Created by Richard Schumannfrom the Noun Projecteclair_rocky
Design, Article & Cream
superstylo

15 jours à la maison, 15 films : Ricochet

La vie est ainsi faite : nous devons toutes et tous, pour la sécurité de chacun, rester à la maison pendant quinze jours, au moins. Quinze jours, quinze films, à voir ou à revoir.
15 jours à la maison, 15 films : Ricochet

Ricochet (1991 – Russel Mulcahy)


Chaque décennie a son lot de cas extrêmes, de recettes exploitées à outrance, de machins incroyables témoignant des déviances d'une époque. Ces œuvres-là ont une importance historique, on les étudie comme des archives archéologiques. À lui seul, Ricochet synthétise les pétages de plombs du producteur Joel Silver, joyeux mégalomane qui – et c'est la fibre artistique qui parle – a déclaré un jour : « I've made a lot of stupid action films in my life... but I like stupid action films and am kind of proud of them. » Intégrité totale qui n'a d'égale que la générosité du bifteck : de son titre plus tue-l'amour tu meurs, à ses acteurs en roue libre, le thriller « nawak » dont il est ici question explose les machines à sous et le casino avec.


On se délecte de l'improvisation en plein tribunal d'un Denzel Washington faisant croire aux spectateurs hallucinés qu'il est le meilleur avocat du monde, et l'on savoure ce qui, point par point, semble être le versant cauchemardesque de son futur rôle à Oscars pour Philadelphia. Chemise de nuit rose pétant, flingue dans le slibard, acteur malgré lui d'une sex-tape hilarante, Denzel est aussi mis à mal que JCVD dans Piège à Hong Kong. On jouit quand John Lithgow rétorque à un flic trop pressant, « les gars de la commission t'attendent, Blake. J'espère que tu t'es brossé les dents », une subtilité rhétorique telle que : « Bien sûr. Avec la touffe de ta femme... » On n’est pas si loin du nirvana quand l'inénarrable duo se la joue « concours de bites » par le biais d'un bras de fer dans une piscine déserte, pour ce qui semble être un hommage relatif à la fameuse scène de Predator... Alors que les punchlines, elles, rappellent Commando (le grand méchant y parle tout de même de se taper un chien !) et que Denzie, lui, finira le film avec le marcel de John McLane. 

Mais surtout, la puissance de Ricochet réside en ce constat implacable : c'est complètement fou. De l'analphabétisme visuel de Russel Mulcahy qui, encore tout auréolé du succès de Highlander, semble vouloir réinventer les règles cinématographiques (abusant contre toute logique d'un zoom pour démontrer le caractère obsessif du psychokiller), à la dimension aléatoire d'un scénario certainement écrit sous coke, où des taulards vêtus de bottins téléphoniques se bastonnent dans la cantoche d'une prison, en passant par le poids des produits marketing ajoutant un brin de non-sens au projet (Ice T, aussi crédible que LL Cool J dans Peur bleue), cette grosse machine-là est moins un sommet de suspens psychologisant qu'un étendard de l'art bourrin. Paradoxalement, en exploitant à fond les codes d'un certain cinéma (explosions, répliques qui butent, (anti ?)-héros trop cool, violence gratuite et assumée) qu'il a lui-même popularisé, Silver ne poursuit pas sa petite routine, mais atteint un réel point de non-retour. Car Ricochet est une addition de tempéraments cintrés : un metteur en scène se prenant a priori pour Kubrick, des acteurs en freestyle rappelant davantage le De Niro de Nerfs à vif que celui de Taxi Driver, et un producteur/dieu qui, dans sa soif de divertissements atomiques, n'a jamais peur de l'overdose accumulative. Et il a bien raison : c'est tout ce que l'on souhaite.




Clément Arbrun 





Ricochet est disponible sur OCS.




Article initialement paru dans le HS Rockyrama Videoclub disponible ICI.

15-jours-a-la-maison-15-films-ricochet