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Nirvana MTV Unplugged in New-York : l’un des concerts les plus fantasmés de l’histoire du rock

Le 18 novembre 1993, Kurt Cobain et son groupe Nirvana investissent une scène installée dans les mythiques studios de Sony Music, à New York, pour y interpréter l’un des concerts les plus fantasmés, commentés, révérés de l’histoire du rock.
Nirvana MTV Unplugged in New-York : l’un des concerts les plus fantasmés de l’histoire du rock

Le 18 novembre 1993, Kurt Cobain et son groupe Nirvana investissent une scène installée dans les mythiques studios de Sony Music, à New York, pour y interpréter l’un des concerts les plus fantasmés, commentés, révérés de l’histoire du rock. Pas même cinq mois après cette performance éblouissante, Kurt Cobain mettait brutalement fin à ses jours. Il avait atteint avec ce MTV Unplugged in New York, une sorte de point de non-retour, une reconnaissance mondiale et unanime. Tout le monde admettait alors le génie du songwriter Cobain qui n’en demandait pas tant et préféra se retirer. Tout était déjà hors de son contrôle depuis longtemps, de toute façon.


Mais revenons au show télévisé de MTV. En 1993, Nirvana est le groupe le plus important du monde. En termes de popularité, il se tire la bourre avec des Guns n’ Roses en bout de piste mais la partie est déjà terminée pour Axl et son gang. Kurt Cobain est désormais le type sur les épaules duquel on décide de placer tout le poids de l’avenir du rock, littéralement. Il incarne le futur du genre, le champion d’une génération, son sauveur (même s’il en sera le martyre). Ce que Kurt n’est pas encore, du moins aux yeux du grand public, c’est un véritable héritier des grandes plumes que furent Neil Young ou Dylan. Ce concert Unplugged va changer la donne parce qu’il emmène Nirvana là où (presque) personne ne les savait encore capables de s’aventurer : vers l’acoustique, le nu, l’intime. Quelques guitares sèches, un violoncelle et une batterie à balais seraient-ils en mesure de transcender la démonstration de rage désespérée des trois albums du groupe ? La réponse fut un oui éclatant, apportant ainsi la dernière pièce à l’édifice de la légende Cobain.

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Si la performance est si remarquable, c’est en partie dû au fait que Nirvana a tenu à se détacher des précédents épisodes de l’émission de MTV, déjà devenue une institution un peu prévisible, rodée par cinq années d’existence. Chaque artiste se produisant dans le cadre du Unplugged vient généralement interpréter un best-of extensif, ne prenant souvent pour seule initiative artistique que quelques arrangements blues ou folk, pour « créer de la proximité ». Comme si interpréter soudainement un tube planétaire en version piano/voix suffisait à lui conférer une dimension intime. La démarche peut fonctionner mais n’en demeure pas une science exacte pour autant. De son côté, Nirvana tente donc un coup de poker en préparant une setlist avare en tubes, faisant la part belle aux reprises obscures, aux invités peu médiatiques (les Meat Puppets, outsiders de génie) et aux morceaux moins attendus. Les pontes de MTV font d’ailleurs la gueule devant cette proposition résolument anti-commerciale, mais le groupe a la tête dure et le management ne lâche pas l’affaire. Pour enfoncer le clou, Cobain exige que le studio soit décoré de chandeliers, de cierges et de gerbes de fleurs. Lorsque la production lui demande s’il souhaite que le lieu ressemble au théâtre d’un enterrement, il répond que c’est exactement ce qu’il désire. 


Le concert se tourne d’une traite, dans une atmosphère éthérée, avec un Kurt enchaînant les clopes et les interprétations habitées. Dénudées, les chansons de Nirvana prennent une nouvelle dimension et le miracle qui pouvait parfois échapper à d’autres artistes se produit ici dans toute sa majesté. Aucune coupe ne sera effectuée. What you get is what you see. Lorsque l’épisode est diffusé, le 16 décembre suivant, il ressemble donc à ce que Nirvana souhaitait présenter aux spectateurs. Le public est extatique. Ce qui aurait pu se solder par un échec, faute d’accessibilité, devient une expérience intense, très personnelle, une entrevue privilégiée avec la personnalité fascinante de Kurt Cobain. Rarement un artiste n’aura paru aussi accessible, aussi réel et sensible à travers un écran de télévision, tout en conservant une aura quasiment christique. De Kurt Cobain émane un magnétisme inédit. Il est beau et chacun de ses gestes, jusqu’aux plus insignifiants, paraît mu par une puissance qui nous dépasse. Ses performances vocales sur des titres comme Pennyroyal Tea, All Apologies ou Where Did You Sleep Last Night atteignent l’âme de chaque téléspectateur et marque durablement les esprits. L’émission finit de convaincre la presse de la légitimité inattaquable de Cobain et son groupe.

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Cette réussite, qui dépasse largement le statut de show télé, place Nirvana, déjà surmédiatisé, sous de nouveaux projecteurs. Peut-être ceux de trop, dont la lumière aveuglante finira d’engloutir celle que Kurt Cobain dégageait. Deux ans plus tard, alors que les fans sont toujours en deuil, David Bowie est en tournée avec Nine Inch Nails pour soutenir Outside, un nouvel album ahurissant de modernité. Le titre The Man Who Sold The World, alors peu connu du public, a fait son apparition dans la setlist. Bien qu’écrite par Bowie en 1970, la version de Nirvana lors du MTV Unplugged est entrée dans l’inconscient collectif. Les plus jeunes félicitent son auteur original de reprendre du Nirvana sur scène. Quelque peu surpris, David Bowie se plaint d’abord du manque de connaissance d’une partie de son public. Puis, s’habituant à l’idée que les choses le dépassent, il présentera parfois sur scène ce titre comme étant une chanson de Nirvana. A l’époque de la diffusion du show, le monde était bien trop fasciné pour entendre Kurt marmonner « That was a David Bowie song. »


Joe HUME