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Lex Luthor : une mini série avec un très grand méchant

Comme nombre d’entre vous, je suis allé voir la confrontation cinématographique entre Batman et Superman et autant le dire tout de suite, j’ai eu mal à mon Luthor. Le film a bien quelques qualités, mais surtout nombre de défauts. Le plus difficile à
Lex Luthor : une mini série avec un très grand méchant

Ceux qui sont allé voir la confrontation cinématographique entre Batman et Superman ont sans doute eu mal à leur Luthor.  Le film a bien quelques qualités, mais surtout nombre de défauts. Le plus difficile à excuser est la vision de Lex Luthor par Zack Snyder, présenté comme un jeune con, cabotin et insolent. Par le passé Luthor a été bien des choses : savant fou à sa création dans les années 40, criminel et scientifique pendant l’âge d’argent, mais c’est John Byrne qui en 86, va remodeler la version moderne du Némésis de Superman dans la série « Man of Steel ». Luthor y est alors présenté comme un puissant homme d’affaire, cherchant à assoir sa domination sur Métropolis et voyant ces « héros » autoproclamés » comme des entraves au plein potentiel de l’humanité. 


C’est cette version du héros qui est choisie par le scénariste Brian Azzarello dans la mini série « Luthor » qui vient de ressortir chez Urban Comics et qui synthétise toute l’essence du personnage. Azzarello est surtout connu pour son polar « 100 Bullets » qu’il réalise avec Eduardo Risso, mais il est aussi responsable de la mini série « Joker » dans laquelle il revisite la folie du personnage éponyme, dans une version très inspirée par le « Dark Knight » de Nolan.  C’est avec le talentueux Lee Bermejo qu’il va tenter, encore une fois, de repenser, voir de réhabiliter l’ennemi de Superman.

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Pour écrire une bonne histoire de super héros, les scénaristes se sont rapidement aperçus qu’il fallait un bon méchant. A fil du temps, il est devenu essentiel de présenter au public un vilain qui puisse tenir tête aux héros. Même si Lex Luthor n’a pas de super pouvoir, il rivalise malgré tout avec l’homme d’acier pour une raison simple : il est la quintessence de l’homme dans ce qu’il y a de meilleur comme de pire. Car oui, Lex Luthor est lucide, il voit ces héros bariolés comme une menace pour l’homme.

Outre le danger potentiel que représentent ces surhommes, Luthor pense qu’ils sont un frein à l’humanité, fauchant toute la potentialité et la volonté des hommes qui vénèrent ces fausses idoles comme des dieux. D’un point de vue métaphysique, la vision de Luthor place l’homme au centre de tout, lui donnant un idéal de grandeur qu’il ne peut atteindre à la vue d’un mythe incarné. La plus grande force de Luthor face à Superman, n’est donc pas son intelligence, mais c’est qu’il a raison. Brian Azzarello fait de son personnage un être complexe, loin du manichéisme de l’âge d’or ou d’argent. Superman est présenté comme un dieu qui se prend pour un homme ; et son rival plus que quiconque sait que l’homme est faillible. Que se passerait-il si le dévouement et l’abnégation qu’il inspire étaient dévoyés ?

Du haut de sa tour, Lex Luthor cherche à débarrasser le monde de ce qui l’entrave. Entreprise complexe quand ce carcan est une force de la nature bienveillante. Avec l’aide de scientifiques, il va créer une arme capable de  révéler aux yeux du monde la véritable nature de l’alien. En construisant son propre surhomme (une femme du nom de « Hope »), il ne va jouer le jeu de ces soi-disant héros que pour les dénoncer et les gangréner de l’intérieur. C’est en étant plus malin qu’il va affronter et tenter d’éliminer son rival, car si comme Bruce Wayne, le visage de Luthor est celui d’un milliardaire philanthrope, c’est aussi un homme manipulateur et ambitieux, confiant en son intelligence.

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Azzarello apporte une richesse et une finesse indiscutables au personnage, faisant de Luthor un homme en quête d’un avenir meilleur. Un être dont la dévotion et l’altruisme, mêmes dévoyés, en font quelqu’un de touchant et de profondément humain. Le dessinateur Lee Bermejo qui avait déjà collaboré avec Azzarello sur « Joker », propose encore une fois des planches magistrales. La composition et la noirceur de son trait en font clairement un artiste à part entière, bien loin du tout venant clean, propres à de nombreux comics book, d’autant plus quand il est accompagné, comme c’est le cas ici, par le coloriste multi-Eisnerisé Dave Stewart. La composition de chaque séquence est quasi chirurgicale, laissant souvent de côté les bulles pour se mêler harmonieusement avec le texte d’Azzarello.


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Sorti initialement en 2005, « Luthor » garde toute sa puissance, proposant un récit complexe à l’image de son protagoniste. Affranchi de la barrière de héros ou de vilain, Azzarello et Bermejo dépeignent surtout un homme, agissant dans l’ombre pour le bien de l’espèce humaine, quitte à sacrifier sa vie à cette cause.


Christophe Balme

« Luthor » est actuellement disponible chez Urban Comics.