserver la simplicité de l’idée. Et cela permettait au public d’avoir accès à son espace mental. Il fallait signifier le fait qu’elle soit enceinte, puis montrer la manière dont elle va le gérer.


F.M. : Comment s’est passée la relation de travail avec Rob Tapert, Sam Raimi et Bruce Campbell ?


L.C. : Il n’y a pas eu conflit. Mais ce que je peux dire, avec le plus grand des respects, c’est qu’une fois qu’ils ont compris la direction que je voulais prendre, ils l’ont généralement comprise et respectée. Bien entendu, tout le monde a une opinion sur tel ou tel sujet. Mais l’écoute mutuelle nous permettait de trouver une issue. Il y a toujours des défis et des questions, surtout sur la manière dont l’argent va être dépensé. Par exemple, la scène de l’ascenseur où le sang monte était une scène très chère. Mais j’ai dû insister et trouver une méthode astucieuse pour la créer car nous n’avons pas pu utiliser autant de sang que prévu. Pour en revenir à Rob, Sam et Bruce, il ne faut pas oublier qu’ils ont commencé en tournant des petits films dans leur jardin, en finançant leurs projets avec des gens de leur entourage. Ils ont finalement réussi à Hollywood et ils comprennent la difficulté du voyage. À leur tour, ils se mettent à produire des cinéastes qui se battent pour imposer leurs idées, ce qui était mon cas. Et je pense que lorsque vous engagez quelqu’un, vous devez les soutenir. Quand je travaillais en publicité, vous passiez des semaines à pitcher le projet au client pour le convaincre. Il vous engage et, dès le premier jour, il arrête de vous faire confiance. Et vous vous demandez pourquoi il vous a engagé en premier lieu ! Il y a eu quelques désaccords sur des points spécifiques. Mais, finalement, je me souviens toujours de Rob disant à Sam et Bruce : « Vous vous souvenez quand tel ou tel producteur nous mettait des bâtons dans les roues ? Ne devenons pas cette personne. » Finalement, ils m’ont laissé faire le film tel que je l’imaginais.


F.M. : Bien sûr, la scène de l’ascenseur évoque Shining (Stanley Kubrick, 1980). Mais elle peut également évoque Dark Water (Hideo Nakata, 2001) qui aborde la maternité, le divorce et le point de vue de l’enfant.


L.C. : Cela fait longtemps que je ne l’ai pas vu ! Je me souviens de l’époque où Ring et Dark Water étaient sortis. J’étais si obsédé que je pouvais payer le prix fort pour avoir ces films en DVD import. J’ai dû voir Dark Water une dizaine de fois mais je ne l’ai pas revu depuis une quinzaine d’années. Mais mon cerveau a tendance à oublier certains films. Si l’on parle d’influences, je n’ai pas forcément saisi à quel point Aliens (James Cameron, 1986) m’a influencé, jusqu’à ce que je tourne la scène où Beth et Kassie se cachent derrière la voiture. Kassie pourrait être notre Newt. Les gens ont pointé du doigt le fait que la scène de l’ascenseur était un hommage à Shining. Mais la réalité est bien plus ennuyeuse que ça. Précédemment, je vous disais qu’il était prévu d’avoir plus de personnes dans l’immeuble. La cage d’escalier ne devait pas être détruite et, de fait, nos protagonistes devaient rencontrer plusieurs personnes possédées. Mais le film devait être plus confiné, isolé. Et je devais trouver un moyen d’arriver à la séquence du parking. Il fallait donc faire chuter l’ascenseur. Plus il descend, plus de gens meurent. Il fallait illustrer ça, d’où la montée du niveau de sang. Et finalement, j’ai en effet tiré mon chapeau à Shining lorsque le sang est expulsé de l’ascenseur.


F.M. : D’ailleurs, votre film me fait penser à Démons 2 (Lamberto Bava, 1987), qui se passait lui aussi dans un immeuble. Mais il s’agissait plutôt un « High-Rise » dernier cri.


L.C. : On m’en parle souvent mais je ne l’ai jamais vu ! Lorsqu’on a annoncé que le film allait se dérouler dans un immeuble, j’ai très souvent lu : « Oh, mais ça va être comme Démons 2 ! » Je n’ai rien avoué sur l’instant et je ne voulais pas révéler que je n’avais pas vu le film [rires]. Et je n’ai pas vu Poltergeist III (Gary Sherman, 1988) non plus. Mais maintenant, je dois absolument voir Démons 2. Concernant l’horreur, j’avoue que je continue de regarder les œuvres qui m’ont influencé quand j’étais plus jeune. C’était ça, mon école de cinéma. Quand j’étais gamin, j’étais entouré de mes VHS, que j’ai toujours, ainsi que mon magnétoscope. J’adorais mettre les films en arrière-plan. D’ailleurs, c’était assez troublant de croiser John McTiernan au NIFFF car Piège de Cristal tournait en boucle chez moi.

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F.M. : Evil Dead Rise était prévu pour le cinéma, puis pour HBO MAX, avant d’être finalement distribué en salles. Au moment où nous échangeons, c’est l’un des films les plus rentables de 2023. Quel signal cela envoie-t-il aux studios selon vous ?


L.C. : Les studios sont toujours en quête de succès. Les dirigeants de Warner Bros. ont changé leur stratégie. Ils veulent produire des films pour le grand écran et non plus pour le streaming. Et cela peut ensuite influencer sur le type de contenus qu’ils veulent créer pour les plateformes. De mon point de vue, je suis heureux que le film soit sorti en salles et qu’il ait trouvé écho auprès d’un large public. Je me souviens encore de la pandémie, lorsque Warner Bros. avait temporairement décidé de mettre Evil Dead Rise sur HBO MAX. Je me disais que la COVID allait passer et que le paradigme allait changer. Et c’est ce qui s’est passé. Les gens veulent aller au cinéma pour passer un bon moment. Si l’on analyse le cinéma d’horreur, on peut constater que le genre fonctionne car il a toujours été en perpétuelle évolution. Quand The Only Child : L’Enfant unique est sorti, on disait que c’était de l’elevated horror. Pour moi, toute horreur est artistique puisqu'elle est existentielle par nature. Mais je pense que nous revenons vers quelque chose de plus axé sur le spectacle, ce qui est excitant pour moi. Evil Dead Rise devait proposer des personnages, des thèmes et des métaphores. Mais cela doit avant tout vous procurer des sensations fortes. Cela provient sans doute au cinéma d’horreur des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Mais quand vous observerez le succès de films comme Barbarian, vous réalisez que nous n’avez pas besoin de trop gamberger. Cela ne signifie pas pour autant que vous devez débrancher votre cerveau. Vous y allez pour l’expérience. Quand nous avons organisé la première européenne de Evil Dead Rise à Dublin, j’étais entouré de ma famille et mes amis. Quand vous connaissez vos proches, vous savez ce qu’ils ressentent lorsque vous voyez leurs poils se hérisser. Mais ce n’est pas le cas avec des inconnus. Vous ne les connaissez pas, donc vous constatez qu’ils ont pleinement vécu leur tour de grand huit.


Entretien par Fabien Mauro.

Evil Dead Rise : disponible en DVD, Blu-ray et UHD chez Metropolitan Filmexport.


Merci à Lee Cronin. 

Remerciements à l’équipe du NIFFF : Marie Wanert, Lea Eigenmann, Matthieu Béguelin, Loïc Valceschini, Marie Rumignani, Nawshad Ladhani, Pierre-Yves Walder