15 jours à la maison, 15 films : Razorback
La vie est ainsi faite : nous devons toutes et tous, pour la sécurité de chacun, rester à la maison pendant quinze jours, au moins. Quinze jours, quinze films, à voir ou à revoir.Razorback (Parole à la défense - 1984 - Russel Mulcahy)
?De resucées débiles de Jaws, les étagères poussiéreuses du cinéma bis en sont infestées. Elles occuperont les amateurs de requins en carton jusqu’à la fin des âges.
Cela dit, les rip-off du film de Spielberg ne mettent pas toujours en scène des squales. On a vu des piranhas, des alligators, des grizzlys et même des boogeymen se comporter comme d’implacables machines à tuer. Et dans chaque film, le schéma du scénar’ est invariablement le même, à quelques détails près. Razorback, réalisé par l’Australien Russell Mulcahy (qui commettra ensuite deux premiers Highlander) est fait du même bois.
On y retrouve la scène d’attaque initiale, le mec traumatisé que personne ne prend au sérieux, le personnage un peu éclairé qui connaît la vérité, les véreux qui tentent de tirer parti de l’affaire, et le monstre. Un monstre qu’on nous dévoile d’abord avec parcimonie, bien entendu. Car si l’art de la suggestion était utilisé par Spielberg pour contourner les soucis techniques, ses suiveurs abusent volontairement du procédé.
Bon, après, quand on voit la gueule du sanglier géant carnivore qui terrorise l’outback australien, on se dit que ce n’était peut-être pas plus mal de nous le cacher un peu. Mais on ne peut pas non plus nier que, trente ans plus tard, l’effet spécial garde un certain charme cheap. Razorback n’est pas un chef-d’œuvre, loin de là. Les dialogues n’ont d’égal que l’acting calamiteux du casting, la musique empile les effets à la mode sans vraiment proposer de thème marquant et le récit tient difficilement la route jusqu’à son final bordélique.
Cependant, le film a pour lui plusieurs trucs qui en font un idéal « deuxième film » du samedi soir. Tout d’abord, c’est l’histoire d’un sanglier. Géant. Qui mange les gens. Dans l’outback australien. Rien que ça, avoue, t’as envie de glisser la VHS dans le magnéto, Michel. Et puis il y a ce sympathique faiseur qu’est Russell Mulcahy. Gros réalisateur de clips, le type se débrouille tout de même comme un chef lorsqu’il s’agit de filmer les espaces arides qui lui servent de décor. Il s’est également appliqué pour la mise en valeur de la bête, authentique locomotive infernale détruisant tout sur son passage. À ce titre, la scène d’intro est assez réussie. Le cadrage, les jeux de lumière, tout y est. Seul le montage, très marqué 80’s, accuse son âge. Mais ça fonctionne. Au bout du compte, Razorback est un film plutôt bien servi par ses faiblesses et bénéficiant, contrairement à d’autres daubes du genre, de spécificités qui en font une œuvre unique en son genre.
Des années plus tard, Greg McClean, jeune réal’ australien du très bon Wolf Creek, saura retenir quelques leçons de son vieux compatriote Mulcahy. Son film de monstre, le Crocodile Flick Rogue, lui doit autant qu’à Spielberg. Au cimetière des monstres de cinéma, le Razorback ne repose peut-être pas dans les cryptes les plus chics, mais son spectre se prélasse avec délice dans la fange nauséabonde qu’on réserve aux outsiders.
Joe Hume
Article initialement paru dans le HS Rockyrama Videoclub disponible ICI.