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Tom Clancy : une référence en matière de jeux vidéo

Le 8 Mars dernier sortait le jeu vidéo Tom Clancy's The Division, le nouveau gros bébé vidéo-ludique d'Ubisoft. Si l’appellation «  Tom Clancy  » est devenue au fil des ans une gageure en matière de jeux vidéo politico-militaire, son emploi à toutes
Tom Clancy : une référence en matière de jeux vidéo

Le 8 Mars dernier sortait le jeu vidéo Tom Clancy's The Division, le nouveau gros bébé vidéo-ludique d'Ubisoft. Si l’appellation «  Tom Clancy  » est devenue au fil des ans une gageure en matière de jeux vidéo politico-militaire, son emploi à toutes les sauces semble avoir quelque peu fais perdre la trace du véritable Tom Clancy, ce romancier américain décédé en 2013.


Au départ, il y a une revanche ou une opportunité, c'est selon, pour cet auteur né en 1947 à Baltimore. De son enfance, Tom Clancy tire rapidement une fascination pour l'univers militaire. L'élément déclencheur à sa carrière de romancier semble même évident  : souhaitant s’enrôler dans l'armée américaine durant la guerre du Vietnam, il se voit refuser le champ de bataille pour cause de mauvaise vue. Il poursuit dès lors son métier de courtier en assurance tout en s’efforçant à creuser cet univers qui, s'il n'est pas parvenu à en faire parti, continue de l'animer par le biais de l'écriture.

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C'est en 1984 que paraît son premier ouvrage intitulé  Octobre Rouge. Le roman dépeint la fuite d'un sous-marin russe qui cherche à passer en Amérique. Il obtient un succès immédiat auprès du public, notamment propulsé par l’enthousiasme d'un certain Ronald Reagan qui ne pèse pas ses mots, s'exclamant  : «  C'est le roman parfait  !  ». Plus que ses talents d'écrivain, ce sont davantage ses connaissances techniques qui lui valent sa renommée, à tel point qu'Octobre Rouge n'est pas édité par une maison d'édition classique mais par l'Institut Maritime, annonçant déjà le statut auquel se verra rapidement assigné Tom Clancy, à savoir celui de l'écrivain patriote par excellence.


Les louanges ne s'arrêtent pas là et Ronald Reagan ira jusqu'à conseiller la lecture de son roman suivant, Tempête Rouge, à Margaret Thatcher, qu'il décrit comme une analyse très juste des intentions du gouvernement russe. L’engouement de l'ancien acteur hollywoodien devenu président pour l'écrivain est incontrolâble et des sources rapportent qu'à cette période, en 1986, le roman de Tom Clancy aurait même tenu un rôle important lors du sommet de Reykjavik qui marque la rencontre de Reagan et Gorbatchev. Échange de bons procédés, lors de la sortie de son roman  Jeux de Pouvoir en 1997, Tom Clancy dédicace l'ouvrage à Reagan, inscrivant dans ses premières pages  : «  Pour Ronald Wilson Reagan, quarantième président des États-Unis. L'homme qui a gagné la guerre  ». Le succès de Clancy ne faiblit pas au cours des années et il se classe régulièrement parmi les plus grosses ventes sur le territoire américain avec pas moins de dix-sept romans classés numéro un, à tel point que son créneau militariste ne tardera pas à franchir d'autres médiums que celui de la littérature, avec en premier lieu le cinéma.

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Le premier metteur en scène à s'atteler à l'adaptation d'un roman de l'auteur n'est autre que John McTiernan avec A la poursuite d'Octobre Rouge. Le roman plaît au réalisateur de Predator qui souhaite rapidement en faire un film et c'est par le biais du producteur Mace Neufeld que le projet se monte, ce dernier confessant le hasard par lequel l'idée lui est arrivée  : « En 1984 j'ai envoyé un jeune homme qui travaillait pour moi au salon du livre pour voir les nouvelles parutions. Il est revenu avec un livre de la presse de l'institut maritime  : A la poursuite d'Octobre Rouge. Je l'ai emporté chez moi, il était sur la table de chevet. J'ai contacté la maison d'édition qui m'a dit de m'adresser à un agent qui représentait un nouvel auteur, Tom Clancy. J'ai alors commencé à négocier les droits du livre  ».


Alors que le livre est paru en 1984, le film arrive six ans plus tard sur les écrans. Ce décalage crée un nouveau point de vue sur l'histoire, avec la chute du communisme survenue entre-temps et la dislocation imminente de l'URSS. Plutôt que de développer l'aspect technique et militaire, John McTiernan se concentre sur ses personnages, employant même la figure amicale et paternaliste de Sean Connery pour incarner le rôle du commandant russe.

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De ce succès commercial et critique suivront d'autres adaptations dans les années 90 dont deux titres, Jeux de Guerre et Danger Immédiat, dans lesquels Harrison Ford remplace Alec Baldwin dans le rôle de Jack Ryan, ce dernier préférant opter pour un rôle dans une pièce de théâtre à Broadway. Harrison Ford n'accepte pas d'emblée le rôle et déclare même ne pas particulièrement aimer les romans de Tom Clancy, précisant au producteur Mace Neufeld qu'à ses yeux le seul bon rôle dans A la poursuite d'Octobre Rouge (pour lequel il refusera déjà le rôle de Jack Ryan) était celui du commandant russe. Il n'accepte finalement le rôle qu'après avoir  lu le script écrit par W. Peter Iliff.  De son côté, Tom Clancy n'est pas totalement convaincu par le choix de l'acteur qu'il trouve trop vieux pour incarner son personnage phare à l'écran. Mace Neufeld ayant acquis les droits des deux romans en question, les scripts sont élaborés à la suite afin d'offrir une continuité certaine au personnage, tournant les deux films dans la foulée pour des sorties respectives en 1992 et 1994.


Suivront de manière moins remarquée OP Center de Lewis Teague en 1995 et Net Force de Robert Lieberman en 1999. Ce sera ensuite au tour de Ben Affleck de reprendre le rôle dans La somme de toutes les peurs en 2002, avant que la franchise ne connaisse un reboot plus récemment, en 2013, avec The Ryan Initiative  de Kenneth Branagh qui offre le premier rôle à Chris Pine. Encore une fois, l'adaptation fait apparaître au casting un acteur ayant autrefois refusé un rôle au sein d'une adaptation de Tom Clancy en la personne de Kevin Coster. Il interprète ici un personnage secondaire tandis qu'il avait refusé le rôle de Jack Ryan dans A la poursuite d'Octobre Rouge à l'aube des années 90, alors en pleine préparation de Danse avec les Loups.

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Le personnage de Jack Ryan devient récurrent au cinéma mais peine à élargir son spectre, ne parvenant pas à atteindre la popularité ou le charisme d'un James Bond, modèle du genre. Les changements contant d'acteur dans le rôle principal, mais aussi de points de vue sur le personnage, ne permettent pas vraiment d'offrir une continuité à ces adaptations. Car l'omniprésence du personnage de Jack Ryan est l'une des clés d'écriture de Clancy, mais aussi du succès de ses romans, qui va jusqu'à créer un univers étendu, intitulé le Ryanverse, autour de ce personnage, créant ainsi des franchises annexes qu'il délègue à d'autres auteurs et où apparaît notamment Jack Jr, le fils de Jack Ryan. En 2001 les attentats du 11 septembre replacent tristement l'auteur sous les projecteurs de manière aussi médiatique qu'après la sortie d'Octobre Rouge. La raison ? Ses livres Dettes D'honneur et Sur Ordre, tous deux sortis au milieu des années 90, étayaient des attaques terroristes similaires à celles du World Trade Center. Dès lors, sa capacité à analyser les situations géo-politiques et à tirer des analyses prévisionnelles probables, déjà vantée par Reagan, devient l'un de ses points de distinction mais aussi de popularité.



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Mais derrière la façade de l'écrivain, Tom Clancy est aussi un homme d'affaires, et c'est à travers cet aspect carriériste que se développe la marque de fabrique dont son nom est aujourd'hui devenu le symbole. Outre son choix d'étendre le Ryanverse ou encore son rachat d'une équipe de baseball (les Baltimore Orioles), l'auteur s'intéresse au succès de plus en plus grandissant des jeux vidéo au cours des années 90, ainsi qu'aux possibilités de plus en plus flagrantes offertes par le support. C'est en 1996 qu'il se lance en créant sa société de production Red Storm Entertainment. Pour ce faire, il collabore avec une connaissance de longue date, Doug Little Johns, que Clancy rencontra en 1985 alors que celui-ci était capitaine de la Royal Navy. La démarche est claire : Tom Clancy souhaite s'atteler au marché du jeu vidéo en y transposant ce qui fait le succès de ses romans, à savoir le terrorisme et les conflits géo-politiques, le tout appuyé par un sens du réalisme froid et technique.


Le premier gros succès de la firme sort en 1998 et se nomme Rainbow Six, suivi dans la foulée du roman éponyme qui deviendra le seul ouvrage de Tom Clancy à s'inspirer d'un jeu vidéo. Imaginé et scénarise par l'auteur, le titre fait barouder son joueur aux quatre coins du monde, de Londres à la forêt amazonienne, en passant par Sydney. Catalogué FPS tactique, il sert rapidement de référence aux autre jeux estampillés Tom Clancy à venir qui conserveront cette approche privilégiant la stratégie à l'action bête et méchante. En 2000, et malgré cette réussite, le romancier et entrepreneur américain décide de vendre Red Storm entertainment à l'entreprise française Ubisoft pour la somme de 45 millions de dollars. Deux ans plus tard sort Tom Clancy's Splinter Cell, l'une des plus grosses réussites de la firme et l'un des titres les plus populaires des années 2000. Malgré la vente, le nom de Tom Clancy est toujours bel et bien présent et l'auteur participe aussi à la création des jeux, notamment pour l'écriture des scénarios. Après Jack Ryan un autre nom célèbre venait d'être intronisé, celui de Sam Fisher. Le studio ne chôme pas et plusieurs titres, toujours en collaboration avec Clancy, voient le jour dans les années 2000, de Ghost Recon, un an avant Splinter Cell, au simulateur de combat aérien Tom Clancy's H.A.W.X. en 2009.

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Aujourd'hui décédé, Tom Clancy apparaît pourtant en première ligne du jeu The Division pour lequel son nom est à nouveau réemployé alors qu'il n'a pas participé à sa création. Sans faire mention de l'auteur à un quelconque autre niveau que son titre et en choisissant de l'exploiter à nouveau après la mort de l'auteur, il semble clair que l’appellation Tom Clancy est aujourd'hui devenue l'évocation d'une lignée de jeux  immédiatement identifiables. Il y a fort à parier qu'avec une telle démarche commerciale la résonance des termes Tom Clancy perde peu à peu ses origines littéraires pour ne devenir  qu'une marque déposée. La rançon de la gloire.


Nicolas Milin