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The Usual Suspects : Passage en revue des troupes

En dehors de Harrison Ford, véritable star incontestable du projet qu’on ne vous fera pas l’affront de présenter, le cast de Blade Runner est constitué d’éternels seconds rôles, comédiens tombés dans l’oubli ou n’ayant jamais confirmé leur indéniable
The Usual Suspects : Passage en revue des troupes

En dehors de Harrison Ford, véritable star incontestable du projet qu’on ne vous fera pas l’affront de présenter, le cast de Blade Runner est constitué d’éternels seconds rôles, comédiens tombés dans l’oubli ou n’ayant jamais confirmé leur indéniable potentiel.


La véritable “malédiction de Blade Runner” ne se trouve t-elle pas plutôt là ? Quoiqu’il en soit, que ce fut par leur jeu, leur physique, leur présence ou simplement par la dimension inoubliable de leurs personnages au sein de l’univers délimité par Sir Ridley Scott, ils ont largement contribué à faire du film l’un des jalons les plus respectés du cinéma de science-fiction. Mais qui sont-ils ? Et que sont-ils devenus après leur passage par Ridleyville ? Séquence profilage.

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RUTGER HAUER (Roy Batty)

L’acteur batave né près d’Utrecht il y a 73 ans est bien connu des nombreux fans de son compatriote Paul Verhoeven, pour lequel il tourna son premier grand film, Turkish délices (1973) puis 3 autres (Keetje Tippel, Le choix du destin, Spetters) avant que le futur réalisateur de Robocop, Total Recall et Basic Instinct ne s’exile aux Etats-Unis. Son premier film en Amérique ne sera pas Blade Runner, mais bien Le vent de la violence (1975) pour Ralph Nelson, un film âpre sur l’Apartheid où il partage l’écran avec Sidney Poitier et Michael Caine. Dans Femme entre chien et loup (1979) d’André Delvaux, où il partage la vedette avec Marie-Christine Barrault et Roger Van Hool, le Hollandais croise la route d’un Jean-Claude Van Damme tout minot dans sa première apparition à l’écran. Deux ans plus tard, à l’occasion de sa seconde incursion aux Etats-Unis, il travaille avec Sylvester Stallone et Billy Dee Williams dans Les faucons de la nuit. Là encore, pas vraiment un succès artistique en dépit de la réussite financière au box office. Sa première rampe de lancement outre-Atlantique sera en réalité le téléfilm Inside The Third Reich (1982) dans lequel il interprète Albert Speer, grand architecte du parti Nazi, aux côté d’un beau casting (Derek Jacobi, Trevor Howard, John Gielgud, Maria Schell, Ian Holm, Robert Vaughn…). 


Un rôle glaçant qui lui vaut d’être remarqué davantage encore. Après Blade Runner, sa performance lui permet d’accéder à des projets plus high profile comme Eureka en 1983 (de Nicolas Roeg, avec Gene Hackman, Mickey Rourke et Joe Pesci) ou encore son premier rôle principal aux USA, Osterman Weekend (1983) de Sam Peckinpah, avec John Hurt, Dennis Hopper et Burt Lancaster. Deux belles affiches, deux échecs cuisants. Par la suite, la carrière de Rutger Hauer ne décollera jamais vraiment, malgré des collaborations remarquées avec Richard Donner (Ladyhawke La femme de la nuit, 1985), Paul Vehoeven encore (La chair et le sang, 1985) ou encore David Webb Peoples (Le sang des héros, 1989) – le co-scénariste de Blade Runner qui signait là son seul long-métrage de fiction comme réalisateur. Pour le reste, il traversa l’essentiel des années 80 et 90, et même le début des années 2000, dans le ventre mou de Hollywood à aligner les nanars ou les petits films de série B. Robert Rodriguez et Christopher Nolan lui offrent un début de renaissance, avec des rôles remarqués dans Sin City et Batman Begins en 2005 et on croit un instant le Hollandais Volant relancé. Hélas, il retombe presque aussi sec dans un oubli relatif, dont on ne parviendra à sauver que quelques pépites indé (Hobo with a shotgun, Bruegel le moulin et la croix) et quelques apparitions dans la série True Blood d’Alan Ball pour HBO. Cette année, on le retrouve à l’affiche de deux films français très… contrastés : Gangsterdam, le dernier Kev Adams (ça fait mal) et Valerian et la Cité des Mille planètes (ça pique quand même un peu aussi). Pour Besson, ce choix de casting fait sens tant il doit à Blade Runner. Mais Roy Batty mérite mieux.


Fun fact : Hauer a interprété Lothos dans le film Buffy, tueuse de vampires (1992) réalisé par Fran Rubel Kuzui (qui, conscient de ses limites, se reconvertira comme producteur, notamment de la série déclinée par Whedon et ses spinoffs) et évidemment scénarisé par Joss Whedon. Un prototype – dans lequel l’héroïne est incarnée par Kristy Swanson – que la série Buffy contre les vampires contribuera à effacer des tablettes. Thank god! 


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SEAN YOUNG (Rachael)

Hélas, trois fois hélas, Sean Young n’aura pas eu la carrière que Blade Runner lui prédestinait. Son caractère, entier, déluré et parfois difficile, souvent borderline, lui auront fermé toutes les portes. Exemple type : voulant absolument obtenir le rôle au final obtenu par Michelle Pfeiffer dans le Batman Returns de Tim Burton, Young harcela - en costume de Catwoman ! - le metteur en scène pour qu’il la choisisse. Il n’en fera rien et la réputation de Young était faite. Née en 1959 à Louisville dans le Kentucky, sa carrière est une longue série de films et téléfilms loupés, sans intérêts, anecdotiques ou au mieux sympathiques. 


Avant Blade Runner, elle n’a que deux apparitions au ciné à son crédit, dont Les Bleus (1981) de Ivan Reitman, avec Bill Murray, John Candy, Harold Ramis et Warren Oates. Après le chef d’œuvre de Scott, qui fut une expérience relativement douloureuse pour elle, pas grand chose à se mettre sous la dent hormis le Dune raté (1984) de David Lynch, Wall Street (1987) d’Oliver Stone avec Charlie Sheen, Daryl Hannah et Michael Douglas, Sens unique (1987) de Roger Donaldson, avec Kevin Costner et Gene Hackman ou encore Ace Ventura, détective chiens et chats (1994) avec Jim Carrey. Elle finit très vite par se réfugier dans des rôles ingrats dans des séries et téléfilms, et s’installe même aux Feux de l’amour au début des années 2010, bouée de sauvetage d’un long naufrage pour une actrice qui n'a jamais vraiment réussi à en devenir une.

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DARYL HANNAH (Pris)

Après des débuts en fanfare à la toute fin des années 70 (Furie de Brian de Palma) et à l’orée des eighties, avec Blade Runner, Splash (premier grand rôle aux côté de Tom Hanks dans ce feelgood movie signé Ron Howard) et Le Pape de Greenwich Village (avec Mickey Rourke et Eric Roberts) deux ans plus tard, une grande carrière s’annonçait. Suivent dans la foulée L’affaire Chelsea Deardon (de Ivan Reitman, avec Robert Redford et Terence stamp), Wall Street de Oliver Stone, Crimes et délits de Woody Allen et Potins de femmes (avec Shirley MacLaine, Sally Field, Dolly Parton, Julia Roberts et Sam Shepard), le tout sur une période s’étalant de 1986 à 1989. Prometteur, n’est-il pas ? C’est là que ça se gâte, avec des nineties fantomatiques, où Daryl Hannah accumule les échecs, les nanars et les films mineurs de réal de premier plan (Les aventures d’un homme invisible, de John Carpenter, en 1992). 


Les années 2000 prenaient le même chemin mais la renaissance lui est offerte par un habitué de ce genre d’offrandes : Quentin Tarantino. Ce dernier la choisit pour incarner Elle Driver, tueuse légèrement psychopathe, dans son génial diptyque Kill Bill (2003-2004). Hélas pour la belle blonde, ce carton n’aura aucun effet sur la suite immédiate de sa carrière et il faut attendre dix ans pour la voir émerger dans un projet de premier plan, avec un rôle récurrent dans la série Sense8 (2015-2017) créée par les soeurs Wachowski pour Netflix. Dommage là encore, la série a été annulée plus tôt que prévu et les projets ciné qui s’annoncent dans sa filmo à venir n’ont pas l’envergure que cette comédienne talentueuse et toujours avenante mérite. 

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EDWARD JAMES OLMOS (Gaff)

Né en 1947 à L.A. dans une famille d’origine mexicaine, Olmos partage très tôt sa vie entre ses deux passions que sont la musique et la comédie. Il finira par trancher, pour notre plus grand plaisir. Après des débuts comme guest à la télévision au milieu des années 70 (Kojak, Starsky et Hutch, Hawaï police d’état, Chips…), il tourne dans son premier film ambitieux, Virus (1980), pour le Japonais Kinji Fukasaku, aux côtés d’autres acteurs internationaux tels que Bo Svenson, George Kennedy, Glenn Ford ou Robert Vaughn, noyés dans un cast entièrement nippon mené par Sonny Chiba. 


Il tourne ensuite dans quatre films qui lancent définitivement sa carrière : 300 Miles for Stephanie (1981), Wolfen (1981), avec Albert Finney, Diane Venora, Gregory Hines et Tom Noonan, Chicanos Story (1981) et surtout The Ballad of Gregorio Cortez (1982), dans le rôle titre, avec Bruce McGill, Ned Beatty et surtout Brion James (Leon) et William Sanderson (Sebastian). L’après Blade Runner immédiat ne le fait pourtant pas crouler sous les sollicitations de projets forts, et tout au plus glane t-il quelques rôles dans des séries en vues comme Capitaine Furillo (Hill Street Blues), et surtout Deux flics à Miami pour un personnage récurrent. Hormis un joli personnage dans la belle mini-série The Fortunate Pilgrim (1988) adaptée de Mario Puzo (Le Parrain), avec notamment Sophia Loren, John Turturro et Hal Holbrook, la suite de sa carrière sera un long chemin de croix. 


Il y aura bien quelques petites réussites au cinéma (Envers et contre tous, Sans rémission, qu’il met lui-même en scène, etc) et des passages remarqués à la télévision (A la Maison Blanche, Dexter, Marvel : Les agents du S.H.I.E.L.D.), mais guère plus. C’est d’ailleurs sur le petit écran qu’il signe son interprétation la plus importante depuis Blade Runner, là aussi dans le domaine SF, puisqu’il incarne le Commandant Adama dans la sublime saga Battlestar Galactica (2003-2009). Cette année, outre la reprise de son personnage iconique dans Blade Runner 2049, Edward James Olmos prête aussi sa voix au dernier Pixar en date (Coco) et achève le tournage du Predator de Shane Black prévu pour 2018. La fin de carrière a du bon ! 

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JOANNA CASSIDY (Zhora)

Née en 1945 dans le New Jersey, Joanna est grande, belle, athlétique et dotée d’un sens de l’humour tonitruant (ce rire !). Elle avait tout pour réussir, quoi. Elle débute par de minuscules apparitions dans Bullitt avec Steve McQueen (1968) et la série Mission impossible (1972) avant de s’essayer au cinéma dans des rôles microscopiques ou des films ratés (Echec à l’organisation, Le flic ricanant, Bank shot, Emilie l’enfant des ténèbres, Le chat connaît l’assassin). Elle termine les années 1970 et débute les eighties en faisant des apparitions à la télévision, des passages forcément remarqués par les Français (Starsky et Hutch, Dallas, Drôles de dames, Pour l’amour du risque, La croisière s’amuse, Falcon Crest, L’île fantastique). Bref, pas de quoi se taper le cul sur la commode. Pas grand chose à sauver non plus, hormis Blade Runner évidemment. 


Allez, Opération crépuscule (1989, avec Gene Hackman, Tommy Lee Jones et Pam Grier), pour être gentil. Et, bien entendu, le génial Qui veut la peau de Roger Rabbit de Robert Zemeckis, dans lequel elle n’incarne pas un toon mais Dolores, le love interest de Eddie Valiant / Bob Hoskins. Les années 90 et 2000 ne seront guère reluisantes, avec des guest à la pelle à la télé et des films anecdotiques ou faisandés (Tout pour réussir, Un vampire à New York, Poursuite). Une carrière de second plan, en résumé, en dépit de passages éclairs sur des plateaux cotés comme le soap Melrose Place, le procedural Boston Justice, le sublime Six Feet Under pour HBO et des rôles plus récurrents dans Body of Proof (2011-2013), Call Me Fitz (2010-2013) et Odd Mom Out (2015-2016). Circulez, y'a pas grand chose à voir. Mais Blade Runner, Roger Rabbit et Six Feet Under, c’est un podium pas si dégueu que ça, finalement.

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WILLIAM SANDERSON (Sebastian)

Sanderson fait partie de ce qu’on appelle les character actors, des comédiens inclassables en gros, surtout connus pour des interprétations versatiles, démesurées, extraverties ou très “typecastées”. C’est toujours le mec qu’on voit au second plan, on le reconnaît, on l’apprécie, mais on est bien emmerdé quand il s’agit de dire comment il s’appelle. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il est toujours juste et généralement bien casté, avec son air endormi et son accent sudiste à couper au couteau. Né en 1944 à Memphis dans le Tennessee, Sanderson fait ses débuts essentiellement à la télévision (où il fera l’essentiel de sa carrière) à la fin des années 1970, avec Starsky et Hutch ou Shérif, fais-moi peur !, notamment. 


Suivent de maigres choses sympatoches au cinéma (Chasse à mort, The Ballad of Gregorio Cortez, Rocketeer) et plus de réussites au petit écran (Lonesome Dove, Newhart, True Blood), avec le magistral Deadwood pour HBO en point d’orgue. Avec ses rôles cultes de Sebastian, créateur d’automates dans Blade Runner, et de E.B. Farnum, hôtelier et maire ripoux dans la série de David Milch, Sanderson a ses deux rôles-signature. C’est toujours plus que la vaste majorité des acteurs.

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BRION JAMES (Leon)

Encore une de ces gueules de cinéma bourrées de charisme ou de démesure qu’on prenait plaisir à retrouver sur grand écran ou à la télévision. Né en 1945 en Californie, Brion James débute au milieu des années 1970 à la télévision et trouve un tout premier rôle non crédité dans Le bagarreur de Walter Hill (qui deviendra son réalisateur fétiche), avec Charles Bronson et James Coburn, puis des rôles rikiki dans En route pour la gloire de Hal Ashby avec David Carradine, Deux farfelus à New York de Mark Rydell avec James Caan, Michael Caine et Elliott Gould, Nickelodeon de Peter Bogdanovich avec Ryan O’Neal, Tatum O’Neal et Burt Reynolds, le tout en 1976. Mais ça ne mène d’abord à rien et c’est au petit écran qu’il fait réellement ses preuves (La mini-série événement Racines, L’incroyable Hulk, Mork & Mindy, Chips…). Le début des eighties s’annonce bien pour James, avec de petit rôles dans des films ambitieux comme Le facteur sonne toujours deux fois de Bob Rafelson avec Jack Nicholson et Jessica Lange, Sans retour de Walter Hill avec Keith Carradine et Powers Boothe, les deux en 1981, puis Blade Runner l’année suivante. 


Outre de nouvelles collaborations avec son mentor Walter Hill pour 48 heures et 48 heurs de plus (1982 et 1990 respectivement), avec Nick Nolte et Eddie Murphy, puis Double détente (1988) avec Arnold Schwarzenegger, James Belushi et Laurence Fishburne, les années 80 de Brion James sont parsemées de petites pépites indé telles que Mort sur le gril de Sam Raimi (avec Bruce Campbell, évidemment), écrit par les frères Coen, et petits et gros blockbusters (La chair et la sang de Paul Verhoeven, avec son ancien collègue replicant Rutger Hauer, Enemy, délire SF de Wolgang Petersen avec Dennis Quaid et Louis Gossett Jr, Tango et Cash, avec Sylvester Stallone, Kurt Russell et Teri Hatcher). Des années 90, on retiendra surtout ses apparitions dans The Player de Robert Altman, Piège en eaux troubles avec Bruce Willis et Sarah Jessica Parker et Le cinquième élément de notre Luc Besson national, aux côtés de Milla Jovovich, Gary Oldman et Bruce Willis again. Brion James décède trop tôt, en 1999, à l’âge de 54 ans. En dépit de sa disparition prématurée et de ses rôles éternellement secondaires, il aura durablement imprégné la pellicule à chacune de ses apparitions.

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JOE TURKEL (Eldon Tyrell)

L’un des soldats condamnés à mort pour couardise dans Les sentiers de la gloire de Kubrick ? C’est lui. Le barman-fantôme dans Shining, encore de Kubrick ? C’est toujours lui. Eldon Tyrell, le créateur deus ex machina des replicants dans Blade Runner ? Le sommet d’une longue carrière discrète débutée à la toute fin des années 40. Né en 1927 à New York, Joseph Turkel n’a pas grand chose à se mettre sous la dent au début de sa filmo, si ce n’est beaucoup de rôles de soldats ou de petites frappes, souvent non crédités, comme dans Baïonnette au canon (1951) de Samuel Fuller. Puis beaucoup de télévision et de rôles toujours anonymes au cinéma, en arrière plan. Stanley Kubrick lui donne bien des rôles dans L’ultime razzia (1956) puis Les sentiers de la gloire l’année suivante mais sa carrière ne décolle toujours pas. La canonnière du Yang-Tsé (1966) de Robert Wise avec Steve McQueen et Richard Attenborough est son premier projet de grande ampleur et il gagne un peu en épaisseur à l’écran. Mais il replonge dans un certain oubli avec des rôles de guest en cascade sur le petit écran et des apparitions à peine remarquées en salles. 


Jusqu’au début des années 1980, où Shining puis Blade Runner le rappellent au bon souvenir des cinéphiles... pour replonger aussi sec dans le médiocre. Damned ! Son tout dernier rôle sera minuscule et injustement anecdotique. Celui d’un concierge, non crédité (!?), dans la sitcom Incorrigible Cory (1998). Joe Turkel a fêté ses 90 printemps en juillet dernier. Décidément inoxydable et, hormis trois rôles phares qui l’ont extirpé pour toujours aux griffes de l’oubli, il aura traversé sa carrière comme un fantôme. Kubrick était décidément un visionnaire. On entend encore Turkel prononcer ces mots prophétiques : “Qu’est-ce que je vous sers, Monsieur Torrance ?”

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M. EMMET WALSH (Capitaine Bryant)

Quand on parle de tronches que l’on connaît bien mais dont on ne remet jamais le nom, Walsh est en bonne place ! Né en 1935 dans l’Etat de New York, Walsh commence sa carrière d’acteur relativement sur le tard, puisqu’il traîne sa dégaine de dur à cuire à l’écran depuis la fin des années 60 seulement. Arthur Penn s’entiche de sa tronche de second plan, et le fait tourner coup sur coup dans Alice’s Restaurant (1969) et Little Big Man (1970). Mais ça ne porte pas vraiment à conséquences et il enchaîne des rôles toujours aussi petits sur grand écran (Les évadés de la planète des singes, On s’fait la valise docteur ?) puis un poil plus importants à la télévision (Nichols, The Sandy Duncan Show). Durant les années 1970, il participe à quelques projets en vue comme Serpico de Sidney Lumet, Enfin l’amour puis Nickelodeon de Peter Bogdanovich, En route pour la gloire de Hal Ashby, Mikey et Nicky, avec Peter Falk et John Cassavetes, La castagne de George Roy Hill avec Paul Newman, Le récidiviste avec Dustin Hoffman ou encore le multiprimé Des gens comme les autres de Robert Redford. Mais ce sont les années 80 qui seront davantage profitables à Walsh, avec des rôles remarqués dans Blade Runner, bien entendu, Sang pour sang, le galop d’essai des frères Coen derrière la caméra, Portés disparus, premier opus magnum chucknorrissien, Critters, Arizona Junior avec les frangins Coen encore, Bigfoot et les Henderson et Meurtre à Hollywood, un Blake Edwards mineur mais high profile. 


A l’exception du chef d’oeuvre de Ridley Scott et des deux projets signés Joel et Ethan Coen, pas de quoi se relever la nuit. Walsh travaille beaucoup mais il accumule surtout des rôles sans réelle substance ou de troisième plan, tendance confirmée dans les années 1990 (Sauvez Willy 2, Roméo Juliette, Le mariage de mon meilleur ami, Wild Wild West). Le domaine de la voix sera l’une de ses activités les plus réussies, avec pléthore de narrations et interprétations dans quelques petites pépites comme Le géant de fer de Brad Bird ou encore Adventure Time avec Finn et Jake. L'octogénaire a encore plusieurs rôles de prévu dans des films de série B, au moment où nous bouclons ce papier. Dans la continuité, en somme. 

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JAMES HONG (Chew)

Alors là, bonne chance pour résumer la carrière de cet acteur sino-américain prolifique ! Si prolifique, d’ailleurs, que IMDb lui avait consacré une vidéo hommage (ICI et ICI) en s’extasiant logiquement sur sa longévité : 421 crédits recensés, en près de 60 ans de carrière ! Né en 1929 à Minneapolis dans le Minnesota, Hong a tellement enchaîné les rôles que ça donne le tourni. C’est le mec de confiance, le go-to-guy auquel les studios ont systématiquement fait appel dès qu’ils avaient besoin d’un asiatique à l’écran. Cet espèce de space traveller a traversé tout un pan de la pop culture américaine, est passé par tous ses recoins, accumulant les petits rôles jamais insignifiants, du fait de sa présence, de cette gueule forcément familière quand on aime la télé et le cinéma. Et si ça ne suffisait pas, il est tout aussi prolifique dans le domaine de la voix. Bref, le type a fait tellement de trucs qu’on ne s’aventurera pas à citer des exemples : il est partout, on vous dit ! 


Dans beaucoup de merdes, aussi, c’est vrai, mais il n’est pas oublié de projets plus en vue. Pour résumer sa carrière, qui s’apparente à un interminable défilé de guests, il cite volontier Blade Runner (bien que l’expérience l’ait terrifiée à l’époque, à cause de l’atmosphère délétère qui régnait sur le plateau), dans lequel il interprète Chew, l’ingénieur légèrement fêlé qui crée des yeux artificiel pour les replicants de la Tyrell Corp, ou son travail vocal dans la saga Kung Fu Panda ou encore Mulan de Disney. Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg, bien entendu. Hong, c’est l’acteur toujours prêt à travailler et qui n’a aucun plan de carrière. Si ça augmente la taille de sa filmo sur IMDb, c’est tout bénef. Pas sûr qu’on se souvienne encore de lui dans 50 ans, mais l’important est ailleurs. A 88 ans, Hong a encore trois films dans les tuyaux à l’heure où nous écrivons ces lignes… 


C’est une machine, qu’on vous dit !