« Jane » : une très belle adaptation du roman de Charlotte Brontë
Le récit est à la fois simple, touchant et efficace, faisant de « Jane » une très bonne surprise de cette rentrée 2019.« Jane » est une adaptation très libre du roman de Charlotte Brontë « Jane Eyre », publié en 1847. L’histoire suit Jane, une jeune orpheline maltraitée qui, après une période passée dans un internat souhaite changer de vie. Elle passe une annonce pour un poste de préceptrice et va être embauchée par Mr Rochester, personnage cultivé et ambiguë à la tête d’une fortune familiale. Au fil du temps, Jane et lui vont tomber amoureux mais leur amour semble impossible.
Pour tous ceux qui n’ont ni lu le roman, ni vu les nombreux films éponymes (le dernier datant de 2011 est réalisé par Cary Fukanaga qui sera en charge du prochain James Bond), pas de problème, Aline McKenna et Ramon K. Pérez vous proposent une version réactualisée de ce monument de la littérature anglaise.
Jane est une jeune fille qui vit cette fois-ci aux Etats-Unis, dans la Nouvelle Angleterre. Comme dans le roman de Brontë, c’est une orpheline qui souhaite changer de vie et se rend à New York pour suivre des cours de peinture. La jeune fille est pleine de vie et cherche un emploi qui lui permette de gagner un peu sa vie pendant ses études. C’est là qu’elle va envoyer sa candidature pour être la nounou de la petite Adèle Rochester, fille d’un riche industriel qui a tendance à négliger son statut de père. La complicité qui va naître entre Jane et Adèle va se renforcer au fil du temps et un amour va éclore entre Jane et le taciturne Mr Rochester dont la vie semble remplie de secrets.
Aline Brosh McKenna est une scénariste et productrice responsable entre autres des scripts du « Diable s’habille en Prada » et de « 27 Robes ». Elle débarrasse Jane Eyre de tous ses oripeaux pour faire de son héroïne une jeune femme actuelle, pétillante, forte et sûre d’elle. Si la première partie du roman sur l’enfance de Jane est assez vite traitée, McKenna va surtout s’intéresser à la relation entre Jane et la petite fille. Leur complicité va pousser Jane à bousculer Rochester afin de l’obliger à prendre ses responsabilités. L’amour qui va natre entre eux ne va pas venir d’une fascination béate mais d’un mélange de respect et d’incertitude. Le scénario explose le cadre du roman de Brontë mais en garde ses codes pour parvenir à un équilibre étonnant.
Ni mièvre, ni engoncé « Jane » est une relecture à la fois touchante et d’une grande justesse dont la partie graphique est assurée par le talentueux Ramon K. Perez. L’illustrateur canadien qui avait reçu l’Eisner Award pour la graphic novel pour l’excellent « Tales of Sand », montre encore une fois toute l’étendue de son talent. Loin du monde des super héros auxquel il a consacré une partie de sa carrière, Perez par son trait, arrive à donner du corps au récit en passant du crayonné à la ligne claire, du noir et blanc à la couleur et proposant de très belles aquarelles mises en couleur par Irma Kniivila. De manière générale, la séquentialité et le découpage sont le point fort du récit, soutenant magnifiquement le scénario de McKenna.
« Jane » n’est pas une adaptation stricto sensu du roman de Charlotte Brontë mais bel et bien une relecture dans l’ère du temps. En s’éloignant de l’ombre imposante de l’œuvre originale, Aline McKenna et Ramon K. Perez arrivent à trouver un ton et un rythme qui leur sont propres. Le récit est à la fois simple, touchant et efficace, faisant de « Jane » une très bonne surprise de cette rentrée 2019.
Christophe BALME