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Top Gun c'est l'Amérique !

C’est ici que tout commence. C’est là, sur cette piste de décollage, que débute le mythe Tom Cruise, que son aura prend son envol, que l’acteur se fait star, et que le nom devient légende. Une collaboration au service d’un film totem, symbole de son
Top Gun c'est l'Amérique !

C’est ici que tout commence. C’est là, sur cette piste de décollage, que débute le mythe Tom Cruise, que son aura prend son envol, que l’acteur se fait star, et que le nom devient légende. Une collaboration au service d’un film totem, symbole de son époque.


Un Amour infini, Taps, et plus particulièrement Outsiders, petit Coppola de 1983, ont contribué à faire de Thomas Cruise Mapother IV un nom, dans le vent (un peu), à suivre (très certainement). Second rôle ou petite branche d’un grand arbre, il se sait promis à bien davantage, mais ne brillera en solo que quelques mois plus tard, dans le rôle de Joel, jeune adolescent de Chicago désireux de prendre du bon temps en l’absence de ses parents. Succès, fans, chèque. Mais le visage est encore celui d’un gamin, la mèche est bien trop lisse, le sourire, déjà carnassier, toujours enfantin, et c’est justement ce qui fait son charme, son attrait : Tom Cruise, le temps d’un film, encore un, est un petit peu comme les autres gamins de son époque. Plus pour longtemps. En 1985, il est Jack dans le très raté (incompris dirons d’autres) Legend de Ridley Scott. Une fable dans laquelle il court dans la forêt avec une princesse et des licornes (on vous la fait courte). Et dès 1986, il devient Maverick devant la caméra du frère, Tony. Quinze millions de dollars de budget, $356 830 601 de recettes dans le monde. 

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« À nous l'ivresse, l'ivresse de la vitesse ! »

Top Gun est un shoot d’adrénaline, et il a été pensé ainsi. Captivant et intense. Top Gun, c’est l’histoire de Maverick. Un héros selon les termes définis par Joseph Campbell, professeur, écrivain et conférencier, rappelons-le, auteur de la théorie du monomythe, selon laquelle les légendes et contes sont des expressions d'un schéma narratif unique : l’appel de l’aventure (ressenti dès les premières notes du générique ici), le refus de l’appel (Maverick brise les règles de l’engagement face à Jester), le monde spirituel (« Look man, I know it’s tough for you. [But] every time we go up there, it’s like you’re flying against a ghost »)... Il existe 17 étapes, Top Gun les respecte toutes. Top Gun, c’est aussi un pur film de propagande : la grandeur de l'Amérique, la peur de l'URSS, luttes et triomphes des meilleurs, des meilleurs, des meilleurs. Le film sort en 1986. La Guerre froide suit son cours. Tony Scott se tourne vers l’armée afin qu’elle l’aide dans son entreprise : adapter un article d'Ehud Yonay intitulé Top Guns et paru en 1983 dans le magazine California. Sujet : the U.S. Navy's Top Gun School. Des mecs, des avions, un patriotisme exacerbé… L’époque le veut, Tony Scott lui offre. Et Jerry Bruckheimer, auréolé des succès de Flashdance et du Flic de Beverly Hills, sait faire. Matthew Modine refuse le rôle ? Pas grave. Tom Cruise aussi ? Il lui offre un tour en avion avec les Blue Angels, la patrouille acrobatique de la Marine américaine (Navy Flight Demonstration Squadron) créée en 1946 : « et alors la Navy emmène Tom là-haut, il prend 5G, ils font tout. Tom descend, court vers une cabine téléphonique, et m’appelle pour me dire qu’il fait le film ». Sur le plateau de Jimmy Kimmel, trente ans après la sortie du film, l’acteur, lui, se souvient d’une tout autre histoire : « j’ai dit à mon agent que je voulais faire le film, mais je lui ai dit de ne pas le dire à Jerry, car il se trouve que je voulais voler avec les Blue Angels ». Maverick est différent. Maverick, ce n’est pas nous. Nous serions plutôt Goose. Il est évident, dès la première scène, que Tom Cruise incarne lui, non l’américain moyen, mais le héros dont l’Amérique a besoin. Après que le duo ait réussi à faire fuir des avions soviétiques, au moment de rentrer à la base, il réalise que Cougar est bloqué. Effrayé. Perdu. Maverick, dans les airs, va à l’encontre des ordres, le ramène à bon port. Cougar verra son enfant grandir et Maverick de devenir, par la même occasion, la tête brûlée que nous ne serons jamais, et le meilleur pilote de sa génération. 

« L'ennemi est dangereux Maverick, mais toi, t'es pire que l'ennemi... tu es dangereux et con ! »

Selon Joseph Campbell, le parcours du héros se termine par ce que nous appellerons la liberté de vivre. Comme on le souhaite, comme on l’entend. Top Gun ne parle que de cela. De liberté. Parce que fuck yeah l’Amérique. La Guerre du Viêt Nam est encore dans tous les esprits, les Américains ne croient plus en leur armée, le moral est en berne, les années Reagan battent leur plein, la Navy souhaite recruter. Quelques mois après la sortie du film, dans un article du L.A Times, le lieutenant Ray Gray se félicite : la Marine compte un grand nombre de nouveaux inscrits (pas bête, cette dernière alla jusqu’à distribuer des tracts à la sortie des cinémas, et mettre en place des cabines pour ceux désirant s’inscrire). Après la diffusion du film, l'US Navy indiqua que le nombre de jeunes hommes s’enrôlant en voulant être pilote augmenta de 500%. Top Gun est le plus gros succès de l’année 86. On lui attribue, selon certains sondages, une grande responsabilité dans le retour d’un patriotisme exacerbé, un temps mis à mal. C’est peut-être lui faire trop d’honneur, mais le fait est que… Top Gun est un succès, et Tom Cruise, désormais, une icône. À partir de là, tout change. 

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« Reste dans mon aile, j'te ramène comme une mariée. »

Désireux de choisir ses rôles, et disposant désormais de la possibilité de dire non autant que oui, Tom Cruise n’a guère l’intention de promouvoir le film durant de longs mois. Il décide donc d’organiser une tournée promotionnelle de quelques jours, mais durant laquelle il visite, parfois seulement quelques heures, plusieurs pays. La promotion moderne est née ici. Et l’acteur de partir tourner chez Martin Scorsese, Oliver Stone, Barry Levinson, ou dans Cocktail, petit film honteux des années quatre-vingt, néanmoins apprécié et chéri. Parce que le Tom Cruise des années quatre-vingt. Parce que les Beach Boys. Parce c’est coloré, fun, insouciant, niais, un peu nul, vaguement cool. La décennie est flamboyante, la suivante sera explosive : Tony Scott de nouveau, Brian de Palma, Rob Reiner, Sydney Pollack, Stanley Kubrick… Jusqu’à La Guerre des mondes en 2005, Tom Cruise est au-dessus de tout et de tous. Et tout est parti de là. Des bancs de l’académie, d’un baiser échangé avec Kelly McGillis, de la tension avec Iceman, d’un match de volley. Puis, près de dix ans plus tard, il y eut le monologue de Quentin Tarantino dans Sleep With Me (1994) : « Dans un bon scénario, tout repose sur la subversion. Tu sais quel est le meilleur script jamais écrit à Hollywood ? C’est Top Gun, l’histoire d’un type qui se débat contre sa propre homosexualité. D’un côté tu as Maverick, un type qui est toujours au bord du précipice. De l’autre tu as Iceman et ses potes, ils sont là, à tenter Maverick, à lui dire de façon insidieuse : viens, viens, rejoins-nous dans la voie gay. Et puis il y a Charlie qui symbolise l’hétérosexualité et qui lui dit : non, non, prend la voie "normale". Tu as cela tout au long du film...» On a le droit d’être d’accord ou non avec les élucubrations du réalisateur de Pulp Fiction, mais le fait est que voilà un autre niveau de lecture, encore un. Faites-en ce que vous voulez. Tom Cruise, lui, s’en moque bien. Il est là-haut. Et va y rester près de vingt ans. 

« Tu as cette réputation… de faire cavalier seul »

Annoncée depuis des années, mise à mal par le suicide de Tony Scott mais relancée par un Tom Cruise désireux de donner un coup de fouet à une carrière nettement moins passionnante (la décennie 2010 est tristement pauvre), la suite de Top Gun serait, apparemment, prévue pour 2019. Tournage durant l’été. Réalisateur : Joseph Kosinski, déjà à l’œuvre sur Oblivion. Compositeur : Harold Faltermeyer, de retour trente années plus tard. Mais l’époque a changé, le rêve américain est une illusion, la Guerre froide est terminée. Les drones ont pris la place des pilotes (ce que Top Gun : Maverick, selon les rumeurs, documenterait). Tom Cruise ne provoque plus les succès, il les espère. Tony Scott n’est plus, et Val Kilmer plus vraiment. Alors quoi ? Une suite pour rien, comme Hollywood en produit désormais à la pelle ? Peut-être. Sans doute. Mais en ces temps troublés, comment en vouloir à celles et ceux qui désirent, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, se souvenir d’un chouette film promotionnel qui laissait croire à tout un chacun que le ciel était à leur portée, et que l’héroïsme était made in America ? On ne peut pas. Top Gun, c’était le rêve américain. Tom Cruise était l’objet de tous les désirs. Et Berlin chantait Take My Breath Away. Tube composé par… Giorgio Moroder. Mince, les années quatre-vingt étaient décidément fantastiques !


Nico PRAT


Texte tiré du Rockyrama n°19 - Tom Cruise

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