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Wes Anderson : Isle of Dogs se veut révolutionnaire et d'une maturité éclatante

C'est avec un neuvième long-métrage parfaitement maîtrisé que Wes Anderson nous offre un véritable film d'animation, drôle et touchant au message politique important.
Wes Anderson : Isle of Dogs se veut révolutionnaire et d'une maturité éclatante

L'évocation de son nom suffit pour remplir nos yeux de son univers si particulier, si coloré et si addictif. Wes Anderson est un des réalisateurs emblématiques de sa génération. Créatif, inventif et perfectionniste, il fait partie de ceux que l'on reconnaît dès le générique de sa dernière œuvre. Pour son neuvième long-métrage, le réalisateur texan renoue avec le cinéma d'animation pour le plus grand plaisir des spectateurs


Acclamé lors du dernier festival de Berlin, L'Île aux chiens est une des plus grandes attentes cinématographiques de cette année. Un statut mérité pour le dernier film d'animation du réalisateur américain dont le Fantastic Mr. Fox continue de nous questionner. C'est donc, une fois de plus que Wes Anderson nous plonge dans un univers renversant et, en osant les jeux de mots lègers, complètement mordant. Gardant ses tics de réalisation qui font sa réputation, comme son image à la symétrie parfaite, le réalisateur étire ses capacités et offre un film d'animation maîtrisé, drôle et touchant au message politique important.

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Si le cinéaste sudiste nous a habitué à des récits intimistes, cherchant la valorisation des sentiments personnels et la quête de soi, depuis quelques années, il apporte au sein de sa filmographie une dimension sociale et politique remarquable. Ici, allant encore plus loin, il interroge le spectateur sur les fake news, l'abus de pouvoir et autres théories du complot. Plaçant son intrigue dans un Japon futuriste, dirigé par un dictateur vénérant les chats, le réalisateur fait pourtant largement référence à l'Amérique moderne. Ses attachants toutous, forcés à l'éxil sur une île poubelle, sont pointés du doigt par le gouvernement et par une partie de la population qui les croient injustement porteurs d'une grippe canine. Inutile d'être grand penseur pour faire les liens entre cette histoire fictive et les situations outre-atlantique où le président, assoiffé de pouvoir, n'hésite pas à manipuler les masses.


Le récit ruisselant sur l'image, le cinéaste perfectionniste, joue d'autant plus sur la symétrie de l'image. S'amusant avec l'animation, il multiplie les échelles de plans et les effets de style, joue avec les couleurs plus vives les unes que les autres et parcourt tout ce que l'animation a de plus grand à proposer. Ce qui donne un film formellement brillant, à la technique grandiose. Même l'inconfort est sublimé à travers une imagerie propre à l'auteur. Celui qui est célèbre pour ses images rêveuses et dépaysantes n'a pas hésité à insérer des images brutales assez étonnantes comme ces scènes où les squelettes canins sont illustrés sans filtre ou bien encore la remarquable scène de préparation de sashimi à partir de poissons découpés vivants. Une scène révélatrice puisqu'elle entraîne un acte meurtrier de l'opposition par le gouvernement.

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S'ajoute à ce carton plein, un casting formidable, efficace et quatre étoiles aussi bien dans la version originale portée par Bryan Cranston, Scarlett Johansson, Edward Norton, Jeff Goblum, Greta Gerwig, Tilda Swinton, Ken Watanabe et, entres autres, Frances McDormand qu'en version française où Vincent Lindon, Romain Duris, Mathieu Amalric, Isabelle Huppert, Louis Garrel et Léa Sédoux se partagent l'affiche. Encore une fois, le réalisateur a tout géré. Le doublage a été pensé et fait avec soin et pour cause. Dans sa minutie, le réalisateur a souhaité que ses personnages japonais parlent leur langue maternelle. Quant aux acteurs anglophones, ils prêtent leurs voix aux chiens et exercent une traduction simultanée ce qui, en plus d'être admirable, apporte une particularité jouissive au long-métrage.


Enfin, le récit est mis en valeur de la plus belle façon qui soit, par une bande originale enivrante signée Alexandre Desplat. Le compositeur français, qui collabore pour la quatrième fois avec le cinéaste américain, allie la puissance et la douceur pour orchestrer ce récit qui en détient les mêmes qualités. Imprégné de la musique traditionnelle japonaise, le musicien a ponctué ses compositions par l'énergie de tambours mais également de clarinette et de saxophone offrant une dimension aventurière au film.


Par le biais de métaphores et d'images plus frontales, L'Île aux chiens, est une fable politique crédible, maîtrisée et créative. Sous la direction d'un Wes Anderson plus révolutionnaire que jamais, le long-métrage d'animation est d'une maturité éclatante.


Pauline MALLET


Isle of Dogs (L'Île aux chiens) au cinéma le 11 avril 2018.


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