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15 jours à la maison, 15 films : Midnight Run

La vie est ainsi faite : nous devons toutes et tous, pour la sécurité de chacun, rester à la maison pendant quinze jours, au moins. Quinze jours, quinze films, à voir ou à revoir.
15 jours à la maison, 15 films : Midnight Run

Midnight Run (1988 - Martin Brest)


Le buddy movie est sans aucun doute l’un des genres les plus emblématiques des années 80. Si certains titres, comme 48 Heures ou L’Arme fatale, ont acquis un statut mythique auprès du grand public, Midnight Run, lui, possède une aura spéciale, sans doute plus discrète aux yeux du grand public, mais tout aussi forte – si ce n’est plus – auprès de ses fans les plus inconditionnels. Méconnu chez nous, le film de Martin Brest (un mauvais réalisateur de studio à la carrière peu prolifique et à qui l’on doit le très surestimé Flic de Beverly Hills) fait l’objet d’un vrai culte aux États-Unis. En particulier dans le milieu du cinéma et notamment chez les praticiens de la nouvelle comédie américaine, comme le réalisateur Judd Apatow et le comédien Seth Rogen, qui ont avoué à plusieurs reprises leur admiration pour cette comédie d’action parfaitement rythmée – les deux compères sont même allés jusqu’à s’en inspirer pour produire, écrire et interpréter le film Délire Express.



Il faut dire que Midnight Run est un véritable modèle du genre : reprenant le schéma éprouvé du couple disparate, des deux caractères contraires obligés de cohabiter, le script suit les pérégrinations en mode road movie d’un chasseur de primes acariâtre, Jack Walsh, chargé de convoyer à travers les États-Unis un comptable en délicatesse avec ses employeurs mafieux, Jonathan Marducas, alias « le Duc ». Pourchassés à la fois par le FBI et la pègre, les deux hommes vont apprendre à se détester avant de finir par s’estimer. Bref, le schéma classique. Sauf que ledit schéma est totalement transcendé par les éléments qui l’illustrent.


Avant tout axé sur ses deux personnages principaux, le film a l’intelligence de les faire peu à peu se rapprocher en leur opposant des ennemis communs : le prêteur sur caution qui emploie Jack, mais qui ne cesse de l’arnaquer, les agents du FBI qui les poursuivent et surtout, les hommes de main de Jimmy Serrano, le boss mafieux qui est la cause de leur disgrâce respective (Marducas lui a volé plusieurs millions de dollars pour les donner à une œuvre de charité et Walsh a dû quitter la police après avoir refusé de se laisser corrompre). Balisé de savoureux running gags ayant leur rôle dans l’intrigue (les lunettes de l’agent du FBI volées par Walsh, le chasseur de primes concurrent qui tombe toujours dans le panneau lorsque Walsh veut se débarrasser de lui…) et de poursuites en bagnoles rythmées par la zizique imparable de Danny Elfman, Midnight Run est en outre quasi exclusivement peuplé de personnages constamment au bord de l’ulcère – à l’exception de Marducas, qui est le seul à garder le contrôle. D’où, évidemment, un humour plutôt méchant (les protagonistes n’arrêtent pas de s’insulter, de se mentir et de se mettre des gnons) qui n’empêche pas pour autant l’émotion, les problèmes existentiels de Walsh et la résolution finale de son dilemme touchant le spectateur au cœur. L’expression feel-good movie est un peu galvaudée aujourd’hui, tant elle sert à désigner la plupart du temps des spectacles consensuels et racoleurs : Midnight Run, lui, est un vrai feel-good movie, car il est pratiquement impossible d’en ressortir sans une patate d’enfer.


Arnaud Bordas 


Article initialement paru dans le HS Rockyrama Videoclub disponible ICI.