Star Wars 8 : notre critique du film sans spoiler
Qu’est-ce qui fait un grand Star Wars ? Un bon Star Wars, on le sait : des batailles dans l’espace, des personnages comme des icônes, de l’humour, de l’aventure, un peu d’amour, des lieux exotiques.Qu’est-ce qui fait un grand Star Wars ? Un bon Star Wars, on le sait : des batailles dans l’espace, des personnages comme des icônes, de l’humour, de l’aventure, un peu d’amour, des lieux exotiques. Avec tous ces éléments bien utilisés, on peut obtenir un bon Star Wars. Mais pour que le film soit grand, pour qu’il se hisse au rang des pics de la saga, il faut autre chose. Une chose qui, comme la Force, demeure impalpable. Un souffle, une énergie qui circule entre chaque plan, chaque idée, chaque phrase. Une Force miraculeusement maîtrisée par Rian Johnson.
On n’attendait pas vraiment au tournant le discret Rian Johnson. Si les amateurs de science-fiction lo-fi se souvenaient de son très réussi Looper, en 2012, on n’allait pas jusqu’à l’imaginer aux commandes d’un épisode de la plus grande saga cinématographique de l’histoire d’Hollywood. C’est pourtant le projet qui monopolise son attention depuis 2014, et le fruit de ses trois années de travail est grand. Un grand Star Wars qui sort dans une période de transition.
Il suffit de jeter un œil distant sur internet pour s’apercevoir que la base de fans de Star Wars a évolué. À la génération qui a grandi avec la trilogie originale succède celle de la prélogie. Les attentes sont multiples, parfois totalement contraires les unes aux autres. La tâche de Johnson était ardue. Et après un épisode VII de très bonne tenue, mais très révérencieux, le nouveau réalisateur décide d’opérer un virage salvateur.
Tout en respectant la continuité installée par film de JJ Abrams, Rian Johnson prend quelques chemins de traverse, joue avec nos attentes et propose une aventure qui prend plus d’une fois un tour inattendu. La mise en scène est superbe, ample, audacieuse. On retrouve un peu de l’âpreté de Rogue One et de l’Empire Strikes Back mais aussi une folie de couleurs, une multiplicité de lieux, de personnages, de petites histoires se greffant à la grande. À la différence de Gareth Edwards l’an dernier, Johnson trouve le bon équilibre entre le grand spectacle et l’intime, entre les affrontements colossaux et les batailles intérieures, les conflits de l’âme.
Car les grands Star Wars sont surtout ceux qui exposent leurs personnages, les rendent palpables, légitiment leurs décisions, qu’elles soient terribles ou salvatrices. Rey, Luke, Kylo Ren, Poe, Finn, Rose, Leia, Amilyn Holdo. Leur humanité irrigue ce récit fleuve qui fait faire un grand pas en avant à cette nouvelle trilogie. Le status quo n’est plus, les cartes sont rebattues et l’avenir sera passionnant. Le traditionnel affrontement entre la lumière et l’ombre n’est plus aussi manichéen que par le passé, les personnages, bons ou mauvais sont moins unilatéraux. Rian Johnson leur apporte de la nuance, de l’épaisseur, et jette un délicieux voile de mystère sur les potentielles conséquences des événements de son épisode charnière.
Rien n’étant totalement parfait, on n’évite pas quelques passages un peu gênants. On retrouve çà et là quelques ressorts narratifs trop connus des amateurs de la série. Et le film, dont les producteurs braillent fièrement qu’il est l’épisode le plus long de la saga, aurait probablement gagné à se délester d’une quinzaine de précieuses minutes pour gagner en rythme. Mais ces quelques défauts n’entament pas la réussite globale de l’œuvre de Rian Johnson.
Rogue One et The Force Awakens s’appuyaient sur les fondations solides posées par George Lucas il y a 40 ans. The Last Jedi commence enfin à se défaire de cet héritage parfois étouffant pour laisser entrevoir quelque chose de plus libre. Il n’est d’ailleurs pas surprenant de voir les studios Disney lui confier une nouvelle trilogie (dont il a déjà annoncé qu’elle n’aurait aucun lien avec la famille Skywalker) tant on sent dans son Épisode VIII le désir d’explorer de nouveaux territoires. En attendant, The Last Jedi est une formidable bouffée d’air frais tout en restant fondamentalement un pur Star Wars. Un grand Star Wars.
Joe HUME