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Planet Hollywood : les princes de l'univers

Les restaurants Planet Hollywood ne sont pas que des musées du cinéma devant lesquels déguster un hamburger. Ils sont le symbole de l'apogée de la célébrité des actions stars des années 80-90.
Planet Hollywood : les princes de l'univers

Les restaurants Planet Hollywood ne sont pas que des musées du cinéma devant lesquels déguster un hamburger. Ils sont le symbole de l'apogée de la célébrité des actions stars des années 80-90. Fatalement, la chute des restaurants ne pouvait qu'annoncer le déclin de leurs mascottes. Histoire de destins liés, entre accessoires de tournage et sauce ketchup.


Qui est Bryan Kestner ? Un acteur raté de la fin des années quatre-vingt, comptant quelques rôles de figuration dans The Monster Squad et The Running Man en 1987, avec Arnold Schwarzenegger. C'est sur ces films qu'il rencontre le producteur Keith Barish en lui amenant une idée simple et lumineuse : créer une chaîne de restaurants à thème sur Hollywood, basé sur le modèle des Hard Rock Cafe. Le plagiat est si évident que le premier nom proposé est « Café Hollyrock ». Barish flaire tout de suite la bonne affaire. Il décroche un partenariat avec Robert Earl, ancien PDG de Hard Rock Cafe et, en quelques mois à peine, tout se met en place. Mais comment assurer la pérennité de l'entreprise ? En s'assurant que les représentants les plus populaires d'Hollywood soutiennent son lancement. Ils leurs proposent donc un deal très alléchant pour les attirer : des stock-options à bas prix en échange de leur soutien et d'un titre légal de propriétaire sur les restaurants. Si l'affaire plante, les pertes sont limitées. Si ça marche, ils s'assureront une belle retraite dans la restauration. C'est ainsi que les plus grandes stars du moment se rassemblent pour la première fois autour d'une même cause : le profit. Bruce Willis, Arnold Schwarzenegger, Demi Moore et Sylvester Stallone seront les premiers grands piliers de cet autel à leur gloire.


L'idée même d'un restaurant à thème centré sur Hollywood va avoir plusieurs conséquences. En premier lieu, il va renforcer le fétichisme du grand public pour le décorum des films les plus populaires. Un faux flingue de cinéma est tout ce qu'il y'a de plus banal, mais s’il a été tenu dans la main de John McClane, cela revient à contempler l'épée légendaire Excalibur. L'autre effet est qu'il pousse l'idolâtrie de ses icônes pour en faire des statues. Hollywood n'est plus un système construit sur des empires montés par des studios, des producteurs, des réalisateurs et de la machinerie complexe, mais par des acteurs aux rôles marquants. C'est un retour foudroyant au star-system de l'ancien Hollywood que nous vivons. À une époque où les univers partagés multi-plateformes n'existaient pas encore, ce n'est pas les marques de franchise qui comptaient, mais une toute petite poignée de personnalités aux rôles musclés qui assuraient la vitrine du royaume. Peu importe dans quoi ils jouaient. Peu importe la qualité des films. Il suffisait de leur nom en tête d'affiche pour s'assurer d'une première place au box-office pendant des semaines. Ces gens-là n'auront jamais l'Oscar du meilleur acteur ou la reconnaissance des festivals, seulement celle du grand public. L'acte qui officialise leur couronnement sur l'industrie ne pouvait être que le lancement des restaurants Planet Hollywood.

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Le 22 octobre 1991 à New York, le premier restaurant Planet Hollywood est inauguré. Cette année-là, le plus grand succès en salles est Terminator 2. Toutes les bonnes étoiles sont alignées. Un tapis rouge est déroulé à l'entrée du restaurant, rempli de célébrités à la manière d'une grande avant-première. C'est un fait inédit pour l'industrie du cinéma : donner à une chaîne de restaurants l'aura d'un blockbuster que tout le monde veut voir. Le succès est immédiat et colossal.


Les déclinaisons se multiplient, partout dans le monde. Los Angeles, Berlin, Madrid, Tokyo, Tel Aviv, Jakarta. Si vous visitiez une grande ville du monde dans le milieu des années quatre-vingt-dix, il y avait de fortes chances pour que vous tombiez sur un Planet Hollywood. Et il n'y en avait pas deux identiques, pas deux dans lesquels on retrouvait les mêmes costumes, les mêmes maquettes de vaisseaux spatiaux, les mêmes décors. On pouvait croiser un Alien à taille réelle à Paris, et manger devant Han Solo, emprisonné dans sa plaque de carbonite à Londres. Sur les Champs-Élysées, il faut parfois faire la queue pendant des heures avant de pouvoir avoir accès à une table. Loin du monde de la haute-gastronomie, l'un des restaurants les plus prisés de Paris est alors un fast-food très coûteux, maquillé en attraction pour le grand public.


En 1996, le succès est tel que le restaurant entre en bourse. En trois heures, l'action fait grimper la valeur de l'entreprise de 1,9 à 3,6 milliards de dollars. Les action-stars sont devenus des actionnaires, et qui plus est, immensément riches. C'est heureux pour eux car les années quatre-vingt-dix vont s'avérer de plus en plus difficiles. Hollywood va voir se réaliser la chute de ses propres héros, façon opéra germanique. La carrière de Demi Moore ne se remettra jamais de Striptease et de G.I. Jane. Schwarzenegger va faire l'erreur d'enchaîner La Course aux jouets et Batman et Robin. Bruce Willis tiendra un peu plus longtemps, grâce à Armageddon et au Sixième Sens, mais pour mieux retomber dans les années 2000. Le pire sera pour Sylvester Stallone. Depuis Rocky IV, il n'atteint plus la barre symbolique des 100 millions de dollars au box-office et en-dehors de Cliffhanger en 1994, il va enchaîner une décennie d'échecs en salles : Rocky V, Oscar, Arrête ou ma mère va tirer, Demolition Man, Judge Dredd, Assassins, Daylight, rien ne marchera. Si les projets s'enchaînent grâce à son nom, les gros budgets sont si déficitaires qu'ils emportent avec eux dans le néant des parties du pouvoir des studios de l'époque. C'est la fin d'une ère. Les gens ne peuvent plus se contenter d'un nom. L'avènement des franchises, porté par le triomphe des films de super-héros, attend son tour, prêt à prendre la relève en même temps que le siècle s'éteint.

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Pour Planet Hollywood, le phénomène va toucher à sa fin en parallèle. Si les stars qui vendent les restaurants n'ont plus l'aura populaire d'autrefois pour rameuter du monde, les restaurants en sont réduits à capitaliser sur leur collection d'objets de cinéma, qui n'attirera plus vraiment, une fois passé les premiers millions de curieux, et leur cuisine a une réputation désastreuse. « Les gens croquaient dans un hamburger et perdaient une dent. C'était un problème. » résume ainsi Stallone à l'époque. Le déficit va être aussi spectaculaire que l'ascension du départ. À la manière d'une montagne russe, la valeur de l'entreprise va descendre en flèche, passant de 32 à moins de 1 dollar l'action, et les restaurants vont en payer le prix en fermant les uns après les autres. Plus de 100 restaurants vont ainsi disparaître du paysage. La compagnie entre deux fois de suite en faillite. Et les stars qui comptaient sur leurs recettes n'auront plus que leurs yeux pour pleurer. Aujourd'hui, seuls six restaurants existent encore sur notre planète, quatre aux États-Unis et deux dans le reste du monde. Quant aux investisseurs, ils ont connu des fortunes diverses. Dépouillé de ses parts dans l'entreprise qui ne valaient plus un clou, Bryan Kestner s'est reconverti dans la production pour la télévision. Keith Barish a pris sa retraite. Robert Earl est devenu propriétaire du club de foot d'Everton et a créé une nouvelle chaîne de restaurants dans les années 2000, ayant pour thème cette fois la gastronomie italienne.


Mais à la manière de Stallone, Schwarzenegger et Willis dans les années 2010 avec les films Expendables, Planet Hollywood va connaître une renaissance, à une plus raisonnable échelle. Un grand hôtel/casino ouvre ses portes à Las Vegas en 2007 sur l'ancien lieu du mythique Aladdin Hotel, ouvert depuis plus de 40 ans. Seul Bruce Willis se hasarde à reprendre des parts dans l'aventure, tous les autres ont déserté. Toutefois, en souvenir du bon vieux temps, Sly y tiendra la première mondiale de John Rambo en 2008, qui avait marqué avec Rocky Balboa son grand retour. Quoi de plus logique que de lier son rôle le plus célèbre à la marque qui l'avait érigé en demi-dieu du cinéma ? Le nom même du Planet Hollywood était alors déjà devenu une pièce de son propre musée, synonyme du souvenir féerique d'une époque révolue et de ses gloires passées. 


Maxime SOLITO 

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