Shin Kamen Rider : Entretien avec Daiju Koide
Nous nous sommes rendus au NIFFF où Daiju Koide, producteur du film Shin Kamen Rider, a accepté de répondre à nos questions…Après avoir co-réalisé Shin Godzilla (2016) et supervisé Shin Ultraman (2022), Hideaki Anno repasse derrière à la caméra avec Shin Kamen Rider, un projet de cœur qui lui permet de mettre en scène le héros de son enfance. Anno rend hommage à la noirceur du concept initial de Shotarô Ishinomori tout en y injectant ses propres obsessions. Sorti au Japon en mars dernier, Shin Kamen Rider est proposé sur Prime Video dès ce 21 juillet. Pour l’occasion, nous nous sommes rendus au NIFFF (Neuchâtel International Fantastic Film Festival) où Daiju Koide, producteur du film, a accepté de répondre à nos questions…
Par Fabien Mauro.
F.M. : Comment avez-vous intégré le projet Shin Kamen Rider ?
D.K. : Ce projet m’a été proposé en 2019. Muneyuki Kii, la personne en charge du planning et de la production, m’a invité à rejoindre le projet car il travaillait sur un nouveau film Kamen Rider avec Hideaki Anno à la mise en scène. Jusqu’à présent, je produisais la série Kamen Rider ZI-O au département TV, en compagnie de Shinichiro Shirakura, également producteur exécutif sur Shin Kamen Rider. Anno-san venait de triompher au box-office japonais avec Shin Godzilla et TOEI COMPANY, LTD. travaillait sur le 50e anniversaire de la saga Kamen Rider. Le timing était adéquat. Et comme vous le savez, Anno-san un grand fan de la série originale de 1971. C’était donc un pur hasard de nous proposer le projet à ce moment.
F.M. : Le film renoue avec un concept important du manga de Shotato Ishinomori : sous leurs masques, les Kamen Rider des « kaizo ningen », ici renommés « Augs », des humains modifiés dont le visage se scarifie au moment du « henshin ». Était-il important pour Anno-san de redonner à Takeshi Hongo (Sosuke Ikematsu) sa dimension torturée ?
D.K. : Le manga de Shotaro Ishinomori et la série produite par Toru Hirayama ont été développés simultanément en 1971. De fait, la publication du manga était effective pendant la diffusion du show. Hiroshi Fujioka y incarnait Takeshi Hongo de l’épisode 1 à 11. Comme vous le savez, pendant le tournage de l’épisode 12, il s’est blessé et a dû quitter le tournage pour se rétablir. C’est à ce moment qu’a été introduit Hayato Ichimonji/Kamen Rider Niigo (Takeshi Sasaki). Nous voulions revenir à cette chronologie dans Shin Kamen Rider. De fait, les épisodes 1 à 11 ont constitué la base du film. Et nous tenions effectivement à reprendre certains éléments-phares du manga.
F.M. : A ce propos, Ruriko Midorikawa (Minami Hamabe) était secondaire dans le manga et dans la série. Mais dans Shin Kamen Rider, elle porte les enjeux et montre la voie à Takeshi Hongo. En quoi était-il important de faire de Ruriko un personnage majeur au centre du récit ?
D.K. : C’est la pure création de Anno-san. Il voulait vraiment Ruriko au cœur de l’histoire. Et cela n’a jamais été fait auparavant. L’histoire de Takeshi Hongo a été réinventée plusieurs fois mais il est vrai que Ruriko a toujours été peu présente. En tant que producteur, ma mission était de proposer un reboot sur grand écran de la série de 1971. De fait, j’ai pensé que c’était une approche originale et novatrice et, de fait, j’ai fait en sorte que le projet prenne cette voie. Il faut savoir que les séries télévisées annuelles Kamen Rider sont avant tout destinées aux jeunes garçons. Elles génèrent du merchandising, notamment la commercialisation des « Henshin Belt ». Mais nous n’avions pas véritablement cet enjeu avec Shin Kamen Rider. Nous pouvions donc retravailler et améliorer notre protagoniste féminin. C’était vraiment une excellente approche.
F.M. : Le film est tourné dans plusieurs sites industriels déjà utilisés en 1971. Jusqu’à quel point Anno-san tenait-il à reproduire l’esthétique de la série ?
D.K. : Nous avons fait en sorte de retrouver les lieux de tournage de la série de 1971. Ceux que nous n’avons pas retrouvé ou qui ont été démoli ont été recrées à l’aide d’effets numériques. Nous avons tenté de les dupliquer aussi fidèlement que possible. Concernant la séquence où les deux Kamen Rider se battent, l’action se passe dans un complexe industriel implanté à Ube, dans la préfecture de Yamaguchi. Il s’agit de la ville natale d’Anno-san et il tenait absolument à la filmer. Et pour le combat, nous avons opté pour un mélange de prises de vue réelles et d’effets visuels.
F.M. : Le film est au carrefour de deux esthétiques. D’une part, M. Anno reprend la mise en scène appliquée par Minoru Yamada en 1971 avec les zooms et un grain d’image bien spécifique. Et de l’autre, il propose des plans tournés à l’IPhone, notamment pour les visions subjectives des personnages. Et l’ensemble fonctionne très bien.
D.K. : Je le pense aussi et c’était notre but. Anno-san voulait vraiment utiliser des outils récents tout en rendant hommage à l’esthétique vintage du show pour obtenir ce résultat.
F.M. : Quels furent des designers engagés sur le film ?
D.K : Nous avons eu trois designers : Mahiro Maeda s’est surtout chargé des designs des Kamen Rider. Ikuto Yamashita s’est occupé de la moto Cyclone et de la Henshin Belt. Enfin, Yutaka Izubuchi a pris en charge les Augs.
F.M. : Les effets visuels sont co-produits par KHARA INC., le studio d’Hideaki Anno, et SHIROGUMI INC.. Comment avez-vous réparti le travail entre les deux sociétés ?
D.K. : Il existe trois catégories d’effets visuels mis en place sur ce film.
1) L’ajout d’éléments tels que du sang liquide et la luminescence des yeux de chaque masque.
2) L’ajout numérique de bulles ou le « Prana » (Une source omniprésente d’énergie qui maintient toute vie. Le terme revient régulièrement dans Shin Kamen Rider).
3) La production de séquences entières en CGI, incluant une phase de prévisualisation.
Pour les catégories 1 et 3, c’est SHIROGUMI INC. qui s’en chargeait, sous la direction de M. Atsuki Sato, le superviseur VFX. Du côté de chez KHARA INC., M. Hiroyasu Kobayashi (Evangelion) se focalisait sur les effets de la catégorie 2. Toujours chez KHARA INC., M. Daisuke Onizuka (Evangelion) se chargeait des actions en CGI. Le film n’aurait pas pu être complété sans leur concours, notamment grâce au fait qu’il avait déjà travaillé avec Anno-san. Ce dernier était frustré de son expérience sur Cutie Honey (2004) car il n’a pas pu matérialiser tout ce qu’il souhaitait. Les combats en animation de Shin Kamen Rider lui ont permis d’utiliser de nouveaux outils et de concrétiser ses idées de l’époque.
F.M. : Comment s’est déroulée la collaboration entre Hideaki Anno et Keita Tabuchi, le superviseur des chorégraphies ?
D.K. : En parcourant le scénario, nous devions déterminer quelles scènes d’action allaient nécessiter les équipes de Anno-san et de Tabuchi-san. À la suite de ces discussions, Tabuchi-san a élaboré un storyboard vidéo et s’est entrainé à l’avance avec les acteurs avant le tournage. Avec une bonne préparation réalisée au préalable, les équipes et les acteurs se sont organisés au mieux. Les chorégraphies étaient conçues en fonction des capacités physiques de nos acteurs, mais également les caractéristiques des lieux de tournages. Et en fonction de la nature des séquences, nous devions déterminer ce qui allait mieux fonctionner en live-action. Et ensuite, il fallait réfléchir ce qui allait mieux fonctionner par le biais de l’animation.
F.M.: Comment Sosuke Ikematsu et Tasuku Emoto (Hayato Ichimonji) se sont-ils physiquement préparé pour leurs rôles ?
D.K. : Avant le tournage, il a été acté que Ikematsu-san n’utiliserait quasiment aucune doublure combat ou de cascadeur. Il a débuté à s’entrainer six mois avant le début du tournage. Durant cet entrainement, il a commencé à souffrir à cause d’une blessure. Mais il s’est bâti un tel corps qu’il pouvait faire ses séquences d’action. Par contraste, Emoto-san avait prévu de s’appuyer sur les doublures et les cascadeurs. Il a donc réalisé un entrainement plus générique, et loin d’être aussi difficile que celui de Ikematsu-san.
Q: Taku Iwasaki a compose la bande originale de Shin Kamen Rider. A-t-il rçu des instructions spécifiques ?
D.K. : M. Iwasaki a produit la musique de nombreuses séries d’animation telles Gurren Lagann et Black Butler. Il a rejoint ce projet car il a été personnellement engagé par Hideaki Anno. Parmi les chansons utilisées dans le film, la plus difficilement était la version réarrangée de « Let’s Go Rider Kick !! », le fameux thème de la série Kamen Rider de 1971. M. Iwasaki a fait de nombreuses tentatives et échecs, avant d’y arriver. Je n’ai que du respect pour son professionnalisme.
F.M. : Le film montre Kamen Rider Ichigo et Kamen Rider Niigo. Mais nous avons aussi des références à d’autres personnages de Shotarô Ishinomori : Kikaider, Roboto Keiji K et Inazuman. En tant que producteur, souhaitez-vous proposer de nouvelles adaptations de personnages classiques d’Ishinomori ?
D.K. : Aucune décision n’a été prise et je suis tenu au secret. Mais si ça ne dépendait que de moi, je serai le premier à saisir ces occasions. Pour ma part, j’aimerais beaucoup adapter Roboto Keiji. C’est un personnage fascinant. Mais Anno-san a déjà des idées pour une éventuelle suite à Shin Kamen Rider. L’avenir nous le dira…
Par Fabien Mauro.
Remerciements à Daiju Koide
Traduction de Sayaka Smith
Remerciements à l’équipe du NIFFF : Marie Wanert, Lea Eigenmann, Matthieu Béguelin, Loïc Valceschini, Marie Rumignani, Pierre-Yves Walder, Nawshad Ladhani
Remerciements spéciaux à Guillaume Lopez
© Miguel Bueno, NIFFF 2023
© ISHIMORI PRODUCTION INC. TOEI COMPANY, LTD. /2023 Shin Kamen Rider Film Partners