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Il y a 30 ans sortait au cinéma Predator de John McTiernan

Predator sort le 12 juin 1987 dans les salles américaines. Le soir de la première, les acteurs sont abasourdis par l’accueil si enthousiaste du public. Véritable succès tant public que critique, le film rapportera 98 millions de dollars dans le monde
Il y a 30 ans sortait au cinéma Predator de John McTiernan

Si les 80’s semblent avoir produit les couleurs flashy (symbole absolu), les premiers balbutiements de la musique électronique et l’explosion du trafic de cocaïne au cœur de la Floride, elles sont avant tout célèbres pour avoir enfanté une catégorie filmique bien précise : l’ « actioner » américain typique, totalement décérébré (ou presque) et sévèrement burné. Aujourd’hui plus souvent défini par le terme « Blockbuster », la recette initiale de cette pellicule sentant bon la poudre et la testostérone est très simple.


Il faut avant tout des dollars, une star aux épaules solides (dans tous les sens du terme) et enfin un semblant de scénario (tout de même). Ne riez surtout pas, car contrairement aux idées reçues de certains esprits obscurcis par une intellectualisation trop poussée du cinéma de genre (comprenez des casse-pieds), ces machines initialement lancées dans le seul but d’engranger des bénéfices furent dans de nombreux cas de vrais diamants bruts, bien plus respectables des codes du 7ème art que beaucoup de soi-disant chef-d’œuvres d’hier et d’aujourd’hui. PREDATOR est de ceux-ci. Un joyau qui semble taillé dans le même roc que les héros qu’il héberge.

RAMBO 2 ALIEN = $$$

Jim et John Thomas, deux frères pleins d’ambition sont les hommes à l’origine du scénario le plus excitant et le plus génial qui ai jamais été glissé sous la porte d’un ponte de la FOX (à l’époque). Leur concept était de faire fusionner deux genres fortement appréciés du grand public : le film d’action et de science-fiction.


« _Et si on imaginait une sorte de John Rambo -mais en moins dépressif- partant sur une nouvelle mission de sauvetage/destruction pour découvrir en cours de route que tout foire et qu’il n’est plus le patron du casting ? » propose Jim.

« _Mais oui ! Et on lui colle au cul un extra-terrestre maousse et belliqueux très décidé à lui arracher sa jolie petite gueule de vainqueur pour décorer le salon de sa navette spatiale ! » enchaîne John.

« _Ca, ça va cartonner les enfants ! » renchérit Joel Silver. « Reste plus qu’à trouver un jeune réalisateur créatif et un acteur bien balèze. Vous inquiétez pas je gère les dollars. » 


Et oui parce qu’en manipulation de dollars, il gère plutôt bien Joel. Grand magnat de la production hollywoodienne ayant débuté à la fin des 70’s, Silver aurait tout aussi bien pu s’appeler Gold. De L’ARME FATALE (Richard Donner, 1987) à MATRIX (Andy & Larry Wachowski, 1999), il a toujours su flairer les bon coups et a ainsi traversé les décennies en offrant au grand public du spectacle de qualité.

Remplaçant au pied levé le néo-zélandais Geoff Murphy après seulement quelques jours de tournage, c’est John McTiernan qui tiendra rigoureusement la barre du projet. Un brave gars de 36 printemps qui deux ans plus tôt avait refusé la direction de COMMANDO (Mark L. Lester, 1985). La star, c’est tout simplement Arnold Schwarzenegger. Tout auréolé des succès de, entre autres CONAN LE BARBARE (John Milius, 1982) et TERMINATOR (James Cameron, 1984), le culturiste autrichien a toujours le vent en poupe malgré quelques bides et son inénarrable accent qui ne semble pas s’en aller. Ayant toujours souhaité faire un film d’équipe où il ne se farcirait pas le casting à lui tout seul, Arnold fut réjoui que le script lui soit parvenu. En acceptant le rôle du Major Dutch Schaeffer, il donna le dernier coup de rangers nécessaire au lancement de la production. Avec une allure de série B musclée sentant bon le bois vermoulu de la forêt vierge, tout le monde croit dur comme fer au projet. PREDATOR n’est plus juste de l’encre sur du papier, c’est un hit en devenir.

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THE A-TEAM

Il faut maintenant trouver quels hommes constitueront le reste du groupe. Ils doivent, tout en possédant leurs propres caractéristiques avoir suffisamment de charisme pour exister aux côtés d’Arnold. Le commando dirigé par Schwarzie sera donc formé de sept bonhommes qui sont autant de machines à tuer que de vieux frères d’armes. Parmi les armoires à glace de service, on constate avec un immense plaisir la présence du seul mec ayant vraiment mis une branlée à Stallone : Carl « Appolo Creed » Weathers. Avec quatre ROCKY derrière lui, il est forcément comme un poisson dans l’eau sur ce film. La sueur et les coups, il connaît. Même s’il est l’outsider mal vu de l’équipe (parce qu’il bosse pour la CIA), Dillon force le respect de tous et s’impose jusque dans les dernières bobines. 


Autre gros bras du casting, le massif Jesse Ventura incarne le sergent Blain, un brute épaisse de 115 kilos dont la seule passion semble être de chiquer du tabac tout en maniant la plus grosse pétoire portative jamais vue au cinéma : une mitrailleuse Gatling M134. Surnommée « the old painless » (le vieux pépère), elle sera la pièce maîtresse de plusieurs scènes de déforestation, végétales comme humaines. A noter que l’utilisation d’une telle arme, initialement conçue pour faire feu à partir d’un hélicoptère est d’une aberration totale. Quel intérêt de se trimballer une sulfateuse de 20 kilos à six canons rotatifs tirant plus de 3000 coups par minute lors d’une mission d’infiltration dans la jungle ? Juste celui qu’on est au cinéma, que c’est l’Amérique et que ça se doit d’être cool. Et franchement ça marche, parce qu’à priori personne ne s’est jamais posé la moindre question sur la logique balistique du film. Ex-membre des Forces Spéciales de l’US Navy et ancien catcheur de son état, Jesse Ventura a donc plus que quiconque sa place ici. 


A ses côtés, Bill Duke est Mac, un soldat taciturne qui s’éponge la sueur au rasoir bic. On n’ira pas lui demander pourquoi ! Vieux frère d’armes de Blain, il se montrera particulièrement vindicatif en pleine action. 

Autre comédien au physique impressionnant, Sonny Landham interprète Billy, un géant indien fonctionnant à l’instinct, notamment grâce à « son putain de flair » selon Mac. Il fait en quelque sorte office de trouillomètre pour le reste de l’équipe : tant que lui n’a pas peur, c’est que tout baigne dans l’huile ! Il est donc logiquement le premier à ressentir la présence extra-terrestre et aussi le seul se résignant à cesser de fuir pour affronter son destin. Pour info, l’acteur était accompagné 24h/24h par un garde du corps. Non pas pour le protéger des autres mais pour protéger tout le monde de lui ! Son passé carcéral et ses accès de violence imprévisibles ont obligé la production à assurer la sécurité de l’équipe du film, sans quoi l’assurance se rétractait. Une chose est sûre, la testostérone n’est pas artificielle à l’écran.


Pour compléter la troupe de Dutch, le grenadier Poncho est joué par Richard Chaves. Soldat dans la 196ème Brigade d’Infanterie durant la guerre du Vietnam, l’acteur avouera avoir subi plusieurs impressions de déjà vu en arpentant la forêt qui héberge le tournage.


Le comique de service (car il en faut un) et opérateur radio Hawkins sera personnifié par Shane Black, un acteur occasionnel. Occasionnel car l’homme est beaucoup plus occupé à écrire des scripts parmi les plus rentables du cinéma d’action (toute la saga L’ARME FATALE, LAST ACTION HERO, LE DERNIER SAMARITAIN…). Il aurait été plus ou moins invité à jouer dans le film par Joel Silver, après que ce dernier lui ait demandé une ébauche supplémentaire du scénario de PREDATOR. Comme il refusait, l’idée était de le faire venir au Mexique pour participer au film et une fois sur place, lui mettre la pression. Cet ultime personnage bonus constitue quelque part un lien entre la fiction et la réalité, ce qui confère au métrage une aura particulière. Sûr que faire lire à Hawkins des comics « SGT. ROCK » entre deux scènes d’action est une idée de Shane lui-même, clin d’œil direct à la pop culture yankee. A présent il faut un vrai job à la hauteur d’une telle bande de salopards. 


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L’ENFER VERT

La mission : «Opération simple. Un jour maximum. Il faut repérer l’hélico, suivre les mecs à la trace, piquer les otages, rembarquer, passer la frontière pas vu pas pris et personne saura qu’on était là» explique Dillon à Dutch. En somme une simple ballade pour ces militaires rompus aux conditions les plus extrêmes. Preuve en est la destruction totale du camp des guérilleros à sept contre cent, le tout en déblatérant des calembours débiles, 80’s obligent (voir le fameux « aiguise-moi ça » de Dutch). Mais comme souvent sur un plateau de cinéma, la réalité s’avèrera bien plus harassante que la fiction.


Venu une semaine sur place avant le début du tournage, dans la forêt de Puerto Valarta au Mexique, les acteurs ont tout d’abord été durement formés aux exercices militaires par l’instructeur Gary Goldman, qu’ils ont élégamment surnommé « Adolf ». Déposés par camion à trente kilomètres de la base, ils devaient par exemple revenir à pied. De quoi se mettre dans le bain et augmenter rapidement le taux de testostérone. Avec une température au sol avoisinant les 40°, une topographie ignorant totalement la notion de surface plane et des armées d’insectes grignotant jour après jour le casting, les tensions n’ont pas tardé à se faire sentir, même entre les prises de vue. Cette électricité ambiante s’est très vite convertie en course à la performance et petit à petit, c’est un véritable esprit de compétition qui s’est sournoisement installé entre les comédiens. Pour l’anecdote, certains d’entre eux n’hésitaient pas à se lever à 4h du matin afin de courir et pousser de la fonte, et remettre ça une heure de plus avant le coucher. 


De son côté, McTiernan et le directeur de la photo Donald McAlpine s’arrachent les cheveux et doivent effectuer jusqu’à huit prises pour mettre en boîte un simple plan. La végétation est si dense que la profondeur de champ n’excède pas deux mètres, obligeant les techniciens à élaguer systématiquement dans les feuilles et les branches pour découvrir un peu d’horizon. Mais grâce à son sens inné de l’espace et sa mise en scène alternant habilement le fluide et le brutal, le réalisateur fait de cette espace vert si hostile son terrain de jeu dont il est seul maître à bord. Cette forêt moite et brumeuse devient finalement un personnage à part entière, augmentant à chaque minute la pression qui pèse sur les personnages. Le spectateur se surprend dès lors, tout comme eux, à scruter la moindre parcelle de feuillage pour tenter d’y deviner la menace. 


Venons-en maintenant à ce qui sera la mouche dans le lait, celui qui donnera beaucoup de fil à retordre à John McTiernan et son équipe.

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LE GRAND STAN

Des premiers essais costumés –catastrophiques- jusqu’au légendaire résultat final, la conception du Predator fut un tel « development hell » qu’il faillit ne jamais voir le jour. Initialement conçu comme une sorte de créature insectoïde à un œil, les quelques plans tournés avec ce costume -porté par un certain belge prénommé Jean-Claude- tirèrent d’eux-mêmes le signal d’alarme. Après que John McTiernan ait envoyé les images à la FOX, tous décidèrent de stopper temporairement la machine pour trouver une alternative. Or n’importe quel réalisateur vous le dira : sur une grosse production comme celle-ci, interrompre un tournage est généralement synonyme d’annulation pure et simple de l’affaire. Mais c’était sans compter sur Leonard Goldberg, fraîchement promu à la direction du studio. Ce dernier devinant le potentiel du film décida de débloquer les fonds nécessaires à la continuité de l’entreprise. Ce qui ressemblait à une mort dans l’œuf se révélera être un luxe rare pour l’équipe. Une vraie bouffée d’oxygène permettant à tout le monde de repartir du bon pied et ainsi d’attaquer le troisième acte sous un nouvel angle.


C’est Schwarzenegger lui-même qui suggéra à Joel Silver de contacter Stan Winston, l’homme qui donnera définitivement son identité au film en créant l’un des monstres les plus emblématiques du 7ème art. Déjà responsable des effets visuels sur TERMINATOR et ALIENS, Stan Winston repensa complètement le Predator en en faisant un guerrier humanoïde beaucoup plus proche de l’athlète terrestre que d’un quelconque insecte spatiale géant. C’est dans l’avion qui le mène au Japon qu’il esquisse la créature, s’inspirant d’un dessin de guerrier rasta pour son allure musclée et tribale, mais avant tout pour sa chevelure si particulière constituée de dreadlocks. Son voisin de siège, un certain James Cameron lui aurait dit : « J’ai toujours rêvé d’une créature avec des mandibules… ». Cette suggestion à peine déguisée engendrera définitivement le caractère du monstre, à travers ce visage terrifiant et racé devenu si célèbre. Le « Yautja » était né.


Concernant l’aspect technique de la chose, le Predator se retrouve agrémenté de tout un arsenal combinant adroitement le high-tech et le primal, l’adaptant parfaitement à son nouveau terrain de chasse. Doté d’un camouflage optique le rendant pratiquement invisible à l’œil nu, il dispose également d’une vision thermique lui permettant de détecter ses proies en discernant leur chaleur. A savoir que l’utilisation initiale d’une vraie caméra thermique par les techniciens s’avérera complètement inutile. En effet, la température au sol dépassant celle du corps humain, les protagonistes étaient donc impossibles à repérer. Et lorsque l’heure de la mise à mort a sonné, le prédateur peut au choix pulvériser ses victimes grâce à son canon plasma monté sur l’épaule et guidé par une triple visée laser du plus bel effet, ou les écharper en combat rapproché à l’aide de sa vicieuse double lame rétractable montée sur l’avant-bras. Vous l’aurez compris, Stan Winston et son équipe ont crée un chasseur redoutable et sournois qui n’est pas venu sur terre pour faire du tourisme. Attiré par les climats très chauds et les zones de guerre, il tient là plusieurs gibiers de choix qu’il va s’évertuer à éliminer dans la sauvagerie la plus totale. Et c’est d’ailleurs là un autre point d’orgue du métrage : introduire l’horreur la plus frontale dans le film de guerre. Filmant le gore sans complaisance, McTiernan n’épargne rien au spectateur. Le Predator est cruel et bestial et il doit nous le montrer. A ce titre, la découverte des premières victimes a tout du cauchemar éveillé. Ecorchés vif et pendus par les pieds, les cadavres de Jim Hopper et ses potes en ont traumatisé plus d’un. Quelle meilleure façon de diaboliser l’ennemi qu’en exposant ses œuvres sanglantes alors qu’il reste invisible ?


Pour remplir convenablement le costume du monstre, l’équipe fait appel à Kevin Peter Hall, acteur noir culminant à près de 2,20m, très habitué à jouer les géants. Véritable force de la nature, il se réjouit à l’idée d’être déguisé en un E.T. survitaminé poursuivant Schwarzenegger et ses copains dans la forêt vierge. Mais incarner la créature fut une véritable épreuve d’endurance physique et mentale pour lui. Le réalisateur a d’ailleurs tenu à lui rendre hommage en lui offrant une apparition à visage découvert : il joue également le pilote de l’hélicoptère récupérant Dutch à l’issue du film. Après avoir augmenté considérablement sa masse musculaire et s’être entraîné au combat médiéval, Kevin Peter Hall dépasse très largement les espérances. Une fois la panoplie du Predator revêtue, tous les stars s’évaporent et le film prend alors toute son ampleur. C’est comme si un extra-terrestre avait été capturé au fin fond de la galaxie et amené tel quel sur le plateau. Une excellente motivation pour l’athlète autrichien que d’être pourchassé par un tel monstre.  


Après les xénomorphes de LV-426 et le T-800 venu du futur, Stan Winston sublime une nouvelle fois le projet auquel il est attelé : c’est un ouvrier du cinéma qui a toujours préféré oeuvrer en dessinant, créant et sculptant des créatures palpables et inoubliables. Véritable légende dans le milieu, il a certainement transmis cet amour des monstres à beaucoup de créateurs en herbe. Une chance pour nous car aujourd’hui, à l’ère du tout numérique et des blockbusters se reposant exclusivement sur des SFX digitaux à un million de dollars la minute, cette humble notion d’un certain artisanat aurait tendance à péricliter. Qu’on se rassure, les effets spéciaux à l’ancienne, les maquillages traditionnels et autres bestioles de latex et silicone auront toujours leur place dans le cinéma moderne parce que suffisamment de réalisateurs passionnés et reconnaissants sont là pour les solliciter.

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L’HOMME ANIMAL

Ce qui à l’époque a surtout marqué les esprits au fer rouge dans PREDATOR, c’est son mano a mano final. Et là on ne parle pas d’un duel expédié en trois coups de savate et deux rafales de plomb. Non, car nous sommes ici en présence de l’une des plus belles transpositions à l’écran de la fameuse maxime de Nietzsche : « Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir un monstre lui-même». Ce n’est pas pour intellectualiser le propos mais force est de constater que le troisième acte de PREDATOR pourrait presque se suffire à lui-même. Friedrich l’aurait sûrement regardé en boucle s’il avait eu un magnétoscope et une télé.


Se retrouvant seul, à moitié nu, et désarmé de sa si virile sulfateuse, Dutch n’a pas d’autre choix que de faire corps et âme avec cette jungle inhospitalière qui le submerge et ainsi régresser à un niveau bestial. Ce long cri qu’il pousse du haut d’une falaise pour appeler son ennemi résonne d’ailleurs comme l’abandon d’une partie de son humanité. Le cerveau reptilien a pris le relais, tout n’est plus que survie et instinct meurtrier. Quelle ironie de constater qu’après tant d’années d’évolution et de domination, toutes les armes de l’homme se révèlent n’être qu’un feu de paille. Il aura fallu le violenter, le traîner dans la boue, le faire régresser au stade le plus primaire pour qu’il renaisse et soit capable d’affronter ses peurs. Le Yautja, sûr de lui et persuadé jusqu’au bout de sa condition de bourreau fera quand même preuve de respect envers sa proie. Ayant deviné qu’il tient là un spécimen unique de Terrien, pourtant si fragile en apparence, il se débarrassera de tout son équipement pour le combattre à armes égales. Une façon pour lui de mériter ce trophée crânien qu’il estime haut de gamme. Un fierté mal placée qui lui sera fatale, parce que le gibier face à lui bon sang, c’est quand même Schwarzenegger. En mauvais perdant qu’il est, le Predator jouera sa dernière carte : un as dans la manche sous forme de bombe nucléaire. Pas très fair-play tout de même. Emergeant des cendres encore fumantes, notre héros pourra rentrer au bercail non sans avoir laissé une partie de lui dans ce foutoir. On pourrait croire qu’après avoir survécu à un chasseur extra-terrestre et à l’atomisation de la forêt où il l’a combattu, Dutch, symbole absolu d’une toute puissance capitaliste nous pondrait un vieux sourire en coin tout en allumant un cigare. C’est plutôt un homme meurtri et traumatisé qui retourne chez lui, le regard dans le vide.

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LA SYMPHONIE

L’un des éléments les plus puissants du film PREDATOR, c’est définitivement sa musique. Et pour donner la bonne résonance à cette fresque guerrière, le compositeur Alan Silvestri s’est clairement surpassé. Après une première tentative ratée avec un orchestre européen, incapable selon lui de développer la puissance instrumentale nécessaire, Silvestri s’est tourné vers le Hollywood Studio Orchestra, possédant les seuls musiciens aptes à jouer sa partition. Disons-le tout net : la bande originale de PREDATOR est un pur chef-d’œuvre, peut-être supérieure au film lui-même sans laquelle ce dernier ne pourrait exister. Les différents thèmes impriment définitivement les trompes d’eustache et résonnent comme autant d’appel à la barbarie guerrière. Les roulements de caisse claire typiquement militaires s’estompent peu à peu pour laisser les percussions tribales envahir l’espace sonore et syncoper l’image. Rarement une musique n’a autant dévoré la pellicule, se fondant à tel point avec le métrage que sa simple écoute exige un nouveau visionnage immédiat. A ce titre, le morceau « Battle Plans » est des plus évocateurs. D’une durée de plus de neuf minute, c’est un véritable hymne guerrier, lent et progressif qui symbolise à lui seul toute la tension et la rage contenues dans le film, immortalisant les deux Némésis affûtant leurs lames pour l’ultime combat.


Développant son propre style avant de le parfaire à travers d’autres célèbres scores tels ceux de RETOUR VERS LE FUTUR et QUI VEUT LA PEAU DE ROGER RABBIT ? (Robert Zemeckis, 1985 et 1988), Alan Silvestri tout comme son aîné John Williams représente à lui seul une certaine idée de la musique de film des années 80 : ces symphonies inoubliables et magnifiques que nous collectionnons fébrilement sous tous les formats, du si précieux vinyle à l’immatériel numérique.

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PREDATOR sort le 12 juin 1987 dans les salles américaines. Le soir de la première, les acteurs sont abasourdis par l’accueil si enthousiaste du public. Les gens hurlent de terreur, jubilent de plaisir et la maman de Shane Black préfère quitter la salle avant de voir son fiston se faire écharper à l’écran. Véritable succès tant public que critique, le film rapportera 98 millions de dollars dans le monde pour un budget de 15 millions et assoie John McTiernan à la table des réalisateurs prometteurs et surtout « bankable ».


L’année suivante, il s’attellera à son nouveau long-métrage intitulé DIE HARD mettant en scène un jeune acteur talentueux mais habitué jusqu’ici aux films à l’eau de rose, un certain Bruce Willis. En 1990, McTiernan se verra offrir la réalisation de PREDATOR 2 (Stephen Hopkins) mais préférera se consacrer au projet A LA POURSUITE D’OCTOBRE ROUGE adapté d’un roman de Tom Clancy. 

Mais c’est bel et bien par PREDATOR que l’homme s’est défini, en signant le film d’action le plus sauvage des années 80. Alors que l’Amérique bien pensante mais cynique d’aujourd’hui formate sa production pour la plus grande majorité, nous n’avons plus qu’à regarder par-dessus notre épaule et contempler cette pièce maîtresse issue d’un passé glorieux où les seules limites étaient celles de la création.

Plus de vingt ans après, PREDATOR fait toujours autorité sur un ring où personne n’est venu lui reprendre son titre. Les vestiaires sont eux par contre pleins à craquer de bras cassés préférant déclarer forfait plutôt que de se mesurer à ce poids lourd invincible.

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