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Vous devriez lire Jurassic Park avant de le revoir

Tout le monde connaît le film, mais peu ont lu le roman. Et pourtant, la comparaison des deux est une véritable leçon.
Vous devriez lire Jurassic Park avant de le revoir

Tout le monde connaît le film, mais peu ont lu le roman. Et pourtant, la comparaison des deux est une véritable leçon. Attention, spoilers un peu partout !


Certes, le roman Jurassic Park, paru en 1990, fut un bestseller, et reste encore aujourd'hui l'une des oeuvres les plus connues de Michael Crichton (on vous recommande également chaudement la lecture de Pirates). Et pourtant, alors que la saga cinématographique perdure, que le film de Steven Spielberg, sorti en 1993, a atteint le statut de classique impossible à visionner sans réciter les dialogues par coeur, peu, en 2017, entreprendront de lire le roman, peu s'en souviennent, et force est de constater que la jeune génération, souvent, ignore même que le film est une adaptation.


La lecture du Parc Jurassique, et dans une moindre mesure, de sa suite, Le Monde Perdu (également adaptée par Papa Steven), est pourtant une intéressante, voire fascinante plongée dans le processus créatif d'un grand auteur de science fiction, d'un immense réalisateur, et dans les coulisses de la fabrication d'un monstre du septième art.

Il y a d'abord le jeu des différences, et elles sont nombreuses. Alan Grant, dans le roman, adore les enfants, alors qu'il ne peut les supporter dans le long métrage. Il n'est pas en couple avec Ellie Sattler (qui n'a elle pas trente ans), Tim est le grand frère de Lex, et Hammond n'a rien du papy sympathique filmé par Spielberg, mais est dépeint comme un milliardaire sans scrupule, davantage attiré par l'argent que par la réalisation de ses rêves de gosse. Il meurt d'ailleurs à la fin, dévoré par ses créatures. Malcolm décède aussi, avant de ressusciter au début du Monde Perdu, sans que cela n'ait guère de sens.


Le roman nous présente un personnage, Ed Regis, directeur des relations publiques du parc, qui n'apparaît pas dans le film. Sur pellicule, il devient plus ou moins, avec quelques nuances, l'avocat d'InGen, Donald Gennero. Un individu antipathique sur grand écran, qui meurt en lâche, tandis qu'au fil des pages se dessine un homme parfois courageux (dans le roman, c'est Ed Regis qui prend la fuite).


Le livre comporte également quantité de scènes qui ne figurent pas dans le film : le tyranosaure poursuivant les enfants et Alan Grant le long d'une ribière (supprimée du scénarion pour des raisons budgétaires), et une autre, dans laquelle ces mêmes personnages se retrouvent face à des ptérosaures. Mais c'est vers la fin du roman que les plus grandes différences sont présentes : Alan Grant, Ellie Sattler, Robert Muldoon et Donald Gennaro se retrouvent dans un nid de vélociraptors, et l'armée bombarde intégralement l'île.


Le roman, enfin, imagine la migration de ces espèces disparues, une idée jamais réellement traitée au cinéma, si ce n'est dans l'ultime plan de Jurassic Park 3, qui nous montre un ptérodactyle s'envolant loin de Isla Sorna.



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Histoire rythme, personnages, dialogues... Le métrage et le livre cohabitent, avec les mêmes contraintes, auxquelles il faut ajouter la contrainte budgétaire, propre au film. La lecture après visionnage, ou l'inverse, révèle autant sur Crichton que sur Spielberg et la titanesque entreprise qu'est la réalisation d'un film. Crichton peine à pondre des dialogues corrects (un souci qui n'est pas propre à Jurassic Park d'ailleurs), un souci que n'a pas le film. Crichton a de la place et du temps, pas Spielberg. L'île de Crichton ne répond à aucun plan précis, elle n'est pas géographiquement "stable", là où Spielberg, lui, se doit de placer ses héros dans un réel tangible.


Mais surtout, au-delà de la vaine et ridicule comparaison qualitative des deux oeuvres (comment juger un film meilleur qu'un livre ? Le Penseur de Rodin serait "meilleur" que Spirou ?!), ce qui ressort de ce petit jeu, c'est la marque de fabrique d'un auteur, Steven en l'occurrence, cinéaste de la famille (ses films ne parlent bien souvent que de cela), qui ici utilise le roman comme un matériau brut qu'il est libre de manier à sa guise afin d'y projeter ses propres envies, ses propres rêves. Grant et la paternité, Hammond et son enfance, Lex et l'adolescence, pour au final plus largement interroger la notion même de cinéma, de création. Voici ce qu'en disait Ray Harryhausen, en 2003 : "Je n'aurais pas voulu participer à Jurassic Park. L'animation de modèles a été reléguée au stade de point de départ des animations par ordinateur, une méthode qui a atteint un niveau inimaginable. Mais pour moi, ce réalisme de la création sur ordinateur n'est pas réel car il lui manque une chose : le rêve. La fantaisie, pour moi, est d'imaginer des créatures étranges, bizarres, dont nous n'avons pas idée. Les dinosaures en font partie, car quoi qu'en disent les scientifiques, nous ne savons pas à quoi ils ressemblaient ou comment ils bougeaient, mais aussi les créatures de l'esprit. Le stop motion apporte le souffle de vie qu'il leur faut, car ils vont bien au-delà de ce que nous savons".


Hammond face à la science, Spielberg face à Harryhausen... Lisez ou relisez le livre, revoyez le film. Et prenez note: c'est ainsi que naissent les légendes.


Nico Prat