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Hardcore Henry : une partie d'1h30 d'un FPS bourrin et totalement décomplexé

Henry, c'est vous. Du moins c'est ainsi que le film l'introduit, en utilisant dès la lecture du pitch la relation intime qu'entretient un gamer avec son avatar. Peu importe qu'il se nomme Sarge, Master Chief, Blazkowicz ou n'importe quel super troufi
Hardcore Henry : une partie d'1h30 d'un FPS bourrin et totalement décomplexé

Henry, c'est vous. Du moins c'est ainsi que le film l'introduit, en utilisant dès la lecture du pitch la relation intime qu'entretient un gamer avec son avatar. Peu importe qu'il se nomme Sarge, Master Chief, Blazkowicz ou n'importe quel super troufion de chez Tom Clancy.


Il n'est au final qu'un amas de pixels inventé par on ne sait qui. VOUS tenez la manette donc VOUS êtes le héros, venu pour en découdre avec quiconque se dressera sur votre écran. Et c'est exactement ce que vous offre Hardcore Henry. Une partie d'1h30 d'un FPS bourrin, déjanté et totalement décomplexé, mais avant tout 100% non interactif. Et c'est important à souligner, car c'est certainement là que bon nombre d'entre-vous passeront leur chemin.

Pour ceux qui seraient passés à côté de l'engouement qu'a engendré Hardcore Henry au dernier festival de Toronto, rappelons qu'il s'agit ni plus ni moins qu'une version longue mutante du clip "Bad Motherfucker" des Biting Elbows, réalisé en 2013 par Ilya Naishuller, aussi chanteur du groupe. Après découverte dudit clip, vu des millions de fois sur le net, le génial producteur/réalisateur Timur Bekmambetov (Night Watch, Day Watch, Wanted... La folie quoi) propose l'idée d'un long métrage entièrement tourné selon le même principe: une vue subjective de A à Z, sans fioriture, sans esquive, sans aspirine. Vous êtes donc prévenu: Hardcore Henry peut vous vider l'estomac, vous faire fondre les yeux ou plus simplement, vous faire quitter la salle au bout de quinze minutes. Mais avant de tenter le diable, de quoi ça cause ?

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Soyons honnêtes: qui dit film concept dit souvent intrigue limitée. Henry (enfin, vous) se réveille dans un laboratoire high-tech immaculé où il se fait rafistoler en temps réel à l'aide de prothèses bioniques. Car Henry ne se souvient de rien, ignore donc pourquoi il est dans cet état ni qui est cette charmante scientifique lui affirmant être son épouse. Malheureusement, on ne le saura pas tout de suite vu qu'un super albinos aux pouvoirs télékinétiques déments entre en scène pour interrompre les réjouissances.


Une chute vertigineuse plus tard, et Henry se retrouve dans la peau d'un gibier mi-homme mi-machine que la moitié de la ville semble vouloir éliminer. Une idée amusante de ne pas lui avoir laissé le temps de choisir sa voix un peu plus tôt dans le labo, ce qui renforce un peu plus l'identification du spectateur envers cet avatar mutique ne pouvant s'exprimer que par les gestes et la violence. Pour ce qui est du blabla et des discours, ils sont principalement réservés à Jimmy (Sharlto Copley, multiplement drôle), seul ami potentiel d'Henry qui le guidera dans sa quête de vérité en lui fournissant généreusement armes, situations cocasses et aires de jeux remplies de méchants soldats/mercenaires/hommes de main.


Car c'est bien ça et rien d'autre qui intéresse le réalisateur; nous propulser sans ménagement dans des scènes d'actions de plus en plus variées et de plus en plus folles tout en dispersant ça et là les codes du jeu vidéo d'action que les gamers pourront s'amuser à relever. Entre les caisses de grenades cachées, les flingues à gogo et la piqûre d'amphet' juste avant le game over, les clins d'œils sont légion mais auront sûrement du mal à parler aux non-initiés.

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Néanmoins, l'expérience peut valoir le détour, et correspond après tout à une évolution logique du média suite à l'exploitation massive du style found footage, aujourd'hui asséché jusqu'à l'os. A la différence près que le rendu qui nous intéresse ici reste très éprouvant physiquement et, dans la mesure où vous trouverez un ciné diffusant le film près de chez vous (ce qui n'est pas gagné), vous asseoir quelque part dans la moitié de la salle côté écran est à proscrire, même pour les plus téméraires. Prendre du recul physiquement ET moralement est l'attitude à adopter pour vous lancer dans l'aventure, ne serait-ce que pour augmenter au maximum votre perception de la chose.


Mais malgré ce choix d'un point du vue omniprésent que l'on devine tourné avec une bonne vieille GoPro (deux en réalité), le tour de force d'Hardcore Henry est de rester quasiment "lisible" à tout instant, en jouant avec les limites de la rémanence et en sachant ralentir l'action quand il le faut. Là où les œuvres estampillées found footage justifient leurs régulières pertes de repères visuelles par le fait que l'un des protagonistes filme comme il le peut les évènements, avec ce que cela implique d'amateurisme, d'erreurs de focus et de tremblements intempestifs, la mise en scène est ici guidée par la seule aventure d'Henry. Son comportement, ses actions, son état de santé, et absolument toutes ses interactions avec les protagonistes, amis comme ennemis, rien ne vous sera épargné. Vous vous verrez donc en train de marcher, courir, tomber, rouler, cavaler, poursuivre, frapper, sulfater, détruire toute sorte de chose et j'en passe.


C'est certes très réjouissant sur le papier, mais cet objectif de vouloir solliciter nos sens jusqu'au point de rupture risque d'en laisser plus d'un sur le carreau. Ce qui fonctionnait du tonnerre sur cinq minutes supporte-t-il le long format ? Si ce n'est pas déjà fait, un visionnage du clip peut vous permettre d'appréhender le film dans toute sa folie cinétique.

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Passé son postulat lourdingue, Hardcore Henry déménage tout de même sévèrement et réserve son petit lot de surprises et d'idées farfelues (une baston générale ultra violente sur "Don't Stop Me Now" de Queen ? Ok !). Le réalisateur ayant très certainement conscience des limites de son joujou, il réussi - en partie - à combler le creux de son intrigue par une multitude de gags et de trouvailles visuelles, comme pour tirer par la manche ceux qui tenteraient de quitter la salle avant la fin du show.


Quoiqu'il en soit, il arrive surtout à faire preuve d'une énergie débordante et communicatrice qui nous tire plus d'un sourire lors des déambulations de ce pauvre Henry. A ce titre, la conclusion est d'une générosité et d'une ambition démesurées, et la logistique derrière le tournage tout comme le casse-tête qu'a du être la post production forcent le respect. Mais comme dit plus haut, la rareté des salles diffusant le film va très certainement vous condamner à l'attendre chez vous d'ici quelques mois. A l'ère des blockbusters cyniques budgétés à un quart de milliard de dollars, Hardcore Henry est ma foi fort sympathique.


Julien Mazzoni


Hardcore Henry - Au cinéma