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Star Trek Discovery : opium du peuple, jouissance collective

Star Trek Discovery a largement entamé sa diffusion, et déjà s'annonce la saison deux. Mais alors qu'on se remet encore à peine du naufrage d' Inhumans – vous savez la série où Medusa se fait tondre les cheveux avec un sabot de deux comme au bled - e
Star Trek Discovery : opium du peuple, jouissance collective

*** attention, cet article contient quelques spoilers***


Star Trek Discovery a largement entamé sa diffusion, et déjà s'annonce la saison deux. Mais alors que l'on se remet encore à peine du naufrage d' Inhumans et que Stranger Things squatte les discussions du monde entier, il était temps de venir reconnaître un simple fait que l’on vous cache :  Star Trek Discovery est l’une des belles réussites de 2017.


A-t-on le droit de se faire avoir à ce point ? Oui, il faut bien l’admettre, les ficelles sont ici énormes et les astuces des scénaristes sentent à plein nez l’appel au premier poteau de Cavani. Mais ça rentre ! Discovery a été façonné pour entourlouper le trekker, satisfaire le netflixeur gavé de Marvel et alimenter les discussions du lecteur des Inrocks devant son spritz. Là ou The Magicians ou Westworld se perdent à force de ne savoir que faire d’un univers multi-référencé, à chercher l'attrape-couillon - nous en l’occurrence -, la nouvelle adaptation de la grande histoire de « La Fédération » trouve presque sa rédemption dans son désir de nous la faire à l’envers.


Car Star Trek Discovery est enfin la nouvelle grande série de cette incontournable franchise, celle que personne n'attendait plus.

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Aimer Star Trek fut longtemps à la culture geek ce que la new wave fut à la pop music. Il fallait accepter le ridicule des tenues et l'absence totale de classe des acteurs. Après la série originelle – qui combla tant de nos dimanche aprèm' à la grande époque des trois chaînes du service public- qui avait à jamais fait rentré la science-fiction dans le panthéon d'une télévision en quête de respectabilité auprès du septième art, il a fallu bouffer les suites, les préquels (Entreprise), qui vieillissaient aussi mal que les synthés de Simple Minds (ne revisionnez jamais Deep Space Nine). Epargnons nous les films, auxquels il faut reconnaître le mérite de remplir les grilles de RTL9 (avec le catch et le MMA). Le premier frisson nous parcoura l’échine quand J. J. Abrams  osa l'uchronie transgressive en 2009, même si les suites se révélèrent plus décevantes encore.


Il était donc toutefois possible d’ investir et de subvertir, sans déroger aux codes fondamentaux, cet univers, et lui rendre grâce, dans tous les sens du terme. Donc à moins d'être Sheldon qui reçoit des vœux de Leonard Nimoy sur une serviette en papier pour Noël, l’annonce de la nouvelle série avec en outre le sceau Netlix constitua autant une source de joie que d’angoisse.


Les trailers, comme la production pour le moins chaotique, laissèrent dubitatifs. On avait cramé avec notre esprit averti et rodé aux gueules de bois "Live long and prosper" tous les trucs et astuces, le ton décalé, la psychologie torturée de l’héroïne entre sentiments humains et éducation vulcaine, les apparats narratifs très sobres à la Daredevil,  le choix futé de choisir un officier en second noir et à la froideur androgyne jusque dans son nom - Michael Burnham- , demi-sœur adoptive de Spock. Ajoutez une histoire au long cours plutôt que des petites intrigues sur un épisode, un couple gay à ciel ouvert (les précédents fonctionnaient plus dans l’allusif) le retour en force des Klingons... On a tunné parfaitement Discovery pour que la culture Star Trek s'enfonce en douceur dans le relookage imposé par Netflix à Marvel, jusqu'au générique, musique et design, avec juste à la fin deux petites notes en guide de clin d'oeil au thème séminal.

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Sauf que .. c’est un pur bonheur, même les sentences en guise de dictons à oreilles pointues passent comme une lettre à la poste. On y plonge la tête baissée. Parce que c'est pour cela qu'on aime cet univers. Star Trek n’a jamais prétendu réinventé les codes du conte de fée, à l'instar de Star Wars. La saga s’appuie sur la douce certitude que l’histoire, notre histoire, n’est pas finie. Les doutes et les questions s’écrivent au présent avec un beau futur antérieur pour les réponses. Que ce soit le fanatisme de l’empire Klingon, l’identité fluctuante de l’héroïne, la mise en abîme permanente de l’intrigue qui nous offre même un clin d’oeil au final de Twin Peaks (première et seule version acceptable), cette science-fiction « à vice et à boulon » y joue pleinement son rôle de matrice pop et culturelle. Discovery a peut-être pimpé le « char », mais au final on y retrouve le même plaisir coupable que lorsqu’on regarde Pawn stars. L’humanité sent la rouille, même dans l’espace. Karl Marx disait que la religion est l’opium du peuple. Star Trek aussi. Et Discovery c’est de la bonne came...


Nicolas Kssis-Martov